Les prochaines élections présidentielles en Tunisie, prévues dans quelques mois, présentent-elles vraiment les conditions minimales de pluralisme, de transparence et de confiance ou risquent-elles, en l’absence de concurrence sérieuse au président sortant, d’aboutir à un échec ?
Par Imed Bahri
En rencontrant, mercredi 6 mars 2024 à Carthage, le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Farouk Bouasker, le président de la république Kaïs Saïed a déclaré que les prochaines élections présidentielles se dérouleront dans le strict respect des conditions fixées par la Constitution du 25 juillet 2022. A-t-il mis fin pour autant au débat en cours sur les conditions dans lesquelles ces élections vont se tenir au dernier trimestre de cette année ? La réponse est non. Car plusieurs points restent à éclaircir, et ils ne concernent pas seulement les conditions de candidature (âge, nationalité, etc.). A sept ou huit mois du premier tour de ce scrutin, on n’a pas encore fixé les dates du premier et du second tour, et on attend pour cela un décret présidentiel qui tarde à venir. On comprend dès lors que la plupart des acteurs politiques soient perplexes, ne sachant pas comment se préparer à ce rendez-vous ni si cela vaut vraiment le coup.
Par ailleurs, ce scrutin se déroulerait-il conformément à la loi électorale existante, à savoir la Loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et aux référendums, ou doit-on s’attendre à la promulgation d’une nouvelle loi électorale qui serait en conformité avec la Constitution de 2022 rédigée par le président Saïed et adoptée par référendum et qui stipule des conditions de candidature n’existant pas dans la loi électorale en vigueur ? Mystère et boule de gomme !
Est-ce que la recommandation du président ci-haut citée s’adresse à la commission électorale qui aura pour tâche de concocter un texte réglementaire organisant le prochain scrutin, qui tienne compte de l’évolution du cadre légal des élections entre 2014 et 2022? Et quelle valeur légale aura un tel texte, qui ne manquera pas de susciter des critiques, au regard des normes constitutionnelles et des pratiques électorales en vigueur dans le reste du monde?
Quoi qu’il en soit, une élection aussi importante que la présidentielle n’a pas seulement une dimension légale et/ou technique, elle a aussi, et surtout, une dimension politique. Pour être crédible, elle doit aussi répondre à des exigences de pluralisme, de transparence et de confiance. Elle doit également se dérouler dans un climat d’entente minimale entre toutes les composantes de la sphère politique nationale. Est-ce le cas aujourd’hui avec toutes ces personnalités politiques emprisonnées et poursuivies dans des affaires d’atteinte à la sécurité de l’Etat encore entourées de mystère, dont au moins une candidate annoncée à la présidentielle, Abir Moussi en l’occurrence, ci-devant présidente du Parti destourien libre (PDL), souvent présentée comme la plus sérieuse concurrente au président sortant ? Sans parler des candidats potentiels qui sont menacés de poursuites judiciaires comme Mondher Zenaidi, Lotfi Mraihi ou autres Nizar Chaari.
C’est à ce niveau que les prochaines présidentielles semblent problématiques, car elles ne présentent pas, en tout cas pour le moment, les conditions minimales de crédibilité. Elles risquent même, la fatigue démocratique aidant, et en l’absence de concurrence sérieuse au président sortant, d’aboutir à un échec, avec un taux de participation aussi faible que ceux enregistrés lors des deux dernières élections en date, les législatives de 2023 et les locales de 2024, et qui n’ont pas dépassé 12%. Et ce risque-là, le président de la république, qui sera sans doute candidat à sa propre succession, ferait mieux de ne pas le courir.
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