Lettre ouverte aux responsables politiques occidentaux

Dans cette lettre ouverte aux Occidentaux, l’auteur rappelle à ces derniers leur responsabilité historique dans le martyre des juifs hier et dans celui des Palestiniens, aujourd’hui, broyés par une machine de guerre judéo-chrétienne et israélo-occidentale. Les victimes changent, mais les bourreaux sont les mêmes.

Taieb Bouraoui

Votre don de la Terre de Palestine aux sionistes, en sacrifiant les Palestiniens (descendants des cananéens), n’a pas fait pardonner, ni oublier l’horreur de La Shoah, comme vous l’espériez, et n’a pas rassasié les sionistes, aux ambitions démesurées, qui veulent davantage de territoires pour faire du rêve du Grand Israël une réalité.

Ce désir d’expansion territoriale sera un cauchemar pour tout le Moyen-Orient. Israël ne vivra, donc, jamais en paix avec ses voisins. En proie à vos éternels remords, voulant expier vos péchés et libérer votre conscience, vous leur pardonnez la barbarie de leur colonisation, en échange d’un hypothétique pardon de la Shoah, crime par définition impardonnable. Cet échange de pardon est un deal tacite, censé soulager la conscience des humanistes et satisfaire les antisémites pour qui rejeter les juifs dans un lointain Moyen-Orient est un bon débarras.

Le «tout permis à Israël»

Ce deal honteux et immoral est aussi un désastre qui témoigne de votre impérialisme et ébranle la foi en votre «démocratie» et vos «droits de l’homme», y compris chez une large frange de vos propres citoyens. Maîtrisant les règles de ce deal, les insatiables colonisateurs sionistes veillent sur votre éternel sentiment de culpabilité et l’entretiennent en attisant les feux de vos remords. Ils vous tiennent par la barbichette et surenchérissent pour que, à titre de réparation du préjudice de la Shoah, tout leur soit permis en Palestine et au Proche-Orient. Vous n’êtes pas sans ignorer que la seconde Nakba qu’endurent les Palestiniens, aujourd’hui, est déjà l’enfer du «tout permis à Israël».

Bombarder tous les lieux considérés par la population comme des «sanctuaires» et abris sûrs (hôpitaux, écoles de l’UNRWA, lieux de culte, etc.) est une manière de faire comprendre aux Gazaouis qu’ils n’ont le choix qu’entre l’abandon de leur territoire et la mort. Mais on a déjà pu constater que cette armée barbare a même bombardé des ambulances et des convois de voitures se dirigeant vers le sud, arguant encore et toujours de la présence de membres du Hamas.

Dans tous les cas, combattre le terrorisme n’a servi et ne sert toujours, à cet État terroriste, que de prétexte au génocide en cours à Gaza. En vérité, l’unique raison d’être de cette coalition de sionistes extrémistes et suprémacistes représentée par les pires figures de l’extrême et ultra-droite qu’ait connues Israël (Netanyahu, Smotrich, Ben Gvir), est la colonisation, le vol de la Terre de Palestine, toute la Palestine, même au prix de l’extermination d’un peuple.

Ulcéré par l’indignation de nombreux Européens face au massacre de milliers d’enfants palestiniens, Smotrich leur conseilla cyniquement d’accueillir les Gazaouis sur leurs territoires. Sans sa population, Gaza sera plus facile à annexer! Après le massacre de près de 90 000 Palestiniens à Gaza, dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants (le compteur macabre tourne encore), enfin les sionistes lèvent le voile sur le but du massacre, mais c’était, déjà, facile à deviner. Je parie que l’extrême droite européenne préfère les Arabes palestiniens morts, plutôt que réfugiés en Europe.

Le messianisme inhérent à l’orthodoxie sioniste, que les ultra-nationalistes veulent appliquer à la lettre, les mènera inéluctablement à leur perte car l’humanité finira, bientôt, par voir le grand danger que recèlent le fanatisme et le bellicisme de ce nationalisme religieux d’ultra-droite. Le monde entier est, aujourd’hui, témoin de ses crimes contre l’humanité à Gaza. Les peuples crient nin au tout permis à Israël !, non au Grand Israël !, non à la barbarie !, sauf vous et une petite armée de sionistes, de pro-sionistes et de mercenaires, très influents dans vos médias publics, comme privés. Vous hurlez votre attachement au droit international, mais refusez d’imposer son respect dès qu’il s’agit de l’État d’Israël. Ses lobbies vous font-ils si peur ?!

