Les Arabes en mal de productivité

Printemps arabe ou pas, de gauche ou de droite, islamistes ou modernistes, royalistes ou républicains, les régimes arabes ont perdu toutes leurs guerres contre Israël et s’enfoncent jour après jour dans le marasme économique et la décrépitude sociale qui y est liée. Et pour cause, le sens du travail et la flemme de la productivité y sont simplement en panne. L’année 2024 a ajouté une autre couche de preuves et autres épreuves à cette triste réalité. Une histoire infernale, à sens unique.

Moktar Lamari *

En 2024, les revers des sociétés arabes ont été lamentables à Gaza, au Liban, en Syrie, au Soudan, en Libye, au Yémen, en Irak et pas seulement. Au-delà des débâcles militaires, guerres civiles et humiliations politiques à répétition, l’origine des drames qui plombent les sociétés arabes vient du front économique, où ces derniers traînent derrière en productivité, en innovation, en compétitivité, en investissement, entre autres.

On le sait, depuis Ibn Khaldoun, un Tunisien éclairé, il y a presque 7 siècles, les sociétés qui n’arrivent pas à se distinguer par leur gain de productivité ne peuvent plus créer de la croissance et se défendre contre leurs ennemis et démons qui le guettent au tournant.

Ibn Khaldoun avait écrit à son époque que l’Etat et ses impôts ne peuvent aucunement constituer le principal moteur de la création de la richesse économique, bien au contraire. Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts.

Les impôts ne favorisent pas nécessairement la prospérité et le progrès. Plus d’impôt c’est moins d’impôts, selon la loi de Sahib El-Himar **.

Une histoire atypique

L’histoire des faits économiques nous apprend que les pays vaincus lors de la deuxième guerre mondiale (Japon, Allemagne, Italie, Espagne, entre autres) sont ceux qui ont eu la progression de productivité la plus élevée au moins pour les cinq décennies qui ont suivi leur défaite lors de la Deuxième guerre mondiale (1939-1945).

Ces pays ont payé cher leur défaite: des millions de morts, et pas seulement, leurs infrastructures, usines et technologies démontées et expatriées pour servir les pays des vainqueurs. Ceux-ci pensaient en avoir fini avec le Japon et  l’Allemagne, une bonne fois pour toutes. Peine perdue, au lieu de crouler sous le chagrin de l’humiliation, et de baisser les bras, ces pays «vaincus» se sont pris en charge pour travailler plus et mieux. La rage et la hargne comme carburants pour le progrès. Leur ressenti de l’humiliation qui leur a été infligée par les Américains a fini par devenir un propulseur pour le travail et un catalyseur de la productivité, de l’innovation et de la compétitivité. Et rapidement, Japonais et Allemands se sont imposés par leur productivité et innovation technologique dans les industries de l’automobile, de l’informatique et les technologies de pointe.

C’est incroyable que dans ces pays et civilisations fondées sur le compter sur soi, l’humiliation par les guerres peut leur insuffler la rage pour rebondir sur les fronts de l’économie et de la création des richesses et de la croissance.

«Travail d’Arabes» ou «têtes à claque»?

Ce n’est pas le cas des pays arabes. Malgré les humiliations successives infligées par le «petit» Etat d’Israël (1948, 1956, 1967, 1973, 1980, etc,), malgré les guerres civiles et insurrections, la productivité dans ces pays a été toujours à la traîne. Des sociétés qui croulent sous le fatalisme et la résignation. Des sociétés et des gouvernements qui aiment se la couler douce, entre siesta et fiesta.

Rien à faire, la productivité des travailleurs moyens dans les pays arabes est quasiment dix à quinze fois moins élevée que celle d’un travailleur israélien, américain ou japonais.

Dans les pays arabes ayant fait leur «Printemps Arabe», le niveau de vie est aujourd’hui quasiment plus faible que celui 2010 (en valeur réelle), les monnaies dévaluées et la pauvreté pousse des millions à fuir leur pays pour les pays occidentaux, et tous les moyens sont bons. Des centaines de milliers meurent noyés ou simplement embrigadés en chair à canon pour les groupes islamistes. La Tunisie ayant fourni, dit-on, plus 10 000 terroristes sous l’ère de Ghannouchi et disciples.

Les femmes se font trucider en plein jour, et elles sont exclues de la vie publique, devant se cacher derrière des voiles, au lieu de se retrousser les manches et se lancer dans la vie économique et la création de la richesse collective.

Des imitateurs, pas des innovateurs

De Rabat à Amman, de Tunis à Bagdad, on ne trouve pas une seule invention technologique, une seule industrie de pointe ou un seul exploit spatial attribué à un Arabe.

Rien de mondialement utilisé, coté en bourse et qui est issu de la R&D menée dans l’un des pays arabes. Des universités qui traînent et qui se plaisent à former des chômeurs, et une science déjà dépassée.

