Lors de la présentation de son livre en arabe sur ‘‘La démocratie spectacle’’ au Centre tunisien de recherches et d’études sur le terrorisme, Dr Sadok Hammami a estimé que la Tunisie vit actuellement au stade de la «démocratie du public» ou de la «démocratie des masses».
Selon le chercheur spécialisé en sciences de l’information et de la communication, la démocratie a traversé à travers l’histoire trois étapes, la première parlementaire, la seconde fondée sur la prédominance des partis, et la troisième peut être qualifiée de démocratie du public ou des masses, qui est l’étape que traverse actuellement la Tunisie, où la volonté des citoyens se forme selon le processus de communication et le vote s’effectue en fonction de la confiance en la personne.
L’avènement des partis-individus
Dr Sadok Hamami a également parlé des mécanismes de communication dans la vie politique après 2011, où les partis sont devenus liés à une seule personne, comme le parti Nidaa Tounes, associé à feu le président Béji Caïd Essebsi et a disparu après la mort de ce dernier, l’Union patriotique libre (UPL), lié à l’homme d’affaires Slim Riahi et disparu après le départ de celui-ci du pays, ou encore, plus près de nous, le Parti destourien libre (PDL), qui est principalement associé à sa présidente Abir Moussi.
La «révolution» a produit un changement anthropologique dans le champ politique tunisien, en ce sens où la lutte pour le pouvoir, qui était basée sur la violence et la coercition avant 2011, se fonde depuis cette date sur la communication, estime Dr Hammami, en indiquant que l’actuel président de la république, Kaïs Saïed, qui n’appartient à aucun parti, a bénéficié des médias pour accéder à ce poste. En effet, il a bénéficié du soutien d’environ 80 groupes Facebook animés par 120 administrateurs, selon le rapport de la Cour des comptes sur les élections de 2019.
Dr Hammami a évoqué aussi le rôle des médias et leur impact structurel et essentiel sur la vie politique en Tunisie, qui peuvent être abordés sous plusieurs aspects. Il a souligné que la presse, à l’instar de la magistrature et du parlement, n’a pas réussi à se transformer en pouvoir parce qu’elle n’a pas réussi à jouer le rôle qui lui est confié en matière de contrôle démocratique, ni n’a pu devenir un moteur de la transition démocratique.
L’intrusion de Facebook dans la vie politique
Le chercheur a estimé, par ailleurs, qu’au cours de la dernière décennie, l’électeur tunisien ne disposait pas des informations nécessaires de manière éclairée en raison de la polarisation dont les médias ont souffert, de sorte que Facebook, avec ses pratiques trompeuses, est devenu la première source d’information sur la vie politique, ce qui a conduit à l’échec de l’instauration de la démocratie en Tunisie par l’ouverture de la voie devant tous les mouvements populistes.
Dr Sadok Hammami a expliqué aussi que le système de régulation des médias a échoué en Tunisie, sans oublier la responsabilité du pouvoir et des élites politiques dans la situation à laquelle sont aujourd’hui arrivés les médias.
Ces élites ont délibérément entravé la réforme des médias ou tenté de la dominer, a-t-il déploré, en rappelant que les médias jouent un rôle décisif et direct dans le processus électoral et la démocratie en général, ce qui devrait inciter les sages de ce pays à réfléchir à la mise en place d’une politique publique qui mette les médias au service de l’intérêt public et non des partis, des individus ou des groupes d’intérêts.
I. B. (avec Mosaïque).
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