A la mémoire de Serge Adda, grand soutien de la cause palestinienne

Suite à l’annonce de la condamnation du journaliste Mourad Zeghidi, j’ai relevé le commentaire suivant de l’un de vos lecteurs à propos de Mourad à qui j’exprime toute ma solidarité : «Son grand-père c’est Georges Adda, un militant communiste qui avait soutenu la cause palestinienne, tout comme Salah Zeghidi, le père de Mourad. Ne le cachons pas, Mourad et bien entendu son défunt oncle Serge Adda (1948–2004) est et a été bien introduits dans la communauté juive française pro-israélienne».

Dr Jean-Claude Soufir *

Mon témoignage concerne tout particulièrement mon ami et mon camarade, feu Serge Adda. Je pense   que le commentaire du lecteur de Kapitalis, met en cause la probité et le soutien que Serge a toujours apporté à la cause palestinienne. Je pense sincèrement que votre lecteur a commis un lapsus ou a été mal informé.

Tout comme Salah (le père de Mourad), militant communiste, condamné à la prison pour son combat pour la démocratie et auquel j’ai dédié en commun avec Gilbert Naccache et Khemais Chammari, à l’époque tous les trois étaient emprisonnés, ma thèse de Médecine soutenue en 1968.

J’ai bien connu Serge Adda avec lequel j’ai eu une relation fraternelle pendant plusieurs décennies. Je l’ai connu, enfant, accompagnant sa mère Gladys Scialom, membre avec Wassila Bourguiba du Comité de défense des prisonniers politiques tunisiens, se rendant  à la prison civile de Tunis,  où son père Georges était détenu dans le quartier des condamnés à mort pour son action contre le colonisateur français.

Le cercle des libres penseurs

Dès son jeune âge, élève au Collège Sadiki, Serge a adhéré, comme l’avait fait son père, au Parti communiste tunisien (PCT). Son militantisme au sein du mouvement étudiant et parmi les forces de gauche en France l’ont amené à être élu au comité central du PCT au 8e congrès tenu dans la clandestinité en février 1981. A partir de 1985, il va faire partie, comme vice-président, du comité directeur de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH).  

Après une carrière professionnelle remarquable dans un bureau d’études à Tunis, il a été choisi au milieu des années quatre-vingt-dix du siècle dernier pour diriger la chaîne Canal Horizons et ensuite   promu en 2001, en tant que président-directeur général de la chaîne TV5 Monde et président de Canal France International (CFI).

Au cours d’un entretien que j’ai eu avec feu Moncer Rouissi, universitaire, ancien ministre et ancien ambassadeur de Tunisie à Paris, celui-ci m’a fait part de sa reconnaissance et de son amitié pour Serge en raison du soutien qu’il apportait aux journalistes, artistes et intellectuels tunisiens dans le cadre de ses fonctions. Ce ne sont pas les cinéastes tunisiens avec lesquels il a travaillé qui me démentiront : ils étaient là à ses funérailles à Paris. Son amour pour la Tunisie explique qu’il ait demandé à être enterré dans son pays aux côtés de son père, de sa mère, sa sœur Leila (mère de Mourad), Gilbert Naccache, Jeanne Chiche ainsi que d’autres patriotes juifs tunisiens demanderont, eux-aussi, à être inhumés dans le Carré «libres penseurs» du cimetière municipal du Borgel à Tunis.

Des liens étroits avec l’OLP

Pour revenir à la Palestine, je peux témoigner des liens étroits qu’avait Serge avec l’OLP tant à Tunis qu’à Paris. J’étais présent lors de son mariage aux côtés de Leila Chahid, ambassadrice de l’OLP qui était présente à la cérémonie. En juillet 1982, au moment de l’invasion israélienne de Beyrouth, Serge avait  écrit à son ami l’historien palestinien Maher Charif une célèbre lettre de soutien, qui a été publiée à l’époque par le magazine Le Maghreb,  qu’il avait signé: Serge Adda, juif arabe

Serge avait été reçu à plusieurs reprises par Yasser Arafat qui l’avait accueilli chaleureusement. Des photos en témoignent (voir ci-dessus).

Je pense sincèrement que votre lecteur a donc été trompé et j’espère qu’il voudra bien s’en excuser.

* Praticien hospitalier honoraire à Paris, ancien militant à l’UGET, membre du PCT, depuis 1956,  aujourd’hui membre d’Al-Massar.