En persistant dans son accusation de l’Afrique du Sud de génocide contre les Afrikaners, les Blancs qui descendent des colons néerlandais, le président américain ne le fait pas par hasard. Ces accusations bien que sans fondements trouvent un large écho auprès des suprémacistes blancs américains qui sont un socle électoral important pour Trump, ensuite ces accusations ont déjà été formulées par Elon Musk, membre de l’administration Trump et lui-même Afrikaner, qui a des litiges d’ordre économique avec le gouvernement sud-africain et qui cherche à se venger.
Imed Bahri
Trump lui-même se venge de l’Afrique de Sud en l’accusant de génocide car le pays de Mandela a été le chef de file des pays qui ont accusé Israël de génocide et a poursuivi l’État hébreu devant la Cour internationale de Justice (CIJ).
Le président américain a accueilli, mercredi 21 mai 2025, à la Maison Blanche, son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, dans un contexte de tensions diplomatiques sans précédent suite au décret présidentiel de février de Trump accusant le gouvernement sud-africain de génocide contre les Blancs. L’ordre autorisait l’admission d’un groupe de réfugiés afrikaners, suspendait l’aide au pays et expulsait l’ambassadeur sud-africain de Washington. En recevant Ramaphosa, Trump a accusé de nouveau Pretoria de génocide contre les Afrikaners.
Selon une enquête approfondie publiée par The Intercept, les racines de cette escalade remontent à 2018, lorsqu’une organisation d’extrême droite appelée AfriForum a lancé une campagne de propagande aux États-Unis affirmant que les agriculteurs blancs d’Afrique du Sud étaient tués et persécutés pour des raisons raciales. Cette campagne a eu un large écho au sein de la droite américaine.
Trump amplifie le récit victimaire des Afrikaners blancs
En août de la même année, Trump a tweeté qu’il avait demandé au Département d’État d’enquêter sur «la confiscation des terres et le meurtre d’agriculteurs» donnant ainsi à ces allégations un puissant coup de pouce politique. Cependant, cette campagne n’était qu’un outil de politique intérieure en Afrique du Sud, visant à reproduire le récit victimaire des Afrikaners blancs après avoir perdu le contrôle politique depuis la fin de l’apartheid en 1994.
Bien que l’élite afrikaner reste économiquement dominante, la montée du parti de gauche des Combattants pour la liberté économique, dirigé par Julius Malema, et les demandes croissantes de redistribution des terres ont accru les tensions au sein de la société sud-africaine.
Des organisations comme AfriForum ont rapidement exploité cette tension pour promouvoir des programmes d’extrême droite, tant au niveau national qu’international, avec une campagne massive de relations publiques qui présentait les Blancs comme des victimes opprimées.
La décision surprise de Trump de les accepter comme réfugiés a été tournée en dérision en Afrique du Sud, où elle a été surnommée «le Grand Tsek», dans un double sens faisant référence à la fois au Grand Trek -la migration historique des colons hollandais de la colonie du Cap vers l’intérieur du pays au milieu des années 1800- et au mot tsek, une expression familière en afrikaans (langue des Afrikaners) qui se traduit grossièrement par «va te faire foutre».
L’organisation elle-même a fini par se rétracter après la publication du décret de Trump en tenant une conférence de presse au cours de laquelle elle a nié avoir demandé l’asile politique pour les Blancs. Son président, Kallie Kriel, a affirmé que les Afrikaners font partie de l’Afrique du Sud et ne cherchent pas à la quitter. Il a réagi de la sorte afin de contenir la colère populaire. Toutefois, le mal était fait.
Le gouvernement sud-africain refuse catégoriquement les allégations de génocide qui sont sans fondement et ignorent le contexte historique d’inégalité que le gouvernement tente de résoudre.
Quant au peuple sud-africain, il a choisi de réagir à sa manière. Des vidéos satiriques sont devenues virales sous le titre «Des choses terribles arrivent» montrant des Blancs vivant dans des villas de luxe, buvant des boissons au son de la musique tout en étant servis par des employés noirs.
«Mon pays n’a pas les moyens de vous offrir un avion!»
Le président Ramaphosa a lui-même balayé d’un revers de main les accusations de Trump mais face à l’insistance de celui-ci dans ses accusations sans fondements, il lui a rétorqué ironiquement : «Désolé monsieur le président, mon pays n’a pas les moyens de vous offrir un avion!», faisant allusion au nouvel avion offert par le Qatar à Trump. Ramaphosa se moquait du caractère vénal du président américain qui peut changer d’avis en fonction des largesses faites par ses homologues. Ce à quoi le très culotté Trump a répondu: «Je l’aurais accepté».
Malgré son caractère comique, la crise a révélé, comme l’a rapporté The Intercept, que la campagne n’était pas seulement motivée par des considérations nationales mais qu’elle était également utilisée comme levier contre l’Afrique du Sud dans des affaires internationales notamment le procès intenté par le gouvernement Ramaphosa contre Israël devant la CIJ. Des considérations d’ordre économiques existent également, Starlink (fournisseur d’accès à Internet par satellite de la société SpaceX) promu par l’entrepreneur sud-africain Elon Musk fait face à des obstacles réglementaires en Afrique du Sud liés à son non-respect des politiques d’autonomisation des Noirs.
Bien que l’Afrique du Sud soit confrontée à de sérieux défis politiques et économiques, notamment la baisse de popularité du Congrès national africain au pouvoir, «la campagne génocidaire» par son ridicule est devenue un rare moment d’unité unissant la majorité de la populaire dans le rejet d’un récit qui tente de reproduire un grief colonial inversé.
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