Israël-Palestine : 1- Une guerre perdue d’avance

Il a fallu beaucoup de temps aux Arabes pour comprendre qu’Israël, qui bénéficie du soutien total et sans condition des Etats-Unis, de l’Europe et de sa diaspora dans le monde, a toujours fait la loi dans les territoires palestiniens occupés et au Moyen-Orient, tout en bravant le droit international en toute impunité.

Par Dr Abderrahmane Cherfouh *

Avant que la guerre n’éclate entre les Israéliens et les Palestiniens depuis le 7 octobre 2023, un génocide était perpétré par Israël dont sont victimes les populations civiles palestiniennes. La normalisation des relations diplomatiques entre Israël et les Émirats arabes unis, il y a 3 ans, avait fait, à l’époque, les manchettes des journaux et suscité une pluie de réactions au sein de la communauté internationale. Si certains politiciens ont applaudi et estimé que cet accord est une énorme avancée pour la stabilité et la paix dans la région, d’autres, par contre, ont critiqué cet accord qui a desservi la cause palestinienne et lui a porté un rude coup. 

Un festival mondial d’hypocrisie

En Palestine, cet accord avait  provoqué une onde de choc parmi la population, et l’Autorité palestinienne, la principale concernée, avait, quant à elle, réagi en déclarant que cet accord «va tuer la solution à deux Etats», renforcer les extrémistes et éloigner la possibilité d’une paix israélo-palestinienne.

En ce qui concerne la réaction des pays arabes, seule l’Egypte avait estimé que cet accord est porteur de prospérité et stabilité.

Pour ne pas être en reste, la Turquie a déclaré qu’il s’agit d’un «comportement hypocrite» et pense que «l’histoire ne pardonnera jamais» cette normalisation. Le président turc, qui a toujours maintenu des relations avec Israël, a même menacé de rompre ses relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis. Faut-il en rire ou en pleurer? La décence même aurait recommandé à la Turquie de se taire pour avoir été le premier pays musulman à reconnaître Israël et à établir des relations poussées avec cet État. Pour ses déclarations, la Turquie d’Erdogan va remporter, et de loin, la palme d’or de l’hypocrisie.

Pour ce qui est de la réaction des pays européens, l’Allemagne et la France principalement ont salué cet accord qui, d’après eux, va contribuer à renforcer la paix et rapprocher les deux parties en conflit, et plaidé pour la solution à deux Etats. 

Curieusement, les pays arabes ont fait la sourde oreille et n’ont pas fait de déclaration. Quant aux peuples arabes, pour leur majorité, leur choix était fait. Il est avec le Palestine sans ambiguïté et avec tout ce que ce choix comporte comme fermeté.

Pour les Arabes, Israël est le mal absolu

Pour la majorité des Arabes, Israël représente le mal absolu. D’ailleurs, ils font une fierté de ne pas le reconnaître. Le fait même de prononcer le nom de cet Etat paria provoque chez eux un mouvement de répulsion et de dégoût. Car Israël incarne, à leurs yeux, l’horreur absolue. Les crimes horribles qu’il a commis et qu’il est en train de commettre à Gaza contre la population civile, femmes et enfants, ne seront jamais  oubliés par les Arabes, les musulmans et tous les peuples du monde entier épris de liberté et de justice. 

Faisant fi des accords qu’il a faits avec certains pays arabes et ne tenant même pas compte de leur avis, comme si ces pays n’existaient pas, et au nom d’un soi-disant droit de se défendre, l’entité sioniste continue de commettre les crimes de guerre les plus abjects contre le peuple palestinien, ce qui a provoqué la colère et la révolte chez les Arabes qui, contrairement à beaucoup de leurs dirigeants, ont toujours été solidaires avec les Palestiniens et leurs droits à un Etat libre aux frontières mondialement reconnues.

C’est pour cette raison que l’accord pour l’établissement de relations diplomatiques conclu entre les Émirats et Israël, comme ceux du même genre conclus avec l’Etat hébreu par d’autres pays arabes, comme Bahreïn et le Maroc, sont mal vus et considérés par la majorité des Arabes comme un acte de haute trahison.

Il faut reconnaître qu’en termes de barbarie, les sionistes n’ont rien à envier à leurs créateurs – Grande-Bretagne, Etats-Unis, France –. Comme eux et avec leur soutien actif (en argent et en armement), ils cherchent à exterminer tout un peuple et à s’approprier ses terres et ses biens, exacte reproduction de ce qu’a fait la France avec les Algériens, entre autres peuples, et les Américains avec les peuples autochtones, qui survivent dans des réserves, comme tente de le faire aujourd’hui Israël avec les palestiniens.

Les Émirats ont été le troisième pays arabe à avoir établi des relations diplomatiques avec Israël, après l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 2004. Ensuite, il y a eu Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Ces accords vont certainement ouvrir la voie à d’autres pays arabes qui vont se bousculer pour établir des relations diplomatiques avec Israël après que la situation se sera calmée à Gaza.

