La gestion de l’eau en Tunisie : une urgence nationale

La Tunisie connaît depuis plusieurs années de nombreux épisodes de sécheresse, une situation qui ne risque pas de s’améliorer avec le réchauffement climatique et la hausse des températures prévues pour les prochaines années. L’eau étant la base de la vie et notre population ne cessant de croître, le problème de l’eau doit être géré de la manière la plus urgente possible. Il s’agit d’une urgence nationale. (Illustration : Corvée de l’eau en Tunisie. Ph. Amine Landoulsi).

Dr Wassim Chatty *

Nos ressources souterraines s’épuisent jour après jour, et les barrages, au deux tiers vides faute de pluies suffisantes, n’aident pas. La situation est critique et nécessite des mesures immédiates.

Solutions à court terme

1. Restrictions d’eau: mise en place de restrictions strictes sur l’utilisation de l’eau potable; et de lourdes amendes et de peines d’emprisonnement s’il le faut pour usage irresponsable de l’eau.

2. Répartition équitable de l’eau: priorisation de l’agriculture et de la consommation locale au détriment de l’eau fournie aux hôtels; et obligation pour les piscines des hôtels d’utiliser de l’eau de mer traitée.

3. Traitement des eaux usées: investir dans des technologies de traitement et de purification des eaux usées pour leur réutilisation dans l’agriculture. La Tunisie ne fait pas assez dans ce domaine.

Solutions à moyen et long terme:

La Tunisie dispose de plus de 1400 km de littoral et de 16 usines de dessalement de l’eau de mer fonctionnelles ou en construction fournissant pour le moment 6% de la consommation d’eau douce. Cependant, cela reste insuffisant face aux besoins croissants.

1. Expansion des usines de dessalement : augmenter le nombre de projets d’usines de dessalement pour prévenir les futures sécheresses.

2. Réduction des coûts énergétiques : les usines de dessalement sont coûteuses et énergivores. La Tunisie doit renforcer la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique pour subvenir à ses besoins en énergie.

Énergies renouvelables pour alimenter les usines

1- Panneaux solaires : la Tunisie dispose d’un désert de 400 km de long sur 140 km de large, idéal pour l’installation de panneaux solaires. Beaucoup de projets ont été réalisés et d’autres sont en cours, mais ça reste encore insuffisant.  

Selon Elon Musk, une centrale solaire de 160 km x160 km pourrait alimenter les besoins énergétiques des États-Unis. La Tunisie pourrait envisager une centrale de 10 kmx10 km pour couvrir ses besoins énergétiques. Le coût doit être très élevé pour ses moyens d’aujourd’hui, mais la coopération internationale peut l’y aider.

2. Coopération internationale: l’Europe, située à une centaine de kilomètres seulement des côtes tunisiennes, a un besoin croissant en énergies renouvelables. La Tunisie pourrait répondre à ses besoins en échange de financements pour ses projets solaires.

Par ailleurs, une zone de 110 kmx110 km dans le Sahara pourrait potentiellement alimenter toute l’Europe en électricité, stockée dans des batteries et acheminée via la technologie HVDC (courant continu haute tension).

Financement des projets :

Le financement de ces projets peut provenir de diverses sources :

1. Investissements européens dans les projets solaires en échange d’électricité au prix coûtant.

2. Encouragement des partenariats entre le gouvernement tunisien et les entreprises privées pour financer et développer les infrastructures nécessaires.

3. Solliciter des prêts auprès d’institutions internationales telles que la Banque mondiale et des subventions de l’Union européenne.

La gestion de l’eau en Tunisie étant une priorité absolue, en mettant en place des solutions à court terme, telles que les restrictions d’eau et la réutilisation des eaux usées, et en investissant dans des projets à moyen et long terme de dessalement de l’eau de mer et d’énergies renouvelables, la Tunisie peut non seulement surmonter la crise de l’eau, mais aussi devenir un modèle de durabilité et de résilience face au changement climatique. Elle est déjà engagée dans cette voie, mais le processus engagé reste très lent et très en-deçà des besoins actuels du pays. D’où la nécessité d’accélération qui demande d’énormes ressources financières mais également une grande imagination, car l’argent existe pour qui sait où le trouver.   

* Médecin résident, chirurgien orthopédiste.

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