L’Union européenne (UE) est-elle vraiment en mesure de contrôler les flux des migrants irréguliers en Méditerranée? Ou cherche-t-elle simplement à éloigner le problème de ses frontières, en renvoyant la patate chaude de la gestion des migrants vers la Tunisie?
Par Ylva Kopineck*
Le 16 juillet, l’Union Européenne (UE) a finalisé un accord avec la Tunisie qui prévoit de meilleures relations économiques et, plus important encore, une tentative d’empêcher les migrants de traverser la mer Méditerranée vers l’UE.
La présidente de la Commission Ursula von der Leyen, aux côtés de la Première ministre italienne Giorgia Meloni et du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, ont rencontré le président tunisien Kaïs Saïed et ont signé cet accord qui couvre cinq piliers : migration, stabilité macro-économique, commerce et investissement, transition énergétique verte, et les contacts entre les personnes. Von der Leyen avait également déclaré en juin que l’UE était prête à fournir à la Tunisie 1 milliard d’euros. Environ 105 millions d’euros sont destinés à l’aider à lutter contre les passeurs et à contrôler la migration.
Opérations d’externalisation des frontières
«La migration est un élément important de l’accord que nous avons signé aujourd’hui», a déclaré Rutte à la presse, ajoutant qu’«il est essentiel de mieux contrôler la migration irrégulière».
Mais l’UE est-elle vraiment en mesure de prendre le contrôle de la situation ? Ou cherche-t-elle simplement à éloigner le problème de ses frontières, en externalisant la gestion des migrants vers la Tunisie ?
La Tunisie est une route clé pour les migrants qui tentent de venir en Europe. Dans «What an E.U.-Tunisia migration deal could sign for Refugees», un article de blog rédigé pour la London School of Economics and Political Science, Sarah Wollf et Florian Trauner ont rapporté que les États membres de l’UE concluent des accords avec des pays tiers afin d’empêcher les migrants d’arriver en Europe via la mer Méditerranée.
En 2016, par exemple, l’UE a conclu un accord avec la Turquie, fournissant une aide financière en échange de la gestion par ce pays des réfugiés syriens.
En 2017, l’UE a permis un accord entre l’Italie et la Libye finançant la garde côtière libyenne, afin de ramener les bateaux de réfugiés en Libye.
A travers le projet d’accord avec la Tunisie, l’UE tente de faire sous-traiter la gestion des migrants par un pays tiers pour éloigner ces derniers des frontières européennes.
Bien que certaines parties de l’accord soient judicieuses, comme le soutien à la stabilité macro-économique de la Tunisie, la promotion de la production nationale d’énergies renouvelables et la garantie que les Tunisiens auront un accès plus facile aux visas pour les pays de l’UE, la partie concernant les migrants est discutable.
«Les dirigeants de l’UE se lancent une fois de plus dans des politiques ratées, fondées sur un mépris total des normes fondamentales en matière de droits humains», a déclaré Eve Geddie, directrice du plaidoyer auprès des institutions européennes à Amnesty International. L’organisation a vivement critiqué l’accord, soulignant le traitement horrible réservé aux migrants par la Tunisie et, en particulier, un rapport du 17 juillet selon lequel les gardes tunisiens avaient laissé des dizaines de ces réfugiés dans le désert sans eau, nourriture ou abri.
Heureusement, les gardes-frontières libyens ont pu secourir ces personnes à temps. Cependant, la question se pose : comment l’UE peut-elle travailler avec un pays qui viole les droits de l’homme et traite les migrants de manière si inhumaine?
L’UE peut accueillir d’autres immigrés que les Ukrainiens
La migration est et sera toujours un sujet brûlant. De plus, en raison de la crise climatique et des conflits en cours dans le monde, le flux migratoire vers l’Europe ne fera que s’intensifier.
Il est vrai qu’il faut faire quelque chose pour empêcher les passeurs et autres exploiteurs de profiter des réfugiés, mais les violations des droits de l’homme en Tunisie montrent qu’envoyer des gens là-bas n’est pas la bonne solution aux problèmes qui se posent autour de la mer Méditerranée.
Aucun être humain ne fuit son foyer à moins d’y être obligé. Il est donc du devoir de l’UE d’aider ceux qui en ont besoin. Les mesures prises par l’UE pour accueillir les réfugiés ukrainiens ont montré que ses États membres sont capables d’accueillir des réfugiés, mais cette ouverture doit également être étendue aux réfugiés venant d’autres régions du monde.
Au lieu d’externaliser ses problèmes vers des pays tiers qui ont des antécédents de violations des droits de l’homme, l’UE devrait financer des missions de sauvetage pour aider les migrants et les accueillir en Europe.
Traduit de l’anglais.
Source : Organization Wolrd Peace (OWP).
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