Entre le Hezbollah et Israël, ça sera le feu et la fureur!

Alors que les combats qui durent depuis neuf mois entre le Hezbollah et Israël ne cessent de s’intensifier et de s’élargir territorialement, le spectre d’une guerre ouverte et dévastatrice s’approche de plus en plus. Les va-t-en-guerre aux manettes en Israël veulent en découdre avec un Hezbollah qui n’a cessé de gagner en puissance et qui est perçu par les Israéliens comme une menace existentielle et le mouvement chiite libanais semble plus prêt que jamais à la confrontation, «bien plus que l’Ukraine face à l’invasion russe», reconnaît un officier israélien. 

Imed Bahri

C’est dans ce contexte que le magazine britannique The Economist a publié une enquête intitulée «La prochaine guerre effrayante: Israël Vs le Hezbollah» qui sera caractérisée par la présence de drones kamikazes, par une panne de courant générale et par la plus grande salve de missiles de l’Histoire. 

La guerre se profile à l’horizon et au fil des mois, Israël et le Hezbollah ont échangé des drones, des projectiles et des missiles. Le nord d’Israël a été frappé et vidé de sa population et 70 000 personnes ont été déplacées tandis qu’un plus grand nombre a quitté le sud du Liban.

Catastrophe pour Israël et désastre pour le Liban

Les pays ont commencé à exiger que leurs citoyens quittent le Liban tandis que les dirigeants israéliens parlaient de la guerre comme si elle allait arriver inévitablement et qu’elle serait la plus intense que la région ait connue depuis des décennies, une catastrophe pour Israël et un désastre pour le Liban.

L’hebdomadaire britannique estime qu’il existe toujours des voies de sortie de crise alors que les diplomates américains et européens poursuivent leurs navettes avec l’espoir, petit à petit, de convaincre le Hezbollah de se retirer à 7 à 10 kilomètres de la frontière. Ce dernier a annoncé le 2 juillet qu’il cesserait le feu si un cessez-le-feu était conclu à Gaza. Même dans ce cas, le résultat sera une paix fragile et la menace d’opérations israéliennes et du Hezbollah à travers la frontière se poursuivra ce qui découragera les Israéliens de revenir.

Si Israël décidait de lancer une guerre pour affaiblir le Hezbollah et le pousser vers le nord cela inclurait une opération terrestre limitée dans le sud du Liban qu’il a occupé jusqu’en 2001 ce qui équivaudrait à une opération militaire majeure. En 2006, lorsque les deux camps sont entrés dans une guerre de 34 jours, les combattants du Hezbollah ont utilisé des armes antichars israéliens pour empêcher leur avancée ce qui a surpris l’armée israélienne.

Dix-huit années se sont écoulées depuis cette guerre et les deux parties ont tiré les leçons de cette expérience. En 2006, les Israéliens ont frappé environ 100 cibles par jour et les officiers israéliens affirment aujourd’hui qu’ils atteindront 3 000 cibles. Le Hezbollah a été affaibli au cours des neuf derniers mois perdant environ 400 de ses combattants et la plupart de ses infrastructures dans le sud.

Selon les responsables des renseignements occidentaux, l’Iran qui soutient le Hezbollah ne croit pas que son allié soit prêt pour une guerre majeure. Certains au sein de l’armée israélienne mettent en garde contre toute complaisance. Un officier qui a étudié le groupe affirme que le parti est mieux préparé à faire face à une invasion terrestre que l’armée ukrainienne ne l’était face à l’invasion russe en 2022. L’armée israélienne avancera dans le sud mais lentement et à un coût plus élevé que lors de la dernière guerre.

Khalil Al-Hilu, un général libanais à la retraite affirme que le Hezbollah pourrait absorber le choc avant de frapper la périphérie d’Israël en utilisant des tactiques de guérilla notamment un vaste réseau de tunnels construit avec l’aide de la Corée du Nord.

The Economist indique qu’il y a eu quatre changements majeurs depuis 2006: le premier est que le Hezbollah a obtenu des drones kamikazes fabriqués par l’Iran et bien que les chars israéliens soient équipés de protection contre les armes antichar, les drones ciblent généralement les points faibles du véhicule.

Le deuxième point est le développement des forces terrestres du Hezbollah. Après 2006, la jeune génération qui avait rejoint le mouvement libanais et avait observé lors de la guerre civile syrienne les combats entre les Gardiens de la révolution iraniens et l’organisation État islamique que celui-ci s’appuyait sur des fortifications fixes qui pouvaient être attaquées ou contournées. Le Hezbollah a aussi formé une unité d’élite appelée Al-Radwan capable de diriger des frappes au plus profond d’Israël et à une distance de 20 kilomètres.

Une opération militaire limitée est-elle possible ?  

Le troisième point est l’expérience du Hezbollah en Syrie aux côtés de l’aviation russe qui a enseigné aux combattant du mouvement libanais la valeur des ogives explosives lourdes et la disponibilité d’un plus grand nombre d’entre elles. Finalement, la puissance de feu du Hezbollah est devenue précise. Elle utilise désormais des hélicoptères quadrimoteurs (quadcoptères) pour localiser les cibles directes des missiles. Il a également envoyé des missions de reconnaissance pour identifier des cibles puis les a frappées un jour ou deux plus tard avec une extrême précision selon un officier. Il a déclaré que des endroits que l’armée israélienne pensait cachés et bien protégés avaient été exposés et attaqués. Il a ajouté: «La seule raison pour laquelle nous n’avons pas subi d’énormes pertes dans le nord c’est parce que nos forces étaient hors de vue. Si l’armée décide de lancer une attaque, cela changera.»

Il y a ensuite la question de la taille puisque les généraux parlent avec optimisme d’une opération militaire limitée visant à contrôler un axe de sécurité ce qui empêcherait le Hezbollah de tirer sur les villes du nord d’Israël. Lors de la guerre de 1982, l’armée a utilisé sept divisions militaires pour envahir le Liban, et quatre divisions lors de la guerre de 2006 et à l’heure actuelle, l’armée mène une guerre à Gaza et en Cisjordanie. Au moins une unité a été envoyée pour mener des manœuvres dans des bases du nord et a été renvoyée à Gaza. Un soldat de réserve qui a participé à la manœuvre a déclaré: «Je ne sais pas comment ils vont amener un nombre suffisant de soldats.»

La guerre terrestre fait partie de la guerre. Avant de la lancer, Israël lancera des frappes aériennes pour détruire toutes les rampes de lancement de missiles possibles ce qui entraînera des pertes civiles.

Étant donné que la plupart des plates-formes se trouvent dans des villages, le Hezbollah est incité à lancer des roquettes vers le centre d’Israël avant leur destruction. Si cela se produit, Israël intensifiera probablement la guerre jusqu’à l’affaiblir car il frappera les locaux politiques du parti dans les villes libanaises et détruira les infrastructures civiles.

Actuellement, le Hezbollah attaque des sites militaires dans le nord d’Israël mais il changera de méthode s’il est soumis à une attaque au sol. En 2006, environ 15 000 projectiles et missiles ont été lancés dont la plupart n’étaient pas guidés et avaient une portée de 20 kilomètres, soit une portée plus courte que celle de la ville de Haïfa au nord. Le parti chiite libanais a tiré 120 roquettes par jour tuant 53 Israéliens et en blessant 250 autres. Cependant, la prochaine guerre sera plus intense puisque le Hezbollah dispose désormais de plus de 120 000 projectiles et missiles guidés dont beaucoup atteignent Tel Aviv et au-delà.

L’impact des attaques a été décrit dans un rapport inédit établis par plus de 100 experts qui ont participé à une conférence organisée par l’Université Reichmann d’Herzliya et achevée après octobre. Il a prévenu que le Hezbollah pourrait lancer entre 2 500 à 3 000 missiles par jour soit 25 fois plus qu’en 2006 et ce, sur une période de 3 semaines. Ce sera la plus longue salve de missiles soutenue de l’Histoire. Même si les destroyers américains ancrés en mer intercepteraient les énormes missiles, les systèmes de défense israéliens ne seraient pas en mesure d’en intercepter un grand nombre ce qui entraînerait beaucoup de morts, que certains estiment à des dizaines de milliers.

