L’interminable guerre génocidaire menée par Benjamin Netanyahu à Gaza dure depuis bientôt deux ans et elle est exécutée par l’armée israélienne cependant au sein de celle-ci les critiques fusent sur les véritables intentions du Premier ministre israélien, les réservistes sont de plus en plus nombreux à déserter et le risque de mutinerie est devenu sérieux.
Imed Bahri
Le Daily Telegraph a publié une enquête de Henry Bodkin et Adrian Blomfield, affirmant que les soldats et généraux israéliens prennent leurs distances avec Netanyahu à cause de la guerre de Gaza.
Selon le Telegraph, cette guerre interminable pourrait entraîner une mutinerie au sein des rangs supérieurs de l’armée israélienne. Les deux auteurs ont cité un incident survenu au sud du Liban où six soldats ont été tués lors d’un affrontement avec des combattants du Hezbollah. Ron Weiner, qui faisait partie du groupe, a survécu. Weiner, 26 ans, a qualifié l’incident d’horrible. Capitaine de l’unité Nahal, il a pu extraire l’un de ses camarades blessés alors que les combats autour d’une maison ont duré cinq heures.
25 jours de prison pour refus de servir
Après cet incident, Weiner a refusé de réintégrer l’armée comme réserviste, probablement pour être déployé à Gaza, en signe de protestation contre la guerre qui a tué plus de 59 000 Palestiniens depuis octobre 2023. Il a déclaré: «Lorsque les bombardements sur Gaza ont repris, il est devenu évident pour moi que notre gouvernement souhaitait prolonger cette guerre aussi longtemps que possible, et non y mettre fin. J’ai alors compris que je ne pouvais pas reprendre du service dans cette guerre».
Wiener a été condamné à 25 jours de prison pour refus de servir. Il ferait partie d’une vague croissante de jeunes réservistes qui estiment ne pas pouvoir participer à la guerre à Gaza. La plupart d’entre eux ne se présentent pas au service soit parce qu’ils «oublient» de lire leur courrier électronique (les convocations sont envoyées par mail) soit parce qu’ils invoquent des urgences médicales ou familiales. Wiener estime que les images d’enfants affamés à Gaza entraîneront une diminution du nombre de soldats qui s’engagent.
Cette vague survient à un moment où la pression sur Israël s’intensifie face aux conditions humanitaires désastreuses à Gaza, les agences humanitaires mettant en garde contre une malnutrition massive et une famine généralisée.
La France a annoncé jeudi son intention de reconnaître la Palestine comme État. Le point de vue de Wiener sur la futilité du conflit semble être partagé par un nombre croissant d’officiers supérieurs, en service ou à la retraite, qui se sont retournés contre la guerre de Netanyahu. Le journal cite le général Assaf Orion, ancien chef de la planification stratégique de l’armée israélienne, qui a déclaré que, si les campagnes israéliennes contre l’Iran et le Hezbollah au Liban avaient des objectifs stratégiques clairs, la poursuite des opérations militaires à Gaza n’est plus une nécessité militaire évidente. Il a déclaré au Telegraph: «À Gaza, je crois que des arrière-pensées ont obscurci l’orientation stratégique des fins et des moyens. Je crois que la principale raison d’une longue guerre à Gaza est l’opportunisme politique».
Netanyahu craint l’effondrement de son gouvernement
Eran Etzion, ancien chef adjoint du Conseil de sécurité nationale israélien, a été plus direct: «Il est clair pour la plupart des Israéliens depuis un certain temps que la principale raison de la poursuite de la campagne de Gaza réside dans les intérêts politiques personnels et juridiques de Netanyahu. Il a besoin de la guerre pour maintenir son pouvoir, voire le consolider».
Nombreux sont ceux qui pensent que Netanyahu craint l’effondrement de son gouvernement si la guerre prend fin car les partis ultranationalistes de sa coalition l’abandonneront. Etzion affirme: «C’est la raison principale. Cela n’a rien à voir avec le Hamas, c’est entièrement Netanyahu».
Si l’on en croit certaines fuites provenant du cabinet de sécurité israélien, le scepticisme ne se limite pas aux généraux à la retraite. Le chef d’état-major interarmées, le général Eyal Zamir, aurait affirmé qu’il y avait peu à gagner à poursuivre l’opération militaire sans risquer la vie de 20 détenus israéliens présumés vivants dans la bande de Gaza.
Un Hamas bien qu’affaibli continue de combattre depuis les ruines de Gaza renvoyant des soldats israéliens de sacs mortuaires en Israël. Netanyahu insiste sur le fait que le mouvement palestinien doit être écrasé et non brisé, en tant que force militaire et gouvernementale et que le meilleur moyen de récupérer les détenus est de poursuivre les combats.