Ces Palestiniens que vous sacrifiez

Vous l’imposez, pourtant, ce droit international, par les armes à d’autres États, parfois pour de mauvaises raisons. Or, vous avez cette fois d’excellentes raisons d’intervenir pour le faire respecter. Mais vous refusez de le faire. Ne vous dérobez pas, car vos électeurs menacent, cette fois, de vous sanctionner sévèrement si vous ne le faites pas, et il est inutile d’appeler à la rescousse vos milliardaires et leurs journaux, télévisions et radios, passés maîtres dans l’art de la fabrication et le remodelage des opinions ! Ils ne vous seront d’aucun secours cette fois.

Si vous osiez stopper cette machine barbare et la contraindre à cesser de tuer des civils innocents et respecter toutes les résolutions des Nations-Unis, les Palestiniens, qui n’ont rien à se faire pardonner, ni de vous ni des victimes de la Shoah, pourraient, peut-être, oublier leurs morts et vous pardonner votre complicité tout au long de leurs 75 ans de martyre. À moins que vous attendiez le triste centenaire de ce martyre pour le fêter en compagnie de vos amis israéliens, avec fanfares, banquets et feux d’artifice.

Sachez tout de même que ces Palestiniens, que vous sacrifiez aujourd’hui -parce qu’ils sont Arabes et ne pèsent pas lourd sur la balance de vos intérêts mercantiles- ne seront jamais les «Indiens» de Palestine. Ils n’accepteront pas de vivre dans des réserves, ne disparaîtront pas et se battront toujours. Le défunt Arafat a eu raison de les appeler «peuple de titans» !

Israël, votre protégé, n’aura pas la paix et la sécurité tant que les Palestiniens n’ont pas leurs droits. Jusqu’ici, l’Etat hébreu a répondu au désir de justice et de paix des Palestiniens par davantage de violence, de colonisation, de crimes commis par ses colons armés et fanatisés. Belliqueux et arrogant, sa réponse fut toujours : «Ils veulent la paix et la terre, ils auront l’exil et la guerre». Et cela a poussé, parfois des groupes armés palestiniens désespérés à répondre à la barbarie subie durant plus de sept décennies par la vengeance aveugle. Cet aveuglement des colonisés produit parfois des actes criminels et crée un grand émoi dans le monde, qui profite toujours à Israël. Il l’exploite et en exagère le bilan (jamais d’enquête impartiale) pour tuer davantage de Palestiniens tout en orchestrant sa comédie habituelle où il est toujours l’éternelle victime pour apitoyer l’opinion internationale, parfois crédule, et dérouler sa propagande. Mais, à y voir de plus près, ce n’est toujours que l’arbre d’une vengeance aveugle qui cache la forêt de l’enfer de plusieurs décennies de colonisation, d’assassinats, de torture, de racisme, d’apartheid et d’humiliations.

Vous ne doutez jamais du narratif israélien, qui change pourtant de version au gré de ses intérêts, et doutez ou rejetez systématiquement le récit des Palestiniens et ne leur pardonnez jamais quand ils blessent des colons venus les chasser de leur terre! Avez-vous jamais sanctionné Israël pour ses crimes ou diligenté la moindre enquête sérieuse? Jamais ! Même quand les victimes sont vos propres nationaux (journalistes, soignants ou humanitaires), alors que vous êtes prompts, d’habitude, à condamner ou même sanctionner dès qu’un de vos nationaux est victime d’une simple agression ou mauvais traitement ailleurs qu’en Palestine occupée.

Israël ne mène pas qu’en Palestine sa guerre contre les Palestiniens et leurs défenseurs. Il la mène aussi dans le monde entier, notamment en Occident. Bien qu’informelle et sournoise, cette guerre lui est vitale et est aussi ravageuse et sale que la guerre conventionnelle. Elle n’est autre que celle de la propagande, faite de mensonges, discrédits, diffamations et méthodique lavage de cerveaux. Elle mobilise en Occident des bataillons bien aguerris d’ «officiers» et de «soldats» de l’ombre.

Cette armée pullule dans les médias, publics comme privés, sur toutes les antennes et tous les plateaux de télévision, justifiant, systématiquement, les milliers de morts palestiniens par le terrorisme soit du Hamas, soit du jihad islamique, soit du FPLP, etc. Ils soutiennent l’idée que la défense d’Israël et la guerre contre le Hamas permettent tout à Israël, y compris le génocide des Gazaouis. Ils les déclarent, d’ailleurs, complices du Hamas, pour le seul motif qu’ils ne se révoltent pas contre ce dernier, ne collaborent pas avec l’armée israélienne et refusent de quitter leur terre pour aller vers le sud de Gaza.