Tout indique que dans ce monde arabe, on est encore réfractaire aux grandes innovations, tellement coincés dans ces schèmes rétrogrades, et plein de pensées archaïques, engluées dans le fatalisme religieux, laissant presque tout à la volonté de Dieu, et autres pouvoirs en place, pour seule devise «inchallah»!

L’innovation radicale des produits et processus de production suppose de la volonté, de l’investissement et beaucoup de travail. Et cela ne semble pas être à la portée des travailleurs ordinaires, et l’Etat ne fait pas grand chose pour inverser la vapeur.

Entre flemmards, râleurs et branleurs, ces sociétés n’arrivent plus à se remettre en question. L’islam politique a quasiment gangréné les initiatives et tiré vers le bas le sens du travail et la productivité.

Des politiques axées sur la demande

Les élites arabes, quelles soient politiques, universitaires ou médiatiques, plaident l’Etat social, l’Etat providence. On n’est plus dans ce schème ailleurs dans le monde. Et ce pour justifier les interventions massives de l’Etat, pour soutenir artificiellement les prix du pain et des produits de bases.

Toutes les stratégies et programmes politiques dans les ces pays arabo-musulmans se sont articulées autour de la demande et donc de la consommation. Particulièrement alimentaire et ostentatoire.

On parle des droits, mais pas des devoirs économiques. On prend les choses à l’envers, on veut consommer comme les Occidentaux, sans pouvoir, ou vouloir, produire autant qu’eux. Et on paie les déficits budgétaires par une dette toxique. Avec une dette colossale et une dépendance grandissante envers l’étranger.

Les pays arabes n’arrivent pas encore à être autosuffisants en produits alimentaires, encore en raison des problématiques de faible productivité et de carence en innovation (peu de transformation, insuffisance de stockage, cultures extensives…).

Les produits pharmaceutiques et médicaux sont aussi tributaires des importations et à la merci des firmes et pays occidentaux. Les pénuries sont monnaie courante. Et les hausses de taxes, une «dîme» pour des États pléthoriques et dépensiers.

Réfractaires aux politiques de l’offre

Les économies et sociétés européennes et asiatiques qui ont enregistré les plus hauts gains de productivité sont celles qui ont adopté des politiques d’offre, qui donnent les incitatifs requis pour les entreprises, pour l’investissement et pour l’innovation. Des politiques économiques tournées vers l’entreprise et la production, et non pas la consommation.

Dans les pays arabes, les politiques économiques sont axées sur la demande, aussi pour des fins de politiques politiciennes et pour maintenir le statuquo dans les rapports de force ainsi que les rapports de classe.

Bouteflika, Ben Ali, Kaddafi, Moubarak, Assad, Saddam… avec tous les rois et émirs de la région ont joué la partition de la demande, ignorant l’offre et ses défis.

Partout dans ces pays, les politiques occultent les objectifs du plein emploi. Un concept ignoré, alors que 3 femmes sur quatre sont exclues du marché de l’emploi, alors 40% des jeunes diplômés sont en chômage de longue durée.

Or, il faut des taux de croissance de 6% pour au moins 10 ans pour résorber le stock de chômeurs qui attendent d’émigrer ou de soulever des «révolutions» vouées à l’échec, sans solution économique.

Les femmes, ces «dindons de la farce»

On ne comprend pas toujours comme ces sociétés arabes continuent de traiter les femmes, comme elles le font. De facto, celles-ci doivent rester chez elles, et leur rôle doit se limiter à la procréation en portant le voile et en se retirant de la sphère de la production et de la productivité.

Durant la deuxième guerre mondiale, les Japonaises, les Allemandes, les Françaises, les Anglaises sont volontairement parties dans les usines et tous les services publics pour créer du service public et de la richesse collective.

Ce n’est pas le cas des femmes arabes et musulmanes … celles-ci ont accepté leur sort et les diktats arabo-musulmans.

La femme vaut la moitié d’un homme en héritage, et elle est pratiquement exclue des activités publiques dans la plupart des pays arabes (travail salarié, mobilité publique, tutelle des actifs, enfants, etc.).

L’année 2024 a encore confirmé le retard des pays arabes dans le domaine du travail (hommes et femmes), de la productivité et l’innovation dans toutes ses facettes économiques, sociales et institutionnelles.

L’année 2025 qui arrive dans une semaine, constitue déjà un la fin du premier quart du 21e siècle. Il y a de quoi s’en inquiéter… pour l’avenir de ces pays et ces peuples qui refusent le progrès par les réformes et le pragmatisme.

* Economiste universitaire, Canada.

** Abou Yazid, surnommé «l’homme à l’âne», né en 873 et mort en 947, est un théologien berbère zénète de la tribu des Banou Ifren. Il est notamment connu pour la révolte qu’il a mené contre les fatimides régnant en Tunisie au milieu du Xe siècle. 

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T

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