Tunisie : le Forum des sciences humaine et sociale interroge la crise

Le Forum international des sciences humaines et sociales, Insaniyyat, s’est ouvert, mardi 20 septembre 2022, par une allocution de Jouhaïna Gherib, présidente du Forum, qui a mis en relief l’importance de cette rencontre scientifique et culturelle où Tunis sera, durant ces journées, la capitale des sciences humaines et sociales.

C’est l’occasion d’une rencontre de haut niveau entre le sud et le nord, des deux rives de la Méditerranée, et entre l’est et l’ouest, entre Machrek et Maghreb, mettant en relief la large contribution des universités tunisiennes, celle de Tunis, d’El Manar, de La Manouba et des autres partenaires, a-t-elle expliqué, en souhaitant la bienvenue aux invités et aux participants, chercheurs, conférenciers, intervenants et autres.

Etaient présents lors de la séance d’ouverture, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Moncef Boukthir, celui de l’Education, Fathi Sellaouti, des ambassadeurs, des recteurs d’universités, des doyens, des enseignants et des étudiants.  

Le but de ce Forum étant d’en faire un espace d’échanges et de rencontres autour des multiples préoccupations dans le domaine de la recherche en sciences humaines, d’en faire une évaluation et de mettre en relief son importance dans la vie des communautés et surtout des jeunes. Ce qui ouvre largement l’univers du savoir qui ne peut évoluer sans une réelle liberté de pensée, d’actes et de recherche à tous les niveaux.

L’esprit pour enrichir l’esprit

Habib Sidhom, recteur de l’Université de Tunis, a exprimé sa joie de prendre part, avec les enseignants et les étudiants, à cette conférence qui fêtera les sciences humaines et sociales, un domaine qui touche le vécu et la situation des différentes sociétés dans la région et celles des contrées plus lointaines. Le but étant de rehausser ces sciences avec une vision critique des politiques sociales  et de mettre en exergue la contribution de l’Université de Tunis depuis le début des années 60, ainsi que ses différentes institutions, à l’instar de l’Ecole normale supérieure et les différentes facultés des Lettres et des Sciences humaines, ou encore le Centre de recherches tuniso-allemand récemment créer, sans oublier la Chaire internationale Hichem Djaïet, en hommage à ce grand penseur tunisien.

Moez Chaffa, recteur de l’Université Tunis-Al- Manar, a mis en relief le rôle des institutions universitaires relevant de son université, dont l’Institut supérieur des sciences humaines Ibn Charaf, et l’intérêt de ces sciences dans l’analyse anthropologique à la lumière des changements sociaux à différents niveaux et les retombées des crises vécues actuellement sur toute la société.

Pour sa part, Chokri Hamed, du Groupement d’intérêt scientifique (GIS), s’est penché sur les défis présents auxquels font face les sciences humaines et sociales, la contribution des jeunes doctorants dans le domaine, axant son intervention sur deux idées phares : faire le bilan des sciences humaines et sociales dans le domaine de la recherche et de leurs retombées sociales, ainsi que leurs perspectives pour qu’elles jouent le rôle qui leur revient dans l’évolution des sociétés.

Le ministre Boukthir a mis en relief l’importance de la formation et de la recherche dans le domaine des sciences humaines et sociales, rappelant les différents changements sociaux, et autres à caractère environnemental, économique, géopolitique et même celles en rapport avec la lutte contre le terrorisme, ce phénomène des temps présents.

Le ministre a aussi relevé le rôle des universités dans l’évolution des sciences et de la société, tout en les encourageant dans la recherche scientifique particulièrement, saluant la présence de plusieurs recteurs d’université à cette rencontre, ce qui démontre bien le lien solide entre leurs institutions respectives et leur alliance à servir le savoir et la recherche dans une totale concordance.

Le parcours d’émancipation des sciences sociales

Pour la journée inaugurale, plusieurs conférences ont été données, animées par différents académiciens et traitant de divers thèmes en rapport avec les crises actuelles et l’intervention des sciences humaines et sociales pour les comprendre et leur trouver des solutions.

