Le Darfour agonise dans le silence  

Alors que les yeux du monde sont fixés sur Gaza, un autre drame se déroule dans une indifférence glaciale : El Fasher, au Darfour, assiégée depuis presque deux ans par les Forces de soutien rapide. Plus d’un million de civils encerclés, privés de nourriture, d’eau, de soins. Une ville où les enfants meurent de faim, où les mosquées deviennent des cibles de drones, où l’humanité se dissout dans le silence. 

Manel Albouchi

Pendant ce temps, les Nations unies vaccinent en urgence contre le choléra. Une ironie tragique : sauver d’une main, laisser mourir de l’autre. Ce paradoxe illustre la schizophrénie de notre époque. 

À première vue, ce n’est qu’une tragédie «lointaine». Or, elle n’a jamais été aussi proche. Car beaucoup des réfugiés du Darfour sont en Tunisie, à El Amra, Jebeniana et Sfax, en attente d’émigration vers l’Europe. Mais comme les feuilles d’un même arbre, nous sommes reliés. Quand un incendie se déclare dans une branche, toutes les feuilles finissent par le sentir, même celles qui se croient à l’abri. L’anxiété se propage, la peur de la mort s’installe, et les attaques de panique frappent ceux qui pensaient être protégés. 

L’indifférence complice 

Quand des populations entières meurent et que les chancelleries se contentent de communiqués, l’ordre mondial se démasque. Les vies n’ont pas le même poids selon l’endroit où elles s’éteignent. Le silence face au Soudan préfigure les silences de demain. Et ce silence, ici, on le connaît. Car pendant que les foules ont les yeux rivés sur les guerres d’ailleurs ou même sur un match de football, les gouvernements en profitent pour détourner l’attention et imposer des choix qui étranglent le quotidien. La guerre là-bas devient une diversion ici. La souffrance des peuples sert de rideau derrière lequel se négocient nos propres asphyxies. 

Le siège là-bas, ici, partout  

Comme cette ville soudanaise encerclée, nous vivons nos propres encerclements, invisibles mais réels. 

Un siège économique : une jeunesse enfermée dans le chômage, rêvant de partir par la mer. 

Un siège politique : un peuple prisonnier des blocages et des promesses creuses. 

Un siège psychologique : un quotidien où l’espoir se raréfie, où l’impuissance colonise l’imaginaire collectif. 

Le siècle de l’indifférence 

Affamer des villes. Bombarder des hôpitaux. Détruire des mosquées. Tuer des enfants. L’humanité vit aujourd’hui un siège : entourée de murs d’indifférence, privée de la circulation de l’amour et de la solidarité. 

El Fasher n’est pas seulement une ville du Soudan. Elle devient comme Gaza symbole universel de l’âme humaine assiégée par ses propres démons.  

Nous, citoyens et citoyennes, ne pouvons pas rester spectateurs car chaque silence est une complicité. Relayer, témoigner, exiger que la vie humaine reste sacrée voilà notre responsabilité. 

Car ce qui brûle ailleurs brûle déjà en nous. Et si nous laissons l’arbre s’embraser, aucune feuille, même la plus lointaine, ne sera épargnée.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!