La forêt de chênes-lièges en Tunisie régresse de 600 ha par an

La superficie de la forêt de chênes-lièges en Tunisie représente 4,3% de la superficie mondiale (6e rang), par contre la production nationale de liège représente 3% de la production mondiale.

C’est ce qui ressort d’une «Analyse de la situation actuelle de la forêt de chênes-lièges tunisienne et les stratégies de développement pour faire face aux défis posés par les changements climatiques», publiée, début mai courant, dans la lettre de l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri).

Il en ressort que la suberaie tunisienne connaît un rétrécissement continuel de son étendue à cause des incendies (17 500 ha entre 1970 et 2020), des défrichements, du surpâturage et du dépérissement des arbres provoqués par les changements climatiques. Les deux inventaires forestiers réalisés en 1995 et 2005 ont montré une régression de la superficie de cette forêt estimée en moyenne à 600 ha par an.

Le surpâturage constitue un facteur important de dégradation de la subéraie et réduit la régénération naturelle. La forêt de chênes-lièges accuse un déclin qualitatif et quantitatif avec un vieillissement des arbres, une défaillance de la régénération naturelle et une détérioration de la qualité du liège. Partant, la production du liège est en baisse, passant de 9 000 tonnes dans les années 1960-1980 à 4 000 tonnes comme moyenne de production annuelle actuellement.

Autre constat, le manque de la main-d’œuvre qualifiée pour l’exploitation du liège et les moyens humains et logistiques des services régionaux, limités, par rapport au volume des travaux à entreprendre.

Disparition de 18 000 ha à l’horizon 2050

L’analyse pointe, aussi, un retard cumulé résultant de la non récolte de «quantités importantes de liège au cours des dernières années et la non maîtrise des techniques de régénération naturelle du chêne-liège». Elle attire l’attention sur les risques inhérents au rythme actuel de détérioration de la forêt de chênes-lièges. C’est ainsi que l’écosystème de la subéraie tunisienne pourrait avoir «des impacts négatifs sur l’environnement (faune, flore, envasement des barrages etc..), puisqu’elle abrite 8 aires protégées et intègre une importante biodiversité (constituée par environ 700 espèces végétales, 70 espèces d’oiseaux et 25 espèces de mammifères …).»

Les effets négatifs d’une pareille situation concernent, aussi, la population locale, l’industrie du liège, le tourisme et l’économie nationale.

La détérioration de la forêt de chênes-lièges sera à l’origine d’une «perte importante de ressources fourragères, d’une augmentation du taux de chômage de la population locale, d’une réduction de la quantité de carbone séquestrée, d’un appauvrissement des sols en matière organique et d’une réduction de la capacité de rétention de l’eau». «Les simulations des changements climatiques réalisées dans la subéraie, prévoient, avec la persistance des conditions de détérioration actuelles, la disparition d’une superficie de 18 000 hectares à l’horizon 2050», ajoute le rapport.

Impliquer les partenaires dans la chaîne de valeur du liège

Le document de l’Onagri souligne «l’impact du retard cumulé dans l’exécution des programmes annuels de récolte de liège» avec pour résultat «des quantités importantes de liège laissées sur pied et non récoltées qui perdent leurs qualités technologiques avec dépréciation du prix unitaire», outre le non respect du règlement d’exploitation (des parcelles totalement non exploitées ou bien partiellement exploitées).

Cette situation entraîne un manque à gagner pour l’Etat (baisse des entrées de devises) mais, aussi, pour l’administration forestière, dont les recettes régressent avec la diminution des quantités de liège mises en vente.

Pour ce qui est de la population locale, elle aura moins de journées de travail avec une perte du savoir-faire.

Enfin, les bénéfices diminueront pour les industriels de transformation du liège.

L’étude rappelle que trois ateliers ont été organisés sur la chêne-liège dont le dernier s’est tenu à l’Institut national des grandes cultures (INGC) à Bousalem le 6 mars 2024, à l’initiative de la direction générale des forêts, pour élaborer un plan d’action dédié à l’amélioration de la filière du liège et surtout le maillon de la récolte. Le projet de plan d’action qui en est issu, prévoit l’élaboration d’une étude sur la chaîne de valeur du liège et d’un manuel de procédure de passation du marché pour la récolte de liège ainsi que l’amendement des cahiers de charges des travaux forestiers. Il recommande, également, d’augmenter, progressivement, les crédits réservés à la réalisation des travaux forestiers à l’entreprise.

Le document de l’Onagri préconise une implication de tous partenaires dans la chaîne de valeur du liège tunisienne (administration, population, industriels, société civile…), chacun dans son domaine, pour participer efficacement à la mise en œuvre du plan d’action recommandé afin d’assurer une nouvelle relance à cette filière, assurer la pérennité des ressources naturelles et le développement socio-économique des zones de la subéraie tunisienne.

Source : Tap.

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