Né en 1949 à Gudum, au Danemark, Niels Hav est poète et nouvelliste vivant à Copenhague. Il publie poésie et fiction dans de nombreux magazines. (Photo Christina Bjørkøe).
Auteur de sept recueils de poésie et trois livres de nouvelles. Son œuvre est traduite dans diverses langues dont le portugais, l’arabe, l’anglais, le turc et le chinois. Son écriture ironique et sarcastique, est dans le prolongement de la littérature danoise, où humour et regard sévère s’entremêlent, créant des effets subversifs, non sans constat désabusé.
Tahar Bekri
Qu’est-ce qu’on va faire des poètes?
Les pôvres ils sont à plaindre.
Tout de noir vêtus ils nous fendent le cœur
grelottent sous des blizzards intérieurs.
La poésie est une peste atroce.
Les contaminés déambulent en se lamentant,
leurs cris empoisonnent l’atmosphère comme des fuites
de centrales nucléaires mentales. Ah la grosse fatigue
psychique !
La poésie est un tyran
qui rend les gens insomniaques et
détruit les couples mariés.
Elle entraîne les hommes dans des maisons de campagne
abandonnées en plein hiver
où ils se morfondent munis de casques antibruit et
cache-nez. Hélas! hideuse est cette torture.
La poésie est un fléau
pire que la gonorrhée – une ignominie abominable-.
Mais pensez aux poètes, ils souffrent.
Pardonnez-leur !
Ils sont hystériques comme des femmes enceintes de jumeaux
au neuvième mois, ils grincent des dents pendant le sommeil,
mangent de la terre et de l’herbe. Ils restent des heures dehors
dans le vent tourmentés de métaphores effarantes.
Pour eux chaque jour est une messe solennelle.
Ô ! Ayez pitié des poètes,
ils sont sourds et aveugles, aidez-les dans la circulation
où on les voit trimballer leur handicap invisible.
Ils se rappellent tant de choses. De temps en temps
l’un d’eux s’arrête
et tend l’oreille vers une sirène lointaine.
Ménagez-les.
Les poètes sont des enfants aliénés
chassés de chez eux par le clan familial
Priez pour eux,
ils sont nés malheureux –
leurs mères ont pleuré sur eux
sollicité l’assistance médicale et juridique
avant de baisser les bras
afin de préserver leur propre santé mentale.
Ô pleurez pour les poètes!
Pour eux il n’y a point d’issue.
Infestés de lyrisme tels des lépreux clandestins
ils sont embastillés dans leur propre imagination
– un ghetto inquiétant rempli de démons
et de fantômes malicieux.
Quand, par une journée d’été ensoleillée
vous voyez un pauvre poète
sortir d’un immeuble en titubant, pâle
comme un revenant et défiguré par les
théorisations –
aidez-le!
Attachez-lui ses lacets, emmenez-le
au jardin public et posez-le sur un banc
au soleil. Chantez-lui une petite chanson,
achetez-lui une glace, racontez-lui une histoire,
il est si tristounet.
Détruit par la poésie.
Traduit du danois par Per Soerensen
(Remerciements à l’auteur)
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