En décidant unilatéralement et de manière cavalière la liquidation de la Banque franco-tunisienne (BFT), la Tunisie croit avoir définitivement enterré l’affaire l’opposant au fonds d’investissement néerlandais ABCI Investments à propos de cette banque gangrenée par la corruption depuis une quarantaine d’années et poussée vers la faillite par les responsables tunisiens eux-mêmes. Or, il n’en est rien…
Par Imed Bahri
Dans son édition du 20 mai 2022, le média français Africa Intelligence rapporte que la Tunisie a omis de régler son dernier paiement au Centre international pour le règlement des différends relatifs à l’investissement (Cirdi), le tribunal arbitral de la Banque mondiale (BM), devant lequel l’affaire a été portée.
Selon Africa Intelligence, notre pays «risque d’être condamné à verser plusieurs centaines de millions de dollars de dédommagement à ABCI Investments» et que «la procédure ne devrait pas être suspendue pour autant.» Et pour cause : la Tunisie, qui a dépossédé illégalement et de manière arbitraire ABCI Investments de cette banque que ledit fonds avait acquis au début des années 1980, a été reconnu coupable par un verdict du Cirdi datant de juillet 2017.
L’art de couper le cheveux en quatre
Mis ainsi dos au mur et à cours d’arguments, la Tunisie s’est résignée à engager une procédure d’arbitrage avec le tribunal arbitral international, tout en continuant à louvoyer, à couper le cheveux en quatre et à manœuvrer pour essayer de gagner le temps, faute de pouvoir éviter la sanction ou en réduire l’ampleur.
La patate chaude a ainsi été transmise d’un gouvernement à un autre autre et le temps passant, les dommages subis par ABCI Investments se sont accumulés, ainsi que les frais d’avocats et d’arbitrage international consentis par les deux parties, sachant que ces frais devront être finalement payés par la partie qui sera désignée comme fautive. Et il n’est pas difficile de deviner laquelle…
En effet, tous les efforts du gouvernement tunisien ont été vains, puisque, liquidation ou pas, la procédure va se poursuivre et le Cirdi va devoir estimer la valeur des dommages et intérêts subis par la partie plaignante et qui, selon plusieurs experts, dépasserait un milliard de dollars, une sacré somme que les contribuables tunisiens, qui n’ont rien pris à personne, vont devoir payer, qui plus est, dans un contexte de grosses difficultés des finances publiques, de dévaluation du dinar, d’inflation galopante et de hausse des prix.
Les gagnants et les perdants
Cette politique de fuite en avant, qui fait le bonheur des corrompus qui ont contracté des prêts auprès de la BFT et ne les ont pas remboursés, va coûter très cher à la Tunisie. En termes d’argent, mais pas que… Car, pour un pays qui cherche à attirer les investisseurs étrangers pour relancer son économie, cette affaire de la BFT risque de ternir davantage son image déjà largement brouillée.
Il reste cependant à se demander si le président Kaïs Saïed, ci-devant grand chevalier de la lutte contre la corruption, et qui, dans cette affaire, a volé au secours des plus grands corrompus du pays, a été bien conseillé ou s’il a été plutôt manipulé et trompé, et d’abord par le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, à qui l’on doit la décision de liquider la BFT et, probablement, aussi, de faire disparaître toutes ses archives, ce qui équivaudrait à l’effacement des ardoises de tous ces chers mauvais payeurs.
On vous laisse deviner les noms des bénéficiaires de cette opération, véritable arnaque d’Etat, puisque les perdants, on ne les connaît que trop, ce sont vous, moi et tous les pauvres contribuables qui n’ont pris rien à personne.
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