Immigrés irréguliers en Tunisie | Pour une réponse internationale concertée à la crise

La crise de l’immigration irrégulière des Africains subsahariens en Tunisie est une problématique complexe et qui prend de l’ampleur au fil des jours nécessitant une réponse humanitaire coordonnée sur les plans régional et international.

Leith Lakhoua *

La Tunisie, pays traditionnellement connu pour sa stabilité relative et son rôle de pont entre l’Afrique et l’Europe, fait face à une crise migratoire sans précédent. La situation des immigrés irréguliers originaires d’Afrique subsaharienne prend des proportions dramatiques, exacerbée par l’absence d’une assistance significative de la part des organisations internationales telles que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Cette crise, loin de se résorber, s’aggrave de jour en jour, posant des défis humanitaires, sociaux et sécuritaires majeurs pour le pays.
Selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur tunisien, environ 23 000 immigrés en situation irrégulière seraient présents sur le territoire. Cependant, des estimations non officielles suggèrent que ce nombre pourrait dépasser les 100 000 personnes. Les régions de Sfax, El-Amra et Jebeniana sont particulièrement touchées, avec des campements anarchiques abritant plus de 60 000 immigrés. Ces zones agricoles, autrefois paisibles, sont aujourd’hui le théâtre de tensions croissantes entre les populations locales et les migrants.

Les conséquences de cette présence massive sont multiples et préoccupantes. Les infrastructures publiques sont vandalisées, les oliviers centenaires, symbole de l’agriculture tunisienne, sont détruits, et les biens des citoyens sont fréquemment attaqués. Ces actes ont transformé la coexistence en un véritable calvaire pour les habitants, alimentant des conflits qui frôlent parfois la guerre civile. Les autorités locales, déjà confrontées à des défis économiques et sociaux, peinent à contenir cette situation explosive.

Afflux continu et défis démographiques

Malgré les efforts des autorités tunisiennes pour démanteler les réseaux de trafic d’êtres humains, l’afflux quotidien de migrants ne faiblit pas. Des centaines, voire des milliers de personnes, continuent d’arriver chaque jour, souvent avec l’espoir de rejoindre l’Europe. Cependant, une réalité nouvelle émerge : de plus en plus de migrants s’installent durablement en Tunisie. Cette tendance est renforcée par le taux de natalité élevé parmi les femmes migrantes. Cette dynamique démographique complexifie davantage la situation, transformant ce qui était perçu comme un transit en une installation permanente.

Les autorités tunisiennes ont tenté de répondre à cette crise par des mesures sécuritaires, notamment en démantelant les réseaux de passeurs et en renforçant les contrôles aux frontières terrestres et maritimes. Cependant, ces efforts, bien que louables, ne suffisent pas à résoudre le problème de fond. La Tunisie, déjà confrontée à des difficultés économiques et sociales, ne peut assumer seule le fardeau de cette crise humanitaire.

Une solution durable nécessite une coordination internationale. Les organisations onusiennes, telles que l’OIM et le HCR, doivent jouer un rôle plus actif en apportant un meilleur soutien financier, logistique et technique à la Tunisie.

Par ailleurs, un dialogue avec les pays d’origine des migrants est essentiel pour faciliter leur rapatriement volontaire et sécurisé.

En parallèle, des fonds internationaux devraient être mobilisés pour aider la Tunisie à gérer cette crise, notamment en établissant des camps sous contrôle de l’armée. Ces camps permettraient d’identifier les migrants, de les enregistrer et de les prendre en charge tout en préparant leur répartition entre les pays volontaires pour les accueillir.

Sommet international pour une solution globale

Face à l’ampleur de cette crise, un sommet international dédié à la question migratoire en Tunisie s’impose. Ce sommet réunirait les pays concernés, les organisations internationales et les acteurs régionaux pour élaborer une stratégie commune. Les objectifs seraient multiples : renforcer les contrôles aux frontières, lutter contre les réseaux de trafic, organiser le rapatriement des migrants dans leurs pays d’origine et répartir équitablement la responsabilité de l’accueil des réfugiés entre les nations.

En conclusion, la crise de l’immigration irrégulière des Africains subsahariens en Tunisie est une problématique complexe qui nécessite une réponse humanitaire coordonnée. Sans une action internationale concertée, cette situation risque de dégénérer, menaçant non seulement la stabilité de la Tunisie, mais aussi la sécurité régionale.

Il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités et apporte son soutien à un pays qui, malgré ses limites, continue de faire face à cette crise avec dignité et détermination.

* Consultant en organisation industrielle et logistique.  

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