On savait depuis des lustres que la majorité des pays du Golfe et le Maroc tissaient des liens clandestinement avec Israël pour se préparer à établir des relations officielles, sur le dos des Palestiniens. 

Israël-Emirats, des Etats «clés en main»

Curieusement, il y a 73 ans, ces deux États n’existaient pas. Ils sont sortis tous deux du néant et ont fait du chemin. Aujourd’hui, Israël fait partie des neuf puissances nucléaires du monde et dispose à lui seul de plus de 300 ogives nucléaires. C’est un État surarmé et qui compte sur le soutien total des Etats-Unis, qui lui fournissent des armes ultramodernes et ultrasophistiquées. 

Pour l’histoire, le territoire sur lequel se trouve cette entité a été spolié aux Palestiniens. Après le retrait de la Grande-Bretagne, qui avait renoncé à son mandat en Palestine en 1947, les Nations unies ont partagé la Palestine en deux territoires pour donner naissance à un Etat juif et un Etat arabe avec la bénédiction des Etats-Unis. La première guerre israélo-arabe (1948-49) avait permis à cet Etat juif d’agrandir le territoire qui lui a été attribué au détriment de celui de la Palestine. 

Les Émirats, quant à eux, ont été créés il y a juste 49 ans, en 1971. Il n’y a pas si longtemps, cet Etat, comme tous les Etats arabes, vivait dans la pauvreté mais, grâce au pétrole et au gaz, il est devenu riche et vit dans l’opulence. Sa richesse ne provient pas, bien entendu, d’une révolution industrielle, ni de cet effort que fait une société sur elle-même pour créer sa propre richesse et se développer en comptant sur sa force ouvrière et le génie de ses cadres. C’est la richesse de son sol qui va lui permettre de se moderniser et de construire un pays «clés en main» par des étrangers ayant édifié des infrastructures impressionnantes, de grands centres commerciaux, des hôtels de luxe, comme Burj Khalifa, la plus haute structure jamais construite par des humains. 

Cet État minuscule, mais très riche, est devenu un interlocuteur incontournable au Proche-Orient; il a beaucoup d’ambition et compte s’imposer et même jouer un rôle de premier plan dans le monde. Avec la manne pétrolière, il a vu se multiplier ses partisans et ses courtisans, dont de piètres politiciens dans le monde arabe et des oligarques qui se rendent souvent dans ce pays pour faire fructifier leurs affaires. 

La défaite consommée des Arabes

En tout état de cause, les crimes atroces dont sont victimes les Palestiniens depuis plus d’un mois, laisseront des plaies qui ne se cicatriseront jamais. Ils induiront un nouvel ordre politique et économique pour toute la région du Moyen-Orient. Les Etats-Unis ne s’embarrasseront d’aucun scrupule et n’épargneront aucun moyen pour établir ce nouvel ordre.

Personne ne nie que toute démarche en faveur d’une paix négociée soit la bienvenue mais pas au détriment d’un peuple qui se sent trahi et abandonné.

Depuis les accords de Camp David, l’Egypte est devenue, après l’alliance privilégiée avec Israël, la pièce maîtresse de la politique américaine au Proche-Orient. Pour les Américains, c’est le pays le plus important de la région. Les positions américaines y seraient assurées, et aucun danger ne pourrait les menacer tant que seraient maintenus les liens établis entre Washington, Tel Aviv et le Caire. Un lien qui s’est fait pour une poignée de dollars, et avec ces nouveaux accords et celui qui se prépare avec l’Arabie Saoudite, les dés sont jetés et rien ne sera plus comme avant. Le Proche-Orient et les pays du Golfe seront sous le contrôle absolu de l’Axe israélo-américain, qui pourrait ensuite se tourner vers l’Iran, mais c’est là une autre histoire.

La défaite des Etats arabes sera consommée. La coalition américano-israélienne va les protéger et ils vont certainement se sentir plus en sécurité. Car pour ces Etats, l’ennemi n’est pas Israël, mais l’Iran.

N’empêche qu’il a fallu beaucoup de temps aux Arabes pour comprendre que les dés sont jetés et qu’Israël, qui bénéficie du soutien total et sans condition des Etats-Unis – ayant toujours érigé la sécurité d’Israël en priorité absolue –, de l’appui de l’Europe – qui voit en Israël un poste avancé et une base pour servir ses intérêts –, et de sa diaspora à travers le monde – qui lui a toujours apporté aide et soutien –, a toujours fait la loi dans les territoires occupés et au Moyen-Orient et bravé le droit international en toute impunité. 

Pour l’histoire, si les pays arabes du Moyen-Orient, et à leur tête les Egyptiens, avaient été réalistes et pragmatiques, ils auraient tiré meilleur profit en faisant la paix avec Israël en… 1965.

* Médecin algérien exerçant au Canada.

Demain Israël-Palestine : 2- Et si les Arabes et les Palestiniens avaient écouté Bourguiba en 1965 !

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