Blaise Metreweli, 48 ans, est devenue la première femme à diriger l’agence de renseignement extérieur britannique (MI6) et la plus jeune personne à occuper ce poste. Contrairement à son prédécesseur Sir Richard Moore, diplomate de carrière réputé pour entretenir des liens étroits avec la Turquie, Metreweli est un pur produit du MI6 où elle a fait toute sa carrière. Familière du Moyen-Orient depuis sa prime enfance, y ayant bâti sa solide expérience sur le terrain et avec tous les bouleversements et toutes les mutations que vit la région, elle entend en faire une priorité et renouer avec le dynamisme britannique d’antan.
Imed Bahri
Dans une enquête du journal britannique The Times, Larissa Brown affirme que Blaise Metreweli, la nouvelle directrice du service de renseignement extérieur britannique, souhaite restaurer l’influence britannique au Moyen-Orient après la guerre israélienne à Gaza.
Metreweli a passé une grande partie de sa carrière au Moyen-Orient, parle couramment l’arabe et a passé une partie de son enfance en Arabie saoudite. On pense que Metreweli, qui a rejoint le MI6 en 1999, convoitait ce poste depuis des années et n’a pas hésité à le faire savoir à ses collègues.
Le journal britannique affirme que Metreweli dirige cette importante agence de renseignement dans un contexte d’événements qui placent le Moyen-Orient à la croisée des chemins : situation incertaine entre fin et poursuite de la guerre de Gaza, de nouvelles opportunités avec l’arrivée d’un nouveau leadership en Syrie et l’affaiblissement du Hezbollah au Liban.
Les agences de renseignement craignent que les actions d’Israël à Gaza et les souffrances des Palestiniens innocents, régulièrement présentées à la télévision, n’alimentent l’extrémisme mondial. Pourtant, selon un ancien collègue de Metreweli, la Grande-Bretagne est devenue «marginalisée» dans le conflit de Gaza. Les Américains sont les seuls à avoir une influence sur le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, déterminé à détruire le Hamas après les événements du 7 octobre 2023.
Le Times rapporte que certains diplomates britanniques ont limité leurs efforts à l’acheminement de l’aide à Gaza, estimant que toute tentative de convaincre Netanyahu de changer de cap est vaine.
Des canaux de communication secrets
Il reste à voir si la reconnaissance de l’État de Palestine par le gouvernement travailliste, ainsi que par le Canada et l’Australie, fera une différence. Un ancien officier ayant travaillé avec la nouvelle directrice et souhaitant garder l’anonymat a déclaré qu’un éventuel cessez-le-feu, tel que proposé par le président Trump, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives à la Grande-Bretagne.
«Pour ceux qui la connaissent, sa véritable carrière s’est déroulée au Moyen-Orient, et je pense qu’elle se concentrera davantage sur ce sujet. J’imagine qu’il existe une forte volonté de voir si la Grande-Bretagne peut faire la différence. Nous sommes marginalisés dans le conflit entre Israël et Gaza», a-t-il déclaré.
Il est raisonnable de penser que la Grande-Bretagne, qui entretient des liens étroits avec le Qatar, pourrait jouer un rôle si des progrès sérieux sont réalisés vers un cessez-le-feu, a-t-il ajouté. Et d’enchaîner qu’il existait de nombreux canaux de communication secrets et que la principale chose que la Grande-Bretagne puisse faire est de recueillir des informations sur le sérieux du Hamas quant à un cessez-le-feu.
«Je pense que c’est un objectif majeur pour le moment», a déclaré l’ancien officier, en affirmant qu’Israël avait redéfini les règles sous le mandat de Richard Moore à la tête du MI6.
