Mondher Zenaïdi, ancien ministre sous Ben Ali, multiplie les messages vidéo sur les réseaux sociaux à l’adresse des Tunisiens. Il se propose pour une mission de «sauvetage et de réforme», qui reste aussi vague et ambiguë qu’irréalisable. Vidéo.
Ridha Kefi
Dans ses messages, qui se suivent et se ressemblent, le candidat malheureux à la présidentielle de 2014 critique le président Kaïs Saïed tout en se gardant de le nommer, brosse un tableau sombre de la situation en Tunisie, sur les plans politique, économique et social, appelle à la libération des militants politiques, notamment la présidente du Parti destourien libre (PDL) Abir Moussi, des journalistes et des acteurs de la société civile emprisonnés et poursuivis en justice dans des affaires selon lui montées de toutes pièces, demande aux Tunisiens de rallier son «projet de sauvetage national», car, estime-t-il, il n’y a pas de réforme possible sans sauvetage préalable.
Inconstance et ambiguïté
Cependant, le problème avec Zenaïdi ce sont son inconstance et son ambiguïté.
L’inconstance réside dans ses disparitions fréquentes, plus ou moins longues et inexpliquées, et dans ses apparitions intempestives qui traduisent, chez lui, un opportunisme politique dont la vanité et la prétention n’échappent guère aux Tunisiens.
Cette inconstance réside aussi dans la manière qu’il a de se dérober au devoir d’autocritique. Il ne retient de sa longue carrière au service de la dictature de Ben Ali que sa connaissance des rouages de l’Etat et son expérience de la gestion des affaires publiques. Et évite de répondre aux critiques qui lui sont souvent adressées, au sein même de sa famille politique, destourienne l’occurrence, à propos de ses accointances avec Leila Ben Ali et son clan de prévaricateurs attitrés qu’il servit sans état d’âme sinon avec un zèle fort remarqué.
Pour ce qui est de l’ambiguïté que Zenaïdi semble entretenir sciemment, elle réside dans la stratégie d’évitement qu’il a adoptée pour ne pas avoir à avouer clairement aux Tunisiens la teneur et la nature de ses ambitions.
Résidant en France depuis plusieurs années, l’ancien ministre se contente de parler aux Tunisiens via des séquences vidéo où il les invite à rejoindre ce qu’il appelle son «projet de sauvetage national», sans clarifier sa démarche ni dire comment il entend s’y prendre pour le réaliser.
Va-t-il proposer une nouvelle fois sa candidature à la présidentielle, qui est prévue à l’automne prochain, et dont on attend la fixation de la date par le président de la république?
Quand on connaît la situation personnelle de M. Zenaïdi et celle qui prévaut aujourd’hui dans le pays, il ne fait aucun doute que ce scénario a de très faibles chances de se réaliser. Etant poursuivi dans plusieurs affaires de corruption – qu’il affirme être montées de toutes pièces pour l’exclure de la scène politique –, on ne le voit pas courir le risque de rentrer au pays et de se voir conduire illico presto en prison.
Sur un cheval blanc
Comment entend-il alors agir pour mettre en route son fameux «projet de sauvetage national»? Mise-t-il sur un mouvement populaire de désobéissance civile voire une nouvelle révolution qui le porterait, sur un cheval blanc, comme Bourguiba le 1er juin 1956, vers la plus haute charge de l’Etat?
Si c’est le cas, il risque d’attendre longtemps, car rien n’indique, pour le moment, que le pays est sur un volcan ou que le pouvoir en place est en passe de perdre le contrôle de la situation, comme cela est arrivé pour Bourguiba la veille du 7 novembre 1987 et pour Ben Ali la veille du 14 janvier 2011.
M. Zenaïdi peut toujours rêver et tirer des plans sur la comète, en prêtant trop l’oreille à quelques agitateurs politiques intéressés, quand on n’a aucune emprise sur la réalité à l’intérieur du pays, on ne peut orienter celle-ci dans le sens de ses désirs et de ses ambitions. Et M. Zenaïdi ne tardera pas à en faire l’expérience à ses dépens. A moins qu’il ne parvienne à prouver le contraire, en misant sur l’inconstance et la versatilité d’un peuple qui, jusque-là, à chaque fois qu’il s’est soulevé, a eu tout faux… Mais même un pareil scénario semble fort improbable dans l’état de lassitude et d’abattement où se trouve aujourd’hui le peuple tunisien, qui semble revenu de toutes ses illusions.