Plus d’une décennie après la catastrophe nucléaire de Fukushima qui l’a profondément ébranlé, le Japon se trouve à un tournant historique. Le souvenir douloureux de la catastrophe de 2011 reste vivace mais les dures réalités économiques et géopolitiques imposent une réévaluation de l’avenir énergétique. (La centrale nucléaire de Kashiwazaki Kariwa à Kashiwazaki, Niigata, Japon. Photographe : Yuichi Yamazaki/AFP/Getty Images).
Imed Bahri
Pour rappel, un puissant séisme a frappé le nord-est du Japon le 11 mars 2011, suivi d’un tsunami dévastateur qui a fait plus de 11 000 morts, causé d’importants dégâts matériels et provoqué le dysfonctionnement des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, entraînant des rejets radioactifs qui se sont propagés aux pays voisins.
L’incident de Fukushima Daiichi est considéré comme l’un des accidents les plus graves depuis la pire catastrophe nucléaire mondiale, survenue à la centrale nucléaire de Tchernobyl, dans le nord de l’Ukraine, en 1986.
Bloomberg révèle dans une analyse les détails d’un moment charnière pour le Japon, confronté à une décision essentielle qui déterminera l’avenir de son industrie nucléaire.
Retour obligé à l’énergie nucléaire
L’essor mondial du secteur de l’énergie nucléaire –alimenté par la demande croissante en énergie stable et propre des gigantesques centres de données et des applications d’intelligence artificielle – a amplifié l’importance de cette décision.
Des géants de la technologie comme Microsoft et Google ont même commencé à signer des contrats à long terme avec des développeurs de réacteurs de pointe, tandis que des pays comme la Belgique revoient leur politique nucléaire.
Selon Bloomberg, la compagnie Kansai Electric Power a entamé le 14 novembre une étude géologique d’un site adjacent à sa centrale nucléaire de Mihama, dans la préfecture de Fukui. Il s’agit de la première démarche publique en vue de la construction d’un nouveau réacteur nucléaire depuis la catastrophe de Fukushima.
Toujours selon Bloomberg, cette initiative intervient après plus d’une décennie de net recul du soutien à l’énergie nucléaire qui a conduit à la fermeture des 54 réacteurs du pays, à l’érosion du savoir-faire industriel et à la quasi-dépendance du Japon aux énergies fossiles importées.
Cette évolution a entraîné un appauvrissement des ressources nationales et une dépendance géopolitique accrue vis-à-vis des pays riches en ressources naturelles, une situation que la nouvelle Première ministre, Sanae Takaichi, s’est engagée à corriger, soulignant que l’énergie nucléaire est essentielle à l’indépendance du Japon.
L’article explique que la société Kansai Nuclear Power a entamé le forage de 21 puits exploratoires autour de la centrale nucléaire de Mihama afin d’examiner les strates géologiques et de déterminer leur aptitude à accueillir un nouveau réacteur, notamment en termes de résistance sismique.
Ce processus se poursuivra jusqu’en septembre, après quoi des sites seront sélectionnés pour des investigations plus approfondies. Une décision finale est attendue d’ici 2030.
Retrouver les compétences requises
Bien que l’industrie japonaise soit parvenue à maintenir un niveau minimal d’expertise opérationnelle grâce à la maintenance continue des réacteurs existants, la forte baisse du nombre d’étudiants intéressés par le génie nucléaire –qui a chuté de 74% après la catastrophe de Fukushima– a engendré une importante pénurie de main-d’œuvre.
Pour endiguer cette fuite des cerveaux, le gouvernement a créé la «Plateforme de la chaîne d’approvisionnement nucléaire» afin de favoriser la collaboration entre les universités, les instituts de recherche et les entreprises, dans le but de conserver les compétences spécialisées et de transmettre le savoir-faire à la prochaine génération.
Cependant, les experts avertissent que cet effort sera insuffisant si de nouveaux réacteurs ne sont pas construits car une part importante des compétences requises ne peut être acquise sans expérience pratique dans de nouveaux projets de construction et d’exploitation.
Bloomberg cite Kenji Kimura de l’Institut d’économie de l’énergie du Japon qui affirme que la construction de nouveaux réacteurs pourrait prendre une décennie et que le Japon doit agir dès maintenant pour éviter une perte totale de savoir-faire.
Le coût demeure le principal obstacle. Les analystes estiment le coût d’un nouveau réacteur entre 6 et 13 milliards de dollars, un chiffre qui pourrait être dépassé pour des projets similaires dans le monde, soulignant ainsi la nécessité d’un soutien gouvernemental.
Bloomberg a indiqué que les premières mesures prises dans le pays revêtent une importance symbolique, reflétant la volonté du Japon de rétablir son statut nucléaire, non seulement pour des raisons économiques et environnementales mais également pour préserver son héritage technologique face aux défis mondiaux croissants.



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