«Nous sommes dans une nouvelle orbite mondiale, et pendant des années, on a eu l’impression qu’Israël était encerclé par ces États hostiles ou d’autres milices armées, et qu’il devait agir avec prudence, car il risquait une menace existentielle s’ils arrivaient tous simultanément. Depuis le 7 octobre, Israël a prouvé sa force et, plus important encore, sa capacité à prendre des mesures unilatérales contre quiconque, y compris les négociateurs du Hamas au Qatar», a encore déclaré l’ancien officier.
Les règles que les Israéliens suivent ont complètement changé. Il est devenu difficile pour des pays comme la Grande-Bretagne de maintenir leur importance sans être un acteur majeur dans la région.
La transition entre Moore et Metreweli était en préparation depuis des années. «Elle est très ambitieuse. Elle convoitait ce poste depuis longtemps. Elle l’a visé et l’a atteint», affirme l’un de ses collègues.
La Grande-Bretagne espionne pour le compte d’Israël
Les relations entre Israël et la Grande-Bretagne se sont fortement détériorées ces derniers mois. Cependant, la Grande-Bretagne continue de fournir à Israël des renseignements recueillis sur les détenus israéliens à Gaza grâce à des avions de surveillance pilotés par des sous-traitants américains.
Tout renseignement israélien sur l’état du programme nucléaire iranien sera probablement très recherché, l’Occident cherchant à déterminer la menace que représente Téhéran après les attaques contre ses installations nucléaires.
Également, Metreweli pourrait souhaiter que ses officiers et agents à l’étranger surveillent de près tout extrémiste susceptible de représenter une menace pour la Grande-Bretagne. La menace posée par Al-Qaïda et l’État islamique n’a pas disparu.
Dans son discours d’adieu à Istanbul le mois dernier, Moore a averti que les deux organisations terroristes cherchent à se regrouper, exploitant les conflits et les espaces non gouvernés pour se rétablir, tout en utilisant la technologie pour diffuser leurs idéologies violentes en ligne.
Metreweli, qui a accompagné Moore durant ses dernières semaines, était à ses côtés lors de son discours, prononcé en partie en turc.
Contrer toute menace émanant du Kremlin
La nouvelle cheffe du renseignement est parfaitement armée pour gérer le dossier russe, un enjeu clé pour Moore durant son mandat, et elle placera la Russie au cœur de ses priorités lors de sa prise de fonctions à Vauxhall cette semaine. Le gouvernement britannique s’appuiera également sur des agences comme le MI6 pour contrer toute menace émanant du Kremlin, dans un contexte d’inquiétudes croissantes quant à l’escalade des attaques hybrides russes contre l’Europe.
La baronne Manningham-Buller, ancienne directrice du MI5 (renseignement intérieur britannique), a averti lundi que la Grande-Bretagne pourrait déjà être en guerre avec la Russie en raison de l’ampleur et de l’intensité des cyberattaques, des sabotages et autres activités hostiles orchestrées par Moscou en Grande-Bretagne.
Metreweli dirigera l’agence pendant une période de transformation, cherchant à attirer de nouveaux espions en ligne, notamment russes, via son portail dédié au dark web. Elle suivra également son prédécesseur en rendant l’agence plus ouverte et transparente, en exploitant ses plateformes de médias sociaux sur X et Instagram.
Les agences de renseignement britanniques, dont le MI6, avaient prédit la guerre en Ukraine bien avant que les chars russes ne franchissent la frontière et les espions de Moore avaient prédit l’importance de Hay’at Tahrir al-Sham un an ou deux avant le renversement de Bachar al-Assad en Syrie.
Dan Lomas, professeur associé de relations internationales à l’Université de Nottingham, a souligné que pour être un bon officier C (nom de code du directeur du MI6), il fallait avoir le respect de l’agence. Il a souligné que Metreweli était un ancien officier du renseignement ayant servi sur le terrain et ayant également été commandante. Il sera important pour elle de s’engager dans la «diplomatie du renseignement», en représentant l’institution auprès de ses proches alliés et de partenaires improbables, un domaine dans lequel Moore excellait.
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