« Bel abîme », un superbe roman en langue française écrit par le jeune romancier tunisien Yamen Manaï, donne la voix à une jeunesse tunisienne, qui, dix ans après la révolution de 2011, crie son mal-être et son ras le bol d’un système aussi pourri que son précédent.
Auréolé du Prix Orange du Livre en Afrique et du Prix Algue d’or à Saint-Briac-sur-mer en Bretagne, «Bel abîme», cinquième romain de l’écrivain tunisien Yamen Manaï est paru en 2021 aux éditions Elyzad, 4 ans après la sortie d’un autre excellent roman «L’amas ardent» (Comar d’or et Prix des cinq continents de la Francophonie en 2017).
Un récit intimiste sur la jeunesse tunisienne
Avec «Bel abîme», Yamen Manaï donne la voix à un adolescent tunisien de 15 ans dont on ne connaîtra pas le prénom, qui préfère la compagnie des chiens à celle des hommes, et qui se noue d’une amitié forte et d’un amour inconditionnel avec une chienne qu’il appelle Bella, auprès de laquelle il trouve le réconfort dont il a toujours manqué. «Tout au long de notre relation, elle n’a eu de cesse de faire ressortir ma meilleure face, la plus brave, la plus digne, et de forger en moi une force que je ne me soupçonnais pas», confie le jeune héros, dans un monologue ponctué de langage cru et sans compris qui se poursuit tout au long du livre, un récit intimiste dans lequel tout jeune tunisien peut se reconnaître.
Le livre dessine en effet l’état de désolation où se trouvent les Tunisiens, dix ans après la révolution de 2011, malgré les acquis de la liberté d’expression et de la démocratie. «Avant, on avait la peste, maintenant on doit choisi entre la peste et le choléra», dit le jeune adolescent.
Un conte philosophique sur le monde actuel
Le héros de « Bel abîme » est donc le représentant parfait d’une jeunesse tunisienne marginalisée, perdue et révoltée. Un livre donne la voix à un jeune pour qui la révolution n’a rien apporté, loin de là, la dictature a laissé place à la violence, à plus de corruption, à une crise économique sans précédent et à un système politique tout aussi pourri que son précédent.
Comme ses précédents romans, Yamen Manaï a fait de son nouveau livre un conte philosophique moderne sur notre monde actuel, et en particulier sur la Tunisie post-révolution, un livre imprégné de toute la violence que subissent les jeunes et qu’ils finissent par reproduire malgré eux face à un avenir sans perspectives. «Les adultes n’ont pas encore tiré de ces années de dictature et despotisme de Ben Ali pour essayer de changer les mœurs et les comportements. Donc, on est toujours dans cette culture phallocratique et autoritaire», explique Yamen Manaï lors d’une interview accordée à TV5 Monde.
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