Tunisie : interrogations sur la stratégie de défense de Hamadi Jebali

Eu égard son état de santé qui s’est brusquement détérioré hier, samedi 25 juin 2022, et qui a nécessité sont transfert d’urgence de son lieu de détention à un hôpital de Tunis, nous ne pouvons que souhaiter un bon rétablissement à Hamadi Jebali, l’ancien dirigeant du parti islamiste Ennahdha, mais cela ne nous empêche pas de nous interroger sur les buts recherchés par sa stratégie de défense, basée sur le refus de coopérer avec les enquêteurs.

Par Imed Bahri

Qu’il ait été arrêté «illégalement», comme affirme son comité de défense, parce qu’il n’a reçu aucune convocation et qu’il a été interpellé dans son véhicule à Sousse avant d’être conduit au centre de détention de Bouchoucha au Bardo, Hamadi Jebali n’en est pas moins soupçonné dans une affaire de blanchiment d’argent en lien avec une association soupçonnée, elle, de financement du terrorisme. Et qu’eu égard son passé terroriste, ayant été directement impliqué dans les attaques d’hôtels à Monastir et Sousse, en 1987, et du bureau du RCD, le parti au pouvoir, à  Bab Souika, à Tunis, en 1992, les autorités sécuritaires sont en droit d’enquêter sur la nature de ses activités et de ses liens avec ladite association.

Un justiciable comme un autre

En outre, en tant que suspect, M. Jebali est tenu de répondre aux questions des enquêteurs, dans le strict respect des droits accordés par la loi aux justiciables, quels que soient leur rang ou leur place dans la société.

En cherchant à médiatiser l’affaire de leur client et à mettre en cause «les autorités au pouvoir et le ministre de l’Intérieur» pour ce qu’ils considèrent comme une «détention illégale»,  les avocats de M. Jebali sont dans leur rôle, mais tout chef de gouvernement qu’il ait été entre janvier 2012 et mars 2013, ce dernier n’est en pas moins citoyen comme un autre et est tenu de se défendre avec les moyens du droit.

Refuser de collaborer avec les enquêteurs et de répondre à leurs question, tout en observant, en même temps et dès le début, «une grève de la faim sauvage» pour protester contre sa «détention politique», comme indiqué par le communiqué de son comité de défense publié samedi, ne sert nullement la cause du prévenu. Au contraire, cette posture fait peser une ombre lourde de suspicion sur sa stratégie de défense, dilatoire à souhait, et qui vise à temporiser pour gagner du temps (et en faire perdre aux enquêteurs) de manière à retarder le travail d’investigation et la révélation de la vérité.

La fuite en avant dans la politisation

En effet, s’il n’a vraiment rien à se reprocher, qu’est-ce qui empêcherait M. Jebali de prouver son innocence des accusations portées contre lui et de les démentir une à une avec les moyens du droit, et non de la politique. Car dans cette affaire, judiciaire jusqu’à preuve du contraire, celui qui cherche la fuite en avant dans la politisation, c’est bien M. Jebali et ses «frères islamistes» d’Ennahdha qui voient l’étau de la justice se resserrer sur eux et s’agitent pour ne pas avoir à rendre des comptes de tous les abus qu’ils ont commis au cours des dix dernières années : assassinats politiques, envoi des jeunes pour le jihad, financements étrangers occultes, blanchiment d’argent, enrichissement illicite, etc.

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