Et c’est professeure Jocelyne Dakhlia, de l’EHESS de Paris, historienne et anthropologue, qui a ouvert les débats en traitant du parcours d’émancipation en sciences sociales où elle a exposé plusieurs thématiques en rapport avec les sciences humaines et sociales, leur mise en place au Maghreb, les entraves vécues par le passé, la réaction du pouvoir envers les chercheurs, les courants particulièrement revendicatifs qui ont caractérisé la position de ces derniers ou l’hégémonie linguistique lors d’une certaine période…

Elle a rappelé aussi certaines dates des crises vécues qui ont marqué la communauté internationale, telles que celle de 1990 et la «crise du foulard» en France, la guerre du Golfe en 1991, la «Décennie noire» en Algérie des années 90 et la chute du mur de Berlin…  Le tout comme «image de la liberté du modèle occidental». Tout en relevant à ce sujet que la haine a été toujours la «première réaction» des uns et des autres et où les chercheurs viennent après coup, suite à ces événements marquants.

Quant au professeur Hassan Rachik, de l’Université polytechnique Mohamed VI de Rabat (Maroc), anthropologue, il a analysé trois défis que rencontrent les sciences humaines et sociales, à savoir la faiblesse de l’institutionnalité de la recherche, la rareté des recherches dans différents volets y afférent et les entraves de la langue, et ce, à travers sa propre expérience. Là où il a relevé que certains chercheurs se trouvent «isolés» dans leurs besognes, les rencontres entre eux se faisant souvent «par hasard» en l’absence de cette «institutionnalisation».

D’autres fois, les chercheurs se trouvent «impliqués» dans une œuvre commune dans ce volet sans en choisir les thèmes. D’où cette «rareté» autour de certains sujets et où d’autres se font «sur commande»

Quant à la problématique de la langue, omniprésente dans les débats académiques, si les sciences humaines et sociales se font sur la base de la langue locale, c’est une manière de «défendre son identité»… Et si elles se font dans une autre langue, elles ne peuvent pas, dans une certaine mesure, «reproduire» la réalité sociale étudiée. Encore s’agirait-il d’écrire dans n’importe quelle langue, l’essentiel étant d’évoquer une réalité donnée, d’en délimiter les significatifs ou les concepts.

Les crises matrices des changements

Lors de la séance de l’après-midi, c’est Hassan Remaoun qui est intervenu pour traiter de l’usage de la notion de crise(s) dans les sciences humaines et sociales, rappelant les origines grecques du terme «crise» et ses usages récents que ce soit en économie, en médecine, en histoire et autres domaines.

Il a, d’autre part, mis en relief la «structure» de la crise qui est souvent à l’origine d’un changement quelconque, en rapport avec les mouvements sociaux, relevant à ce sujet les différentes positions des philosophes avec la notion de crise.

«Le droit en ses états de crise» a été le thème analysé par Professeure Sana Ben Achour mettant en rapport le droit anté-crise et le doit post-crise, avec les dynamiques antérieures à la crise et celles des altérations ou celles des modifications. Des crises qui peuvent «éclairer» le droit, toute crise étant révélatrice de rupture et de changement…

Sachant aussi que chaque crise révèle une «béance», une absence quelconque au sein des besoins sociaux suite à un état d’«indécision»… Il s’agit d’instaurer à chaque fois de nouvelles «notions» dans le droit en rapport avec ces multiples crises qui nous touchent; une «crise de tout» en quelque sorte.

En clôture de ces conférences de cette journée d’ouverture du Forum, une présentation du livre «Mémoires rassemblées : histoire des sciences humaines dans les universités tunisiennes» a été faite par le professeur Hichem Rifi, mémoires dans lesquelles ont contribué un certain nombre d’universitaires parmi lesquels Abdeljabbar Bsaies, Houcine Jaidi, Noureddine Dougui, Riadh Ben Rejeb, Sami Ben Ameur, Samir Marzouki, Khaled Kchir, Larbi houikha, Tahar Ben Guiza, pour ne citer que ceux-ci.

Festival «Films Insaniyyat»

Du 20 au 24 septembre en cours, le Forum international des sciences humaines et sociale réserve n espace important pour le cinéma en programmant e nombreux films à caractère social, politique et autre, en rapport avec des crises et des causes vécues par le présent.

Avant la projection du film de Jilani Saâdi, ‘‘Insurrection’’, qui a ouvert ledit festival Films Insaniyyat, ce mardi 20 septembre 2022, à la Cité de la Culture, un spectacle de Slam a été animé par Hatem Karoui, évoquant la notion de crises aussi. Un film qui a reçu le Tanit d’or lors de la 32 ème édition des JCC en 2021, et le prix de la meilleure œuvre au Festival  Gabès Cinéma Fen, en 2022, et suivi d’un débat.

Communiqué.

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