Les Tunisiens ne demandent pas à la France et aux autres pays européens l’obtention automatique des visas; ils demandent à être bien traité, et à l’être avec dignité, et notamment sans procès d’intention.
Par Karim Guellaty *
Depuis hier soir, 371 témoignages reçus de refus de visas totalement injustifiés et avec toujours ce même motif insultant : «Nous avons des doutes sur votre volonté de quitter l’espace Schengen avant l’expiration de votre visa». Plus clairement, on pense que vous souhaitez migrer clandestinement.
Un procès d’intention
La France est libre et souveraine, et a le droit d’accepter qui elle veut sur son territoire, de faire des quotas, ou autres mesures restrictives.
En revanche, il y a un droit qu’elle n’a pas, c’est celui d’être insultante, vexatoire et diffamatoire à l’adresse de ceux qu’elle refuse. Que ce refus soit lié à un manque de personnel pour traiter les dossiers, qu’il soit le fruit d’un bras-de-fer politique, quel qu’il soit, il n’autorise pas à humilier son prochain en lui faisant le procès d’intention de vouloir enfreindre la loi et lui prêter la volonté de vouloir s’installer clandestinement.
Et puis quoi? Demain, on va interdire l’accès certains magasins à une catégorie d’individus en prétextant qu’on pense qu’ils ont envie de faire un hold-up ?
La France est libre de définir les conditions de sa politique migratoire, mais ça ne l’autorise pas pour autant à ce procès d’intention à l’égard de ceux qui lui font la demande de pouvoir venir la visiter.
On ne demande pas l’obtention automatique des visas, on demande à être bien traité, et à l’être avec dignité, et notamment sans procès d’intention.
Une vexation profonde
Je pense particulièrement à ce dossier d’un banquier de la place, sollicité à chaque raout français en Tunisie pour intervenir sur la finance et la macro économie, invité à chaque manifestation économique franco tunisienne ou presque et qui vient de se voir refuser sa demande de visa au motif qu’on pense qu’il a l’intention de rester en France après l’expiration de son visa.
Je pense à ce jeune, qui a fait toute sa scolarité dans le système Aefe, dont les parents se sont saignés pour lui offrir ces études coûteuses, en faisant le pari de la relation bilatérale franco- tunisienne, et qui à 18 ans, bac français en poche, se voit refuser son visa d’études pour une université française après donc 15 ans passés dans le système français en Tunisie.
Je pense à cette avocate de renom, et à son refus de visa pour le même motif insultant. A ce médecin, à ce cadre à tous ceux qui m’ont témoigné ce qu’ils ont vécu comme une vexation profonde. Je pense à eux, et je leur présente mes plus sincères excuses pour cette humiliation.
Quel sens porte la relation bilatérale, monsieur l’ambassadeur de France en Tunisie, quand votre politique de visas est aussi restrictive ? Et encore une fois, quelle que soit la nature de votre politique en la matière, elle ne vous autorise pas à humilier les acteurs tunisiens de cette relation quand vous répondez à leur demande de venir vous visiter.
A mon sens, les députés français doivent se saisir d’une enquête parlementaire sur le sujet, parce que certains défendent encore une certaine idée de la France et de son socle universaliste qu’ont notamment consacrés ses Lumières.
* Auteur et chef d’entreprise franco-tunisiens.
Source : page Facobook de l’auteur.
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