Le bain de sang se poursuit à Gaza. Tous les jours, Israël viole le cessez-le-feu et tue des civils. Pour la seule journée du 29 octobre 2025, plus de 100 Palestiniens ont été massacrés. Ce qui a été présenté par Donald Trump comme un accord de fin de guerre à Gaza ressemble à tout sauf à une fin de guerre et prouve encore que chez le matamore Trump, l’un des pionniers de la téléréalité aux États-Unis avec son émission The Apprentice, tout est effet d’annonce, coup de com. et bluff. Tout cela arrange parfaitement son acolyte israélien Benjamin Netanyahu qui considère la «trêve» comme une pause tactique avant de reprendre le conflit sanglant. (Des femmes constatent les dégâts causés à leur maison après des frappes aériennes israéliennes sur la ville de Gaza, le 29 octobre 2025. Photo : Mohammed Saber/EPA).
Imed Bahri
Sanam Vakil, la directrice du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House, affirme dans les colonnes du Guardian que les récentes frappes aériennes israéliennes à Gaza, qui ont fait plus de 100 morts pour la seule journée du mercredi 29 octobre, illustrent la fragilité de cet accord. Elle rappelle qu’il ne s’agit pas de la première violation du cessez-le-feu depuis son entrée en vigueur le 10 octobre mais d’une parmi tant d’autres ces dernières semaines, démontrant qu’en l’absence de mécanismes de contrôle plus stricts et d’une planification rigoureuse, ce cessez-le-feu n’est pas sérieux.
Selon Israël, cette vague de violence a été déclenchée par des tirs du Hamas contre l’armée à Rafah, une zone encore sous contrôle israélien, entraînant la mort d’un réserviste. Le Hamas a nié toute implication. Israël a riposté par des frappes supplémentaires sur la ville de Gaza et Khan Younis. Chaque camp interprétant les violations selon ses propres intérêts, le flou qui entoure le cessez-le-feu ouvre la porte à des erreurs d’appréciation et à des manœuvres politiques.
Un plan reste largement inachevé
Le cessez-le-feu a été instauré dans le cadre du plan en 20 points du président américain pour mettre fin à la guerre. De fait, la fin du conflit a été saluée comme une avancée majeure, marquée par un retrait partiel des forces israéliennes et des échanges de détenus et de prisonniers. Cependant, le principal problème réside dans le fait que le plan reste largement inachevé. Ce plan ne propose aucun calendrier précis, aucun processus de vérification ni aucun moyen crédible de mise en œuvre.
De plus, peu de détails concernant la deuxième phase du cessez-le-feu –qui devrait inclure un retrait israélien complet, la mise en place d’une administration technocratique à Gaza et le déploiement d’une mission internationale de stabilisation– ont été convenus. Sans séquence claire ni contrôle extérieur, ce plan risque d’enraciner l’instabilité plutôt que de la résoudre.
Israël a clairement indiqué qu’il ne passerait pas à cette étape suivante tant que le Hamas n’aurait pas restitué les dépouilles des détenus israéliens décédés, une condition que le Hamas peine à remplir.
La violence se propage en Cisjordanie
Le mouvement palestinien, quant à lui, accuse Israël d’instrumentaliser la question des détenus pour maintenir son contrôle militaire.
Pendant ce temps, alors que les infrastructures de Gaza sont en ruines, la situation humanitaire continue de se détériorer et les services essentiels s’effondrent. La population, déjà traumatisée par deux années de guerre, est confrontée à de graves pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments, tandis que les convois d’aide restent soumis à des négociations politiques et à des blocages intermittents.
Au-delà de Gaza, la violence continue de se propager en Cisjordanie, où les affrontements se sont intensifiés ces derniers jours entre les forces israéliennes, les colons et les Palestiniens.
Cette escalade parallèle, permise, voire encouragée, par le gouvernement israélien de droite, met en lumière la portée limitée du cessez-le-feu actuel et montre à quel point le conflit pourrait facilement s’étendre à nouveau.
L’administration Trump a tenté de maintenir la trêve par des visites de haut niveau de Jared Kushner, Steve Witkoff, J.-D. Vance et Marco Rubio. Elle a également déployé 200 soldats dans un centre de surveillance et continue d’exercer des pressions sur les deux parties. Mais cet engagement est insuffisant à lui seul pour empêcher la reprise des hostilités.
En fin de compte, les déclarations de l’administration continuent d’appeler à la retenue mais n’offrent guère de garanties de responsabilité. Le centre de surveillance nouvellement créé n’a pas le pouvoir de vérifier ni de faire respecter le cessez-le-feu. L’Égypte et le Qatar poursuivent leur rôle de médiateurs mais leur influence s’amenuise face à cette incertitude.
Ce qui existe aujourd’hui n’est pas un véritable plan de paix mais une trêve temporaire permettant aux deux camps de se préparer à la prochaine confrontation. Sans mécanismes pour prévenir les violations ou imposer des sanctions, la trêve reste vulnérable à la moindre provocation. Chaque échange de tirs, chaque restitution de corps contestée et chaque accusation non vérifiée alimentent la méfiance et compromettent davantage la possibilité de compromis ou de discussions nécessaires sur la deuxième phase du plan.
Les failles fondamentales du plan Trump sont évidentes, il faut le considérer comme un traitement symptomatique plutôt que comme une solution aux problèmes de fond.
Gaza demeure profondément divisée politiquement, économiquement dévastée et socialement meurtrie. Israël, qui conserve une position militaire forte, perçoit le cessez-le-feu comme une pause tactique plutôt que comme un véritable changement de stratégie.
Pour que le cessez-le-feu devienne un cadre durable, il doit être renforcé au niveau international et pas seulement par la pression américaine et les contours flous des 20 points de Trump.
Les acteurs régionaux et internationaux doivent mettre en place un système de surveillance indépendant, des échéanciers clairs pour la reconstruction et le retrait ainsi que des garanties contraignantes pour la sécurité et l’accès humanitaire. Sans ces éléments, la situation oscillera entre des périodes de calme et de violence pour finalement déboucher sur une nouvelle guerre.



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