En attendant, de toute évidence, l’ultime étape du plan de l’occupant : le transfert des Palestiniens vers le Sinaï ou un quelconque pays d’accueil. Leur cynisme atteint, parfois, les cimes, puisqu’ils ont même soutenu l’idée abracadabrante, saugrenue et absurde selon laquelle le vrai responsable de la Shoah n’était pas Hitler, mais le Mufti de Jérusalem, Mohammed Amin Al-Husseini (Mufti de 1921 à 1937, mort à Beyrouth en 1974). Selon ces affabulateurs, lors de sa rencontre avec le Führer, le grand Mufti aurait convaincu ce dernier de l’impérieuse nécessité d’exterminer les juifs avant qu’ils ne s’installent en Palestine. Les défenseurs d’Israël qui propagent en Occident ce genre de canular, pioché généralement dans la littérature de l’ultra-droite israélienne, ne sont ni naïfs, ni incultes. Ils sont, tout simplement, malintentionnés désirant faire passer le génocide des Palestiniens pour une vengeance historique, une dette historique, voire un règlement de compte, et disculper, donc les Européens afin d’en faire des alliés naturels. Et que vive, donc, l’amitié judéo-chrétienne, diront-ils !

Je doute, d’ailleurs, souvent de l’innocence et de l’utilité du concept de civilisation judéo-chrétienne, car il me paraît fallacieux et historiquement infondé. Il n’a pas l’évidence historique d’autres concepts tels que «civilisation gréco-romaine» ou «arabo-musulmane».

Une islamophobie entretenue et attisée

L’État d’Israël ose, aussi, imputer aux Palestiniens ses propres crimes à Gaza ou en Cisjordanie contre des Palestiniens ou des justes d’autres nations, comme il l’a fait quand son armée a exécuté de sang-froid la journaliste palestinienne Shireen Abou Akleh ou quand elle a bombardé les environs immédiats des hôpitaux de Gaza. Le premier de ces bombardements qui a ému et révulsé le monde entier fut immédiatement imputé au Hamas. Cela n’a malheureusement pas empêché les médias occidentaux de relayer les élucubrations et mensonges d’Israël, sans jamais citer la position adverse. Seuls les mensonges éhontés d’Israël ont droit de cité dans ces médias de la honte dont les parodies de débats télévisés sont raillées sur les réseaux sociaux et moquées par les humoristes et les caricaturistes (voir l’exemple de l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné du 01.11.23); une mascarade où tous les invités sont systématiquement acquis à la cause d’Israël, faisant fi des droits palestiniens, ne jasant que sur le Hamas, ignorant, parfois, l’existence même du peuple palestinien et son calvaire. Comme si la Palestine était une terre sans peuple que Dieu avait offerte à un peuple sans terre.

Si toute la propagande sioniste en Occident est centrée sur le rejet du Hamas qu’on présente, à tort, comme un prolongement d’Al-Qaïda (le Hamas n’opère qu’en Palestine, en tant que composant de la résistance palestinienne), cela repose sur deux raisons. La première est que cet amalgame permet de profiter de l’islamophobie très répandue, notamment dans les milieux populaires où la confusion entre islam et islamisme est courante. Cette islamophobie est entretenue et attisée par l’extrême droite qui en a fait son fonds de commerce. La haine de l’Islam s’est substituée, dans son socle idéologique, à l’antisémitisme et l’anticommunisme, d’où l’alliance qu’on observe entre les extrêmes droites occidentales et l’ultradroite israélienne ; phénomène inédit dans l’histoire des extrêmes et ultra-droites. Leur mariage est, de toute évidence, de raison.

La deuxième raison est qu’Israël, en faisant du Hamas et des autres mouvements islamistes ses seuls ennemis, il ne fait que développer et confirmer ce monopole de la résistance et le populariser davantage aux dépens de la résistance laïque qu’elle occulte délibérément. Il est loin d’ignorer l’effet et le pouvoir d’entraînement et de mobilisation que joue objectivement l’islamisme combattant palestinien dans la popularisation de l’idéologie islamiste dans le monde. Le fait que le Hamas ait le monopole de la résistance à l’occupant rend son idéologie islamiste populaire dans le monde arabe et le monde musulman, notamment parmi les jeunes qui s’y reconnaissent.