Les négociations de Doha ont échoué et la délégation israélienne est revenue pessimiste quant à la possibilité d’un accord. La réputation internationale de l’État hébreu est en crise, ses alliés traditionnels comme la Grande-Bretagne, la France, le Canada et l’Australie se bousculant pour condamner les rapports de plus en plus nombreux faisant état de famine.
Les dirigeants militaires, dont Zamir, se trouvent face à un dilemme en raison des positions des élus. Sa position s’est clairement manifestée ce mois-ci par son opposition au projet du ministre de la Défense Yisrael Katz de transférer toute la population civile de Gaza vers une prétendue «ville humanitaire» construite sur les ruines de Rafah dans le sud de la bande de Gaza.
Le commandant de l’armée aurait souhaité protéger ses officiers d’une éventuelle complicité de crime de guerre dans un contexte de colère face à la possibilité que cette zone, qualifiée de camp de concentration par l’ancien Premier ministre Ehud Olmert, soit le prélude au déplacement forcé de la population. Cela placerait également ses forces, qui seraient chargées à terme de surveiller le périmètre de la zone et de faciliter l’entrée de l’aide, sous une pression opérationnelle importante.
L’armée craint que le Hamas n’interprète la création d’une cité humanitaire comme un signe de l’intention d’Israël de reprendre les combats après avoir accepté une trêve de 60 jours menaçant ainsi un éventuel accord.
Netanyahu s’est indigné des déclarations des dirigeants militaires israéliens selon lesquelles le projet de cité humanitaire prendrait un an et coûterait 4 milliards de dollars. Le Premier ministre israélien a appelé à un plan «plus court, moins coûteux et plus pratique» et il est difficile de savoir si cette initiative sera un jour mise en œuvre.
Ce plan pourrait dépasser les capacités des généraux de haut rang, déjà profondément insatisfaits de la situation dans laquelle se trouvent leurs forces sous le nouveau régime d’aide soutenu par les États-Unis. Les Nations Unies accusent l’armée d’avoir tué plus de 1000 civils palestiniens par balle à proximité des sites de distribution d’aide. Selon de nombreuses vidéos et témoignages, le contrôle des foules à l’intérieur et autour de ces sites est extrêmement faible et les soldats israéliens qui assurent la sécurité des entrepreneurs américains ouvrent le feu si les Palestiniens s’approchent trop près.
Lors d’une discussion animée au sein du cabinet de sécurité, le général Zamir aurait contraint un ministre d’extrême droite à visionner une vidéo d’un incident montrant la proximité des travailleurs humanitaires avec ses soldats. L’armée israélienne s’est accaparé 75% de la bande de Gaza, objectif qu’elle visait lors du lancement de l’opération Gideon en mai.
La semaine dernière, l’armée a avancé dans la ville de Deir al-Balah. C’est la première fois que ses forces semblent avoir délibérément cherché à s’emparer d’une zone où, selon les renseignements, des détenus israéliens étaient très probablement retenus.
Les coûts pour Israël augmentent et les bénéfices diminuent
Netanyahu et ses alliés affirment que le maintien des derniers éléments du Hamas dans la bande de Gaza mènera à terme à une nouvelle offensive du type du 7 octobre. Ils ont jusqu’à présent rejeté les propositions arabes visant à établir un gouvernement intérimaire pour gouverner la bande en cas de cessez-le-feu permanent.
Le général Orion déclare: «La guerre de Gaza a atteint son paroxysme. Toute opération militaire, comme toute aventure humanitaire, a un point final où les bénéfices diminuent. À un certain point, les grandes réussites rencontrent des résistances et perdent de leur efficacité. Les coûts augmentent et les bénéfices diminuent. À Gaza, nous avons dépassé ce stade».
Bien que les chiffres sur l’ampleur du refus des réservistes de reprendre le service restent flous, les associations et les responsables politiques estiment que pas plus de 60% de ceux qui sont sollicités répondent à l’appel.
La grande majorité de ceux qui ne se présentent pas sont des personnes qui invoquent des problèmes médicaux ou familiaux ou voyagent simplement à l’étranger pendant la période d’appel. Les refus pour des raisons explicitement politiques sont rares mais ils sont en augmentation comme en témoignent le nombre croissant de lettres publiques signées par des réservistes condamnant la conduite de Netanyahu pendant la guerre ainsi que les réprimandes et les licenciements qui ont suivi.
Des anecdotes ont fait état d’officiers contactant frénétiquement les réservistes via les réseaux sociaux, les suppliant de se présenter, leurs rangs étant en baisse.
Parallèlement, la question de la conscription obligatoire pour les juifs ultra-orthodoxes reste d’actualité, Netanyahu s’attendant à revenir sur sa promesse d’obliger les jeunes hommes ultra-orthodoxes à faire leur service militaire.
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