Être mère à Gaza, un véritable supplice!

Middle East Eye a publié une enquête sur les souffrances endurées par les mères palestiniennes pour nourrir leurs enfants dans la bande de Gaza. Le média britannique indique dans cette enquête rédigée par sa correspondante dans la bande de Gaza Maha Al-Husseini qu’avec le retour de la famine provoquée par Israël, les Palestiniens manquent une fois de plus de denrées alimentaires vitales en particulier dans le nord de ce territoire occupé par l’armée israélienne. Une situation catastrophique et une souffrance humaine insupportable.

Imed Bahri  

L’enquête raconte des histoires et des témoignages dont celle de la mère Nour Salim qui, pour aider son enfant affamé à dormir, lui chante souvent la chanson ‘‘Tayr el Hamem’’ (Le pigeon voyageur). Mais pendant qu’elle chante, elle se souvient de la famine provoquée par Israël et que subissent elle, son enfant et des centaines de milliers de personnes dans le nord de Gaza.

La jeune mère de 32 ans a déclaré: «Je l’ai chanté et j’ai pleuré de tout mon cœur et je me sentais tellement impuissante et incapable de faire même les choses les plus simples pour mon enfant. Je brûle d’un sentiment d’impuissance.»

L’auteure rappelle que depuis plus de huit mois, l’armée israélienne assiège la bande de Gaza ce qui a considérablement limité l’approvisionnement en nourriture de base et en fournitures médicales.

Le blocus est encore plus strict dans le nord du territoire, une zone qu’Israël a tenté de vider de sa population de plus d’un million d’habitants au début de la guerre en octobre. Malgré les destructions et les massacres généralisés qui ont fait de la région un enfer invivable, des centaines de milliers de Palestiniens ont refusé de quitter la zone craignant qu’Israël ne les empêche définitivement d’y retourner.

La famine comme arme de guerre

Outre les bombardements constants et le ciblage délibéré des hôpitaux, l’armée israélienne a utilisé la famine de la population comme arme de guerre selon des enquêteurs indépendants de l’Onu.

Maha Al-Husseini ajoute: «La crise de la faim a atteint son apogée en mars lorsque des dizaines d’enfants sont morts de malnutrition et que les habitants ont été forcés de manger de l’herbe et que les forces israéliennes ont tué à plusieurs reprises ceux qui cherchaient de l’aide.»

Sous la pression internationale croissante, Israël a «légèrement» amélioré l’accès à la nourriture dans certaines régions après que ses forces ont tué plusieurs travailleurs humanitaires étrangers. Un rapport soutenu par l’Onu a averti que la famine était imminente. Aujourd’hui, les autorités israéliennes restreignent une fois de plus les livraisons de nourriture vitale, selon les habitants qui affirment qu’une deuxième crise alimentaire est en cours dans des conditions encore plus dures et avec moins de couverture médiatique.

La mère, Nour Salim, a déclaré: «Je suis très triste pour mon enfant… Il ne mange pas beaucoup (à cause du manque de nourriture) et continue de perdre du poids». Elle a rapporté qu’un habitant du quartier de Rimal avait stocké du fromage feta et du halva après la récente crise de la faim anticipant qu’Israël renouvellerait son siège. Elle nourrit donc son enfant uniquement avec ces deux aliments mais ceux-ci peuvent lui être nocifs et ne lui apportent pas une nutrition adéquate. La mère déclare: «Mon enfant grandit et a besoin d’une alimentation plus diversifiée… Il est à un âge où l’alimentation est extrêmement importante pour lui et il a besoin de manger du poulet, de la viande et des œufs.»

L’histoire de Nour Salim trouve un écho auprès de nombreux habitants du nord de Gaza. On dit que les gens sont épuisés, faibles et s’effondrent parfois à cause du manque de nourriture. Ce fut le cas des deux petites filles de Rajaa Jundia, dont l’une avait deux ans et l’autre seulement huit mois. «Si vous voyez mon bébé de huit mois, vous penserez qu’elle n’a que deux mois parce qu’elle est si petite et si maigre», a déclaré Jundia, 29 ans. Elle a ajouté que son autre fille s’est récemment effondrée d’épuisement et ne pouvait plus se tenir debout comme si elle souffrait de rachitisme. Le médecin a expliqué que la raison en était la malnutrition.

Le père tué lors de l’un des «massacres de la  farine»

Rajaa Jundia dit qu’elle n’a rien pour nourrir ses deux filles. Les aliments de base sont rares sur les marchés et lorsqu’ils sont disponibles, ils sont souvent vendus à des prix exorbitants. La jeune maman est aussi une jeune veuve qui s’occupe seule de ses deux filles après que son mari ait été tué par l’armée israélienne. Le défunt mari avait soutenu son épouse et ses deux filles lors de la précédente crise de la faim en mars et c’est à ce moment-là qu’il avait été abattu lors de l’un des «massacres de la  farine» quand il était sorti pour apporter de l’aide à sa famille.

Jundia a déclaré: «Mon mari nous fournissait de la nourriture et il ne nous laissait jamais ni moi ni mes enfants avoir besoin de quoi que ce soit… Maintenant, après l’avoir perdu, je dois continuer à penser tout le temps comment nourrir mes enfants. Parfois, je ne mange rien pour leur fournir de la nourriture.»

Plus tôt cette semaine, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré qu’une grande partie de la population de Gaza était confrontée à «une faim catastrophique et à des conditions proches de la famine». Il a ajouté: «Malgré les informations faisant état d’une augmentation des livraisons de nourriture, il n’existe actuellement aucune preuve que les personnes qui en ont le plus besoin reçoivent une nourriture de qualité et en quantité suffisante.»

Le bureau des médias du gouvernement à Gaza a accusé Israël d’induire le monde en erreur en annonçant régulièrement l’entrée de dizaines de camions humanitaires dans la bande. Il a déclaré dans un communiqué que les quelques 30 camions qui entrent quotidiennement dans le nord de Gaza ne sont souvent pas entièrement chargés et transportent principalement de la farine qui est livrée aux boulangeries gérées par l’Onu.

La bande de Gaza a besoin d’au moins 500 camions entièrement chargés d’aide et de marchandises commerciales par jour dans les conditions d’avant-guerre. Les Palestiniens de Gaza craignent que la crise alimentaire ne soit cette fois-ci pire qu’elle ne l’était en début d’année. En effet, le passage de Rafah avec l’Égypte, une route vitale pour l’aide, a été saisi et fermé par l’armée israélienne début mai. Cela s’explique également par le fait que l’armée israélienne a détruit davantage de centres de distribution d’aide ces dernières semaines notamment dans le camp de réfugiés de Jabalia.

«Je souffre tellement pour les enfants et je ne peux pas m’empêcher de penser à eux», dit la jeune mère Nour Salim qui se considère comme l’une des rares chanceuses qui ont encore de la nourriture en stock. Elle a ajouté: «Lors de la famine précédente, j’allais à la pharmacie et le pharmacien me disait qu’il connaissait des enfants qui mouraient de malnutrition aiguë.»