La Zone de libre échange continental africaine (Zleca) a lancé, lundi 29 septembre 2025, un atelier en Tunisie pour l’harmonisation des lois sur le commerce numérique. Ce programme de cinq jours vise à aider les pays d’Afrique du Nord à intégrer le protocole à mesure que l’intégration du commerce numérique progresse.
La Tunisie est le dernier pays africain en date à bénéficier d’un soutien ciblé pour la mise en œuvre de l’ambitieux cadre commercial numérique du continent. Le secrétariat de la Zleca) a lancé à Tunis un atelier de renforcement des capacités, en collaboration avec les responsables du gouvernement tunisien, afin d’aligner les structures juridiques du pays sur les normes continentales en matière de commerce numérique.
Un travail d’harmonisation
Cet atelier s’inscrit dans une démarche plus large visant à garantir que les États membres puissent concrétiser ce qui paraît prometteur sur le papier. Le Protocole sur le commerce numérique de la Zleca a été adopté en février 2024, créant un cadre réglementaire unifié destiné à régir tous les aspects, du commerce électronique à la fintech, dans les 54 pays africains. Cependant, l’adoption et la mise en œuvre sont deux choses totalement différentes, d’où l’importance de ces ateliers.
Le programme de Tunis rassemble des décideurs politiques, des régulateurs et des acteurs du secteur pour aborder les défis pratiques liés à l’harmonisation de la législation nationale tunisienne avec les exigences de la Zleca en matière de commerce numérique. Il s’agit notamment de simplifier la réglementation relative à la gouvernance des données, aux paiements numériques et à la protection des consommateurs pour les transactions en ligne, domaines dans lesquels l’incohérence des règles crée actuellement des frictions pour les entreprises souhaitant opérer au-delà des frontières.
Un environnement transparent et sécurisé
Le protocole vise à établir des règles harmonisées et des principes communs pour faciliter le commerce numérique en Afrique, en mettant l’accent sur la coopération entre les États membres et en créant un environnement numérique transparent et sécurisé.
Pour la Tunisie, dont le secteur technologique est relativement développé par rapport à de nombreux pays africains, cela représente à la fois une opportunité et un défi. L’opportunité réside dans la possibilité d’accéder plus facilement aux marchés du continent. Le défi consiste à adapter les cadres existants sans perturber l’innovation nationale.
L’engagement de la Tunisie est important en raison de sa position en Afrique du Nord. Si des pays comme le Ghana, le Nigéria et la Namibie ont été les premiers à mettre en œuvre le protocole sur le commerce numérique, la participation de l’Afrique du Nord a été un peu plus lente. La participation de la Tunisie aux efforts de renforcement des capacités suggère que le protocole gagne du terrain au-delà des clivages régionaux qui fragmentent parfois les initiatives économiques africaines.
L’orientation technique de l’atelier reflète la complexité de la domestication du commerce numérique. Il ne suffit pas que les pays signent des accords : ils doivent réviser la réglementation des télécommunications, actualiser les lois sur la protection des données, réformer les procédures douanières pour les biens numériques et créer des mécanismes d’application pour les litiges numériques transfrontaliers. Cela nécessite une coordination entre de multiples agences gouvernementales qui ne travaillent pas toujours en parfaite harmonie.
L’économie numérique tunisienne devrait bénéficier considérablement d’une mise en œuvre réussie. Le pays compte des entreprises fintech émergentes, un secteur du e-commerce en pleine expansion et des startups technologiques qui pourraient se développer à l’échelle régionale grâce à des règles plus claires.
Cependant, ces entreprises sont freinées par les mêmes problèmes de fragmentation que ceux qui touchent les entreprises dans toute l’Afrique : systèmes de paiement différents, normes de données incompatibles et incertitude réglementaire quant à la légalité des transactions.