Cela explique le développement de l’idéologie islamiste dans le monde. Son essor en Europe n’a pas produit que du terrorisme, mais aussi son corollaire, c’est-à-dire la haine et le rejet de l’islam et des musulmans, et cette haine a nourri, à son tour, l’engouement pour l’extrême droite en Occident. Israël en profite pour dire aux Occidentaux : «Nous avons les mêmes ennemis. Ce sont tous des terroristes islamistes, ennemis de la civilisation judéo-chrétienne». Cela explique comment une opération comme Déluge d’Al-Aqsa a pu être facilement exploitée par Israël pour mener sa propagande en Occident et rallier, aisément, des États et des opinions publiques islamophobes en Occident à sa cause.

Le ralliement islamophobe des États de l’Union Européenne à la politique israélienne était si manifeste après le 7 octobre qu’on a même vu une préfecture française (Savoie) interdire une manifestation pro-palestinienne «en invoquant notamment dans son arrêté la présence dans un rassemblement précédent «de nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême gauche et ultragauche» (Mediapart du 21.11.23)’’.

Là on ne cible plus les islamistes, mais les musulmans, tout court. Selon cette même source, dans une tribune publiée sur Mediapart, 1 400 universitaires, pour beaucoup «spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes», ont interpellé leurs tutelles et collègues «face aux faits graves de censure et de répression […] dans l’espace public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre», censure et répression en faveur d’Israël, bien entendu. On pouvait lire dans la tribune en question que «le conflit israélo-palestinien est un des révélateurs de la police de la pensée qui s’est installée dans le monde académique français depuis plusieurs années, dans la continuité de l’invention de l’islamo-gauchisme pour disqualifier certains discours scientifiques.»

En France le lobby pro-Israël au parlement avait déjà fait voter une résolution assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme. Mais aujourd’hui le fait de déclarer que le Hamas est un mouvement de libération nationale est condamnable et assimilé à un acte d’apologie du terrorisme.

Cette islamophobie sert de toute évidence les intérêts du sionisme et d’Israël. Cela explique, aussi, la déclaration de l’extrémiste Bezalel Smotrich, ministre des Finances d’Israël : «Le Hamas est un atout pour Israël, tandis que l’autorité palestinienne est un Fardeau.»

La haine des Arabes et des musulmans

Pour servir sa cause et obtenir le soutien de l’Occident, Israël ne recule devant rien. Même si ça devait se faire au prix d’une exacerbation de la haine entre les peuples et la provocation d’une guerre des civilisations, version moderne de la guerre des religions.

Israël, avant même le développement de l’ultra-droite en son sein, a toujours exhorté, voire poussé les juifs, notamment ceux d’Afrique du Nord, qui vivaient souvent paisiblement avec leurs concitoyens d’autres religions, à faire leur Alya et s’établir, donc, en Israël.

Historiquement, les juifs d’Afrique du nord ne souffraient pas de discrimination, contrairement à leurs coreligionnaires d’Europe, et ils étaient eux-mêmes très tolérants. Leur présence avait enrichi la vie culturelle, politique, économique, etc. Cette politique d’Israël a vidé, littéralement cette région de sa population juive. Ces juifs, en majorité de descendance amazigh (berbère), une fois établis en Israël, ont subi, progressivement, une métamorphose. Ils ont appris, visiblement là-bas, la discrimination et le racisme à l’égard des Palestiniens. Je me rappelle, avoir eu le dialogue suivant avec un étudiant palestinien originaire de Cisjordanie : «Comment sont vos relations avec les juifs israéliens ? -Très mauvaises, Ils nous méprisent, volent nos terres, tuent et font régner la terreur, etc. -Je suis sûr que les juifs originaires d’Afrique du nord sont meilleurs, car ils avaient de bonnes relations avec les musulmans. -Les pires sont les Séfarades, notamment ceux d’Afrique du Nord. Ils comptent parmi les plus haineux à l’égard des Arabes; ils votent majoritairement pour le Likoud et l’ultra-droite.»

Sur le coup je ne savais pas quoi répondre. Mais, déçu, je me demandais dans mon for intérieur : Comment ont-ils pu changer, une fois en Israël ! ? Mon explication est qu’Ils ont, très probablement, subi un lavage de cerveau et leur intégration s’est, sûrement, faite dans et par la haine des Arabes et des musulmans, un peu à l’image de l’extrême droite qui commence à triompher en Occident, mais en plus concentré. C’est l’œuvre de l’idéologie raciste du sionisme. Mais il m’arrive de se remémorer de temps à autre une partie de mon enfance à La Goulette et la douceur de la vie à l’époque où la population y était composée de musulmans, juifs, Maltais, Italiens, etc. L’entente y était exemplaire. Les échanges de visites entres familles de toutes ces origines étaient fréquents et les gens menaient leur vie simplement sans se soucier des origines, ni des faciès.

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