Nous sommes tous des Africains 

La crise des migrants africains subsahariens en Tunisie, qui suscite un vif débat en Tunisie et parfois des réactions à la limite du racisme et de la xénophobie, a inspiré ce poème à l’auteur, économiste de son état qui a beaucoup travaillé en Afrique.

Sadok Zerelli

Ils arrivent de loin, les cœurs en exil, 

Brisés par la faim, chassés par l’argile. 

Le vent les porte, l’espoir les guide, 

Mais ici, hélas, tout est aride. 

Leurs pas résonnent dans nos ruelles, 

Ombres perdues sous la dent des querelles. 

On les traque, on les maudit, 

Comme si leur peau portait le délit. 

Noirs sous le soleil, sombres dans la nuit, 

Ils rêvent d’un pain, d’un toit, d’un bruit, 

Autre que l’insulte, autre que le coup de poing, 

Autre que l’ordre de partir au loin. 

Ont-ils oublié, ceux qui jugent, 

Que l’exil fut aussi leur refuge ? 

Que leurs ancêtres, aux temps passés, 

Étaient ces hommes qu’on veut chasser ? 

Frères d’Afrique, pardonnez l’oubli, 

La peur des âmes, la haine, l’ennui. 

Un jour, la terre ouvrira ses bras, 

Et l’homme ne se mesurera plus à sa peau, mais à sa foi.

Pardon, mes frères, vous qui fuyez la guerre, 

La faim, l’oubli, l’exil amer. 

Vos pas fatigués sur nos terres échouent, 

Cherchant refuge sous un ciel trop flou. 

Pardon, mes frères, pour l’ignorance, 

Pour ces chaînes tissées d’arrogance. 

Nos cœurs ont oublié l’hospitalité, 

Ils ont laissé la peur les dominer. 

Vos rêves chavirent dans l’ombre de nos rues, 

Où l’on vous traque, où l’on vous tue. 

Vos visages brûlent sous des regards de fer, 

Où l’on vous traite en indésirables, en étrangers de l’enfer. 

Les chaînes ont changé, mais les cris demeurent, 

Les insultes pleuvent, les cœurs se meurent. 

Vous êtes noirs, et c’est votre offense, 

Dans ce pays qui oublie son essence. 

Car hier encore, nous étions vous, 

Chassés, opprimés, traînés à genoux. 

Nos pères savaient l’exil, la douleur, 

Mais ont-ils perdu leur propre mémoire ? 

Pardon, mes frères, pour l’oubli, la haine, 

Pour ces blessures, pour tant de peine. 

La mer vous rejette, la terre vous nie, 

Mais sachez que l’histoire vous rendra la vie. 

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