Un constat s’impose aujourd’hui : la présidente du Parti destourien libre (PDL) n’est pas une politique, mais plutôt une agitatrice. Elle avait réussi à «capitaliser» un électorat assez important dans sa bataille acharnée contre les députés islamistes d’Ennahdha et d’Al-Karama. Avec la dissolution du parlement et l’affaiblissement de ces derniers, son électorat glisse vers un effritement irrémédiable.
Par Helal Jelali *
La prospective – grande spécialité des Américains – exige des moyens humains – des experts – et financiers importants. Mais pour Mme Moussi, nous allons nous contenter de mieux cerner le personnage, de relever quelques indices sur les fractures au sein de son électorat et de découvrir l’arrière-cour de son agitation. Ici, l’intuition et le discernement pourraient nous conduire à une analyse raisonnable.**
Depuis 2013, Mme Moussi est contre tout et contre tous. Cette année, elle voudrait porter des plaintes contre le président de la république, l’Isie, la Haica, le gouvernement de Mme Bouden «illégitime» à ses yeux… Elle fait feu de tout bois et passe son temps à gérer les scandales qu’elle provoque elle-même… Tapage, tohu-bohu, menaces, vociférations contre le gouverneur de Tunis, sans oublier une stratégie de «victimisation» fondée sur un «complotisme» auquel ne croient que ses adeptes. Mme est persécutée partout et par tous. Et elle tient à le crier sur tous les toits.
Un one woman show
Sous Ben Ali ou après 2011, Abir Moussi a toujours choisi les querelles et les altercations comme mode de communication.
Et les Tunisien(ne)s dans tout ça… Comme son électorat, elle les a complètement oubliés. Concernant les questions économiques et sociales – premières préoccupations des Tunisiens – sa tactique se résume à l’esquive ou le service minimum avec des formules réchauffées.
Quel est son cap politique? Quelle est son programme pour les législatives du 17 décembre prochain? Apparemment, tout cela est secondaire, peut-être même futile. L’essentiel à ses yeux est qu’on continue de parler d’elle. Son programme, s’il existe, n’est pas assez «sexy» pour lui attirer la sympathie des Tunisien(ne)s.
La présidente du PDL se trompe largement : elle pense que la dramatisation de son action politique s’est révélée jusque-là «rentable», alors même que cette dramatisation tourne, aujourd’hui, aux fanfaronnades et aux démonstrations burlesques.
La veille des réseaux sociaux s’est engagée dans une dynamique assez négative à son égard depuis une année. Même son électorat féminin commence à lâcher prise. Et on n’a pas l’impression qu’elle s’en rend vraiment compte, car sinon comment expliquer qu’elle poursuive dans la même voie devenue non passante ?
Elle semble ignorer que les réseaux sociaux ressemblent, quand même, à certains médias qui appliqueraient la formule : «Je lèche, je lâche, je lynche».
Son électorat, qui s’était mobilisé contre les islamistes, commencerait à exprimer, ouvertement, sur les réseaux sociaux sa perplexité à l’égard de son agitation. Les nostalgiques de Ben Ali, issus de la classe moyenne, sont carrément effrayés par sa logorrhée incantatoire. Et commencent à s’interroger sur l’utilité de leur appui à une dame qui, comme celui auquel elle s’attaque aujourd’hui, le président Kaïs Saïed en l’occurrence, n’écoute qu’elle-même.
Un problème qui s’appelle Abir Moussi
L’histoire politique est riche de personnages fantasques, mais dangereux: le boulangisme du XIXe siècle, le poujadisme des années 1950 ou le lepénisme des années 1980 en France.
Certes, en politique, les combats sont parfois rudes, mais le climat a souvent besoin de sérénité, de «distanciation» et même de bienséance pour aboutir à des perspectives et des ouvertures utiles pour le peuple.
Une question que de nombreux observateurs se posent à propos de l’arrière-cour du PDL : le staff de Madame est inconnu, invisible, effacé… Sur les podiums, elle est seule. La direction du parti est absente des médias, les responsables régionaux aux abonnés absents. Énigme, mystère, jeu de la coquille vide et relents de «pouvoir personnel» au sein d’un parti dont nous ignorons le fonctionnement interne.
Comme beaucoup de tunisien(ne)s, l’électorat du PDL est frappé par «la fatigue démocratique» qui aboutira à un absentéisme conséquent lors du prochain scrutin.
Quand le doute et surtout le scepticisme commence à rôder autour d’une personnalité politique, il n’est pas difficile de voir sa trajectoire entamer la phase descendante.
Enfin, dans le naufrage que connaissent tous les partis politiques depuis le 25 juillet 2021, le PDL pourrait-il se distinguer et réussir ses ambitions en cavalier seul? Difficile de l’affirmer avec l’enfumage de sa dirigeante : le PDL a un problème qui s’appelle Abir Moussi.
* Ancien journaliste basé à Paris.
** Illustration : En politique, tout spectacle devient lassant à la longue.
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