Liberté d’expression : Toute ma solidarité avec Mohamed Boughalleb !

Pour avoir été moi-même victime, à plusieurs reprises, sous le règne de Ben Ali, d’interdiction d’exercer mon travail de journaliste, je ne peux garder le silence lorsqu’un collègue, Mohamed Boughalleb, se trouve aujourd’hui dans (pratiquement) la même situation, aujourd’hui, en 2022, onze ans après la révolution dite de la dignité. (Illustration: capture d’écran).

Par Ridha Kéfi

Comme je l’ai vécu moi-même il y a si longtemps, avant de me décider à me mettre à mon propre compte en fondant, début 2010, mon propre journal, Kapitalis en l’occurrence, mon collègue Mohamed Boughalleb est aujourd’hui interