Lettre absurde à personne sur la banalité de l’horreur quotidienne

Terre de pardon, la Palestine souffre le martyr comme ses prophètes, mais nous pardonnera-t-elle un jour, comme eux. D’ici là, une petite lumière fébrile apparaît de temps en temps au bout de ce tunnel long de 76 ans…

Olfa Rhymy Abdelwahed *

Ni l’hostie que le monde civilisé ne cesse de mettre dans la bouche du Léviathan, ni le sang du christ ni toutes les offrandes païennes ou agnostiques ne semblent aptes à le rassasier. Ni d’ailleurs la complicité tacite ou implicite ne semble l’ébranler. Saisi de folie meurtrière, il est dans une espèce de transe macabre. Tuer à qui mieux-mieux. En veux-tu des génocides, en voilà. Sans discrimination aucune. Nous sommes dans l’«after», l’après. L’après le monde, l’après la vie, l’après nous.

Il ne s’agit plus de l’ère préhistorique, nous sommes dans l’ère post-humaine.

Nous sommes dans l’ère des prémices d’un monde nouveau peuplé de zombies, d’ectoplasmes et de spectres. Nous gravitons dans une dimension ou l’horreur absolue se revêt de banalité quotidienne plus ennuyante que dérangeante. Nous évoluons dans le règne de l’indifférence. Nous sommes face à de nouveaux concepts, de notions inconnues. Nous sommes les pionniers d’une révolution des normes.

La longévité, et la redondance de la chose ont eu gain de cause sur son atrocité et ont fait que nous commençons à la digérer. Nous devons digérer que nous avons échoué et perdu notre âme en même temps. Nous avons perdu la guerre civilisationnelle et morale.

Nous sommes dans un no man’s land où l’image d’un enfant calciné ne nous fait pas plus que ça. Ou les cris d’horreur des mamans font désormais partie des meubles.

L’éthique, les principes, la morale, voir la décence le droit et ses institutions se retirent en faveur d’une entité nouvelle ou un «Etat» paria se nourrit de chair infantile. Un «Etat» qui fait l’éloge du meurtre dans ses écoles et l’apologie de l’assassinat dans son parlement.

A-t-on idée de nourrir un monstre ! Il se retournera contre vous inéluctablement. Et nous alors, nous autres léthargiques, incapables et impuissants, sortirons-nous indemnes de tout ça? Échapperons-nous à la malédiction? Un grand pardon saura t-il nous sauver?

Terre de pardon, la Palestine a souffert le martyr comme ses prophètes et nous pardonnera un jour peut être, comme eux. D’ici là, une petite lumière fébrile apparaît de temps en temps au bout de ce tunnel long de 76 ans, encore un tunnel, c’est que le tunnel est notre seule issue, notre plan b et c et z, notre emblème, nous autres sous-terriens, sous-hommes, sous-tout. Une petite lumière allumée par ces hommes et ces femmes libres à travers le monde, ces étudiants dans la force de l’âge et du rêve, notre diaspora qui fera boule de neige et emportera tout dans son avalanche. Cette jeunesse farouche d’idéaux qui ira là où ils iront et ira là ou ils n’iront pas. Une toute petite lumière…

* Enseignante.

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