On n’a jamais vu, dans les annales de la Banque mondiale, son président s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays membres sous prétexte de «racisme»… C’est arrivé pour la Tunisie avec son président, David Malpass, qui a pris la mouche contre le président tunisien Kaïs Saïed…
Par Samir Gharbi *
Bizarrement, personne n’y a vu aucun mal… Le président de la Banque mondiale est allé jusqu’à affirmer que les prêts de la Banque à la Tunisie sont destinés aux Tunisiens mais aussi aux immigrants !
Il n’est pas encore question pour la Banque de suspendre les décaissements des prêts déjà engagés (une vingtaine), mais la coopération est suspendue sine die jusqu’à nouvel ordre.
Le tort de Kaïs Saïed est d’avoir tiré la sonnette d’alarme (devant le Conseil de sécurité nationale) en mettant le holà sur l’accroissement des flux migratoires illégaux vers la Tunisie et la présence sur le sol tunisien de plusieurs groupes d’immigrés en séjour irrégulier venant la plupart d’Afrique subsaharienne en provenance de Libye ou d’Algérie et dans certains cas entrés légalement avec un visa «touriste» (dont le délai a été largement dépassé).
Des propos mal interprétés
Ce cri d’alarme justifié a été accompagné par une allusion fâcheuse à la théorie du «Grand remplacement» (formulée par des groupuscules complotistes et concernant seulement l’Europe occidentale).
La Tunisie est-elle aussi menacée par le «complot» ? C’est vraiment improbable vue la composition et la taille de la population tunisienne (une douzaine de millions d’habitants) et de la population africaine installée en Tunisie (moins de 100 000 au grand maximum).
Mal dits, mal interprétés, mal expliqués, les propos du président tunisien ont été repris à la volée par ses détracteurs qui ont crié au «racisme» et des Tunisiens frileux qui s’en sont pris à tort et à travers aux immigrés africains.
De là à ce que le président de la Banque mondiale s’en offusque et décide de suspendre la coopération de la Banque avec la Tunisie… Une décision inédite dans l’histoire de l’institution financière internationale créée en 1945 pour «reconstruire» l’Europe et le Japon après la Seconde guerre mondiale. Ce qu’elle a réussi à accomplir.
Au lieu de fermer ses portes, la Banque a trouvé une nouvelle mission : prêter de l’argent aux pays nouvellement décolonisés pour les aider à se développer. Depuis 1960 à ce jour, aucun pays «sous-développé» n’a pu sortir de la nasse de la pauvreté.
Un baroud d’honneur
La Banque est commandée par les Etats-Unis, principal actionnaire. Elle est donc sous l’influence du président américain en exercice qui a, de facto, le privilège de désigner son président.
Avec les présidents George W. Bush, Ronald Reagan et Donald Trump, la Banque mondiale a été influencée par la politique conservatrice de son principal dirigeant, tant au sujet de la lutte contre le réchauffement climatique qu’à celui de la pauvreté.
Son actuel président, David Malpass, était un collaborateur de Donald Trump. Désigné à la tête de la Banque mondiale en avril 2019 pour cinq ans, il est peu apprécié par le successeur de Trump, Joe Biden. Il a donc préféré la démission de son plein gré et de quitter la Banque le 30 juin 2023. Son action contre la Tunisie ressemble à un baroud d’honneur, la Tunisie étant en position de faiblesse, et son président est attaqué de toutes parts par les tenants du régime qu’il a renversé en juillet 2021 et qui avaient pillé les caisses de l’Etat depuis 2011 et contre lesquels la Banque mondiale n’a pas levé le petit doigt…
La décision de David Malpass «passe mal» en ce moment précis. La Tunisie ne devrait pas courber l’échine devant une telle injustice.
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