Le contexte général est important ici. Le protocole commercial numérique de la Zleca est salué comme une révolution pour le commerce intra-africain, les experts soulignant qu’il vise à réduire les interactions physiques et à évoluer vers des marchés numériques afin de réduire les coûts et les risques. Cette vision est convaincante, mais sa réalisation dépend de la mise en œuvre effective des dispositions du protocole par les pays au niveau national.
L’atelier organisé en Tunisie s’inscrit dans le cadre d’une série de programmes déployés dans les États membres. Chaque pays est confronté à des défis spécifiques, liés à ses cadres juridiques existants, à ses capacités institutionnelles et à la maturité de ses infrastructures numériques. Le secrétariat de la Zleca semble avoir reconnu l’échec d’une approche universelle, d’où la mise en place de programmes sur mesure.
La durée de cinq jours suggère un engagement intensif plutôt qu’un aperçu superficiel. Les participants examineront vraisemblablement des projets de loi spécifiques, identifieront les lacunes réglementaires et élaboreront des feuilles de route de mise en œuvre que la Tunisie pourra suivre après la clôture de l’atelier. La traduction de ces feuilles de route en changements politiques concrets dépend de la volonté politique et du suivi bureaucratique, domaines où les bonnes intentions butent souvent.
Une fois que les 22 États membres de la Zleca auront ratifié le Protocole sur le commerce numérique, celui-ci entrera en vigueur pour ces pays. Ce seuil n’a pas encore été atteint, ce qui signifie que des pays comme la Tunisie préparent efficacement les infrastructures d’un système qui n’est pas encore pleinement opérationnel. C’est un peu comme construire des gares avant l’ouverture du chemin de fer : une étape nécessaire, mais qui exige la confiance que le réseau complet finira par se concrétiser.
L’intégration de 1,4 milliard de personnes dans un marché numérique unique, dont le PIB combiné dépasse 3 500 milliards de dollars, représente un potentiel extraordinaire. Cependant, potentiel et réalité divergent souvent dans les projets d’intégration continentale. L’Union européenne a passé des décennies à harmoniser les règles du commerce numérique, et elle travaille encore sur les questions de souveraineté des données et d’application transfrontalière. L’Afrique tente quelque chose de tout aussi complexe avec moins de ressources et des points de départ plus divers.
Pour les entreprises ghanéennes qui observent les progrès de la Tunisie, les implications sont évidentes. Plus les pays qui réussissent à domestiquer le protocole sur le commerce numérique sont nombreux, plus le commerce numérique transfrontalier devient viable. Si la Tunisie simplifie sa réglementation en matière de paiements numériques et de gouvernance des données, il devient plus facile pour une fintech ghanéenne d’y opérer. À l’inverse, si la mise en œuvre stagne, la fragmentation du marché persiste. La volonté du secrétariat de la Zleca d’investir des ressources dans le renforcement des capacités de chaque pays témoigne de la reconnaissance du fait que l’adoption du protocole à elle seule ne suffit pas sans un soutien à sa mise en œuvre. C’est un enseignement tiré des précédents efforts d’intégration africaine, qui semblaient impressionnants sur le papier, mais ont échoué dans la pratique faute d’attention suffisante portée à la mise en œuvre au niveau national. L’issue de cet atelier déterminera s’il s’agit d’un véritable progrès ou d’une simple conférence s’enchaînant sur des rapports qui s’épuisent. Le test aura lieu lorsque la Tunisie soumettra effectivement sa législation révisée, lorsque les organismes de réglementation commenceront à appliquer de nouvelles normes et lorsque les entreprises constateront des changements tangibles dans leurs modalités d’exploitation transfrontalière.
Pour l’instant, la Tunisie a manifesté son engagement à participer à l’intégration numérique de l’Afrique. Il reste à voir si cet engagement survivra aux réalités complexes de la réforme législative et de la coordination bureaucratique. Mais au moins, les discussions ont lieu dans des espaces où les décisions peuvent réellement être prises.
Traduit de l’anglais.
Source : News Ghana.
Donnez votre avis