Téléphones portables, disques durs, écrans, vélos ou voitures électriques, turbines d’éoliennes, robots : ni les nouvelles technologies, ni la transition verte ne sont pensables sans les fameuses «terres rares». Mais elles sont difficiles à extraire et la Chine joue, dans ce domaine, d’une position dominante. Quelles sont les politiques à développer compte tenu de ces enjeux ?
Habib Glenza

Les terres rares sont présentes un peu partout dans la croûte terrestre. Leur rareté désigne leur très faible concentration, qui nécessite l’extraction de grands volumes de matière. Globalement l’extraction, la purification, le traitement et la séparation des terres rares sont coûteux en énergie, en eau et en produits chimiques polluants. Pour les puissances occidentales, et notamment les Etats-Unis, l’urgence est de sortir de la dépendance par rapport au quasi-monopole de la Chine, de faciliter l’émergence d’une filière du recyclage, et d’accélérer les possibilités de substitution.
À quoi servent les terres rares ?
Ces terres sont indispensables, surtout à quatre secteurs industriels qui représentent 10% de l’économie mondiale. Cependant, il est impératif de concilier leur exploitation et la préservation de l’environnement ?
Les métaux rares extraits de terres rares sont indispensables pour l’industrie numérique (téléphones portables, disques durs, écrans…); l’énergie (turbines d’éoliennes en mer, moteurs de voitures électriques et hybrides…); l’industrie médicale (appareillages de pointe, robots); et l’armement.
Les besoins en technologies bas-carbone, notamment pour les moteurs de véhicules électriques et hybrides ou les éoliennes en mer, pourraient multiplier la consommation de terres rares par sept d’ici 2040.
Pourquoi les qualifie-t-on ces terres de «rares» ?
Ces terres sont moins abondantes que d’autres disponibles en abondance, comme la chaux, l’alumine, la silice, etc. La première terre rare, l’ytterbium, fut découverte par hasard en 1787 par Arrhenius dans une carrière près de Stockholm. Aujourd’hui, ce sont les difficultés à les extraire et à les raffiner qui les rendent rares.
Pour extraire 1 kilo de gallium, un sous-produit de la production d’aluminium et de zinc, il faut casser 50 tonnes de roches. Pour obtenir 1 kilo de Lutecium, utilisé notamment en médecine nucléaire pour le traitement de certaines tumeurs neuro-endocrines, il s’agit de traiter 1 200 tonnes de roches.
Or, le raffinage de ces minerais passe par l’utilisation d’acides sulfuriques et nitriques, qui contaminent les eaux et les sols avoisinants, générant chez les humains cancers, malformations et infertilité.
Le contenu de ces minerais en thorium ou en uranium radioactif constitue une autre source de pollution, qui a justifié l’arrêt des activités de plusieurs raffineries dans le monde.
La Chine en tête du peloton
En 2000, pour privilégier ses industries, la Chine a réduit de 40% ses exportations, ce qui a provoqué une envolée des prix. En 2010, elle a institué des taxes et des quotas sur ces exportations. En 2019, elle a brandi la menace de réduire drastiquement ses exportations vers les Etats-Unis, suite à l’embargo américain sur les produits de la société Huawei, ce qui a agacé l’administration américaine et l’a poussée à chercher d’autres fournisseurs qui malheureusement ne font pas le poids.
La Chine investit massivement dans l’extraction de terres rares un peu partout dans le monde, pour renforcer sa souveraineté et pour provoquer le moins de pollution possible à l’intérieur de ses frontières.
Les Américains, pour leur part, ont réalisé le danger de la dépendance envers la Chine pour l’approvisionnement en terres rares, d’autant qu’en réponse aux attaques de Washington contre le groupe Huawei, Pékin a menacé de restreindre ses exportations des métaux indispensables aux produits de haute technologie dont elle détient le quasi-monopole mondial.
Ce quasi-monopole s’est installé à la fin des années 80. A cette époque, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont délaissé leurs mines de terres rares. Non seulement, celles-ci sont jugées très polluantes, mais surtout elles ne sont plus compétitives face aux exploitations de la Chine qui, selon une logique de spécialisation minière, est devenue le producteur à 85% voire 90% des terres rares dans le monde.
Enjeux géostratégiques du futur
Les Etats-Unis peuvent-ils trouver d’autres sources ?
Si Pékin décidait de fermer complètement le robinet de terres rares du jour au lendemain, les producteurs de produits technologiques mais aussi l’armée américaine se retrouveraient dans une situation défavorable. D’où la proposition du président Volodymyr Zelensky de lui remettre les terres rares ukrainiennes en contrepartie des dettes de Kiev envers Washington, estimées à 350 milliards de dollars. Cette proposition est sans doute plus favorable aux Ukrainiens qu’aux Américains du fait que l’extraction des minerais rares nécessite un investissement gigantesque et que les Ukrainiens ne possèdent ni les moyens financiers ni les technologies adéquates.
Le grand intérêt que Donald Trump semble accorder à ce dossier, sans doute sous l’influence directe de son mentor et «associé» Elon Musk et les autres acolytes du Gafam, trouve ici son explication.
La guerre des minerais rares ne fait donc que commencer!
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