Gaza serait un paradis en comparaison

L’opinion publique israélienne a commencé à comprendre ce que signifiait, en termes pratiques, affronter un grand nombre de missiles. Le 20 juin, Saul Goldstein, directeur de la société gouvernementale Noga Energy Company a averti que les raids du Hezbollah contre les générateurs d’électricité pourraient avoir des effets désastreux. Il a déclaré: «Au moins, après 72 heures, il sera impossible de vivre en Israël» et d’ajouter: «Nous ne sommes pas prêts pour une véritable guerre et nous vivons dans un monde imaginaire».

Le ministre de l’Énergie a quant à lui répondu que des pannes de courant prolongées sont une faible possibilité. L’armée israélienne va sans aucun doute tenter de résoudre le problème sur le terrain puisqu’elle a frappé un bâtiment dans la vallée de la Bekaa qu’elle a identifié comme une plate-forme de missiles.

Cependant, les entrepôts et les rampes de lancement de missiles sont difficiles à identifier même si depuis janvier le parti a transféré ses armes les plus importantes vers la vallée de la Bekaa et la région montagneuse de Faraya ce qui complique la tâche de les cibler. Le parti a également amélioré ses défenses aériennes d’une manière qui complique la liberté de manœuvre de l’armée. Le Hezbollah a abattu 7 drones israéliens depuis octobre.

Israël ne peut pas arrêter les missiles s’ils sont lancés, il s’appuiera donc sur une forme de punition et de dissuasion sévères. S’il était contraint d’entrer en guerre contre le Hezbollah, cela détruirait les fondements de l’État libanais, a déclaré Yitzhak Gershon, commandant adjoint du commandement du Nord. Il a ajouté que Gaza serait un paradis en comparaison.

«Il est important que je le dise clairement à mes ennemis: s’il y a une panne de courant qui dure des heures [en Israël], alors au Liban, elle durera plusieurs mois», a déclaré Eli Cohen, ministre de l’Énergie et des Infrastructures. Al-Helou répond que l’infrastructure libanaise est déjà dans un état d’effondrement et que ce que fera Israël n’est pas important en termes de dissuasion.

Au début de la guerre, les deux parties doivent savoir si les États qui les soutiennent vont s’impliquer ou pas. Israël est confiant dans le soutien américain et dans la fourniture des défenses antimissiles nécessaires cependant ce qui n’est pas clair, c’est si Washington participera à la guerre en frappant les zones côtières. D’un autre côté, l’Iran ne souhaite pas une confrontation militaire directe avec Israël ou l’Amérique. Il se peut qu’il ait donné l’ordre à ses groupes mandataires en Syrie, en Irak et au Yémen de cibler Israël. Israël estime que l’Iran pourrait intervenir s’il cible les dirigeants du Hezbollah.

The Economist estime qu’Israël veut se débarrasser de la situation qui prévaut dans le nord et y protéger la population mais les experts doutent que cet objectif soit atteint à un prix acceptable. Un ancien responsable du Mossad affirme que l’armée est fatiguée à cause de Gaza et qu’elle a besoin de six mois pour se préparer à une nouvelle guerre dans le nord et il faut également que les dirigeants politiques rétablissent les relations avec les États-Unis et le reste des alliés. Si l’armée israélienne voulait établir une zone tampon de 10 kilomètres au Liban, le résultat serait une guerre d’usure stressante comme le dit l’ancien directeur du renseignement militaire israélien Tamir Heyman qui considère que ce serait une guerre similaire à celle des années 1990 ajoutant: «Si vous voulez créer un changement, il faut détruire le système tout entier c’est-à-dire le Hezbollah. Pour le moment, je pense que vous ne pouvez pas y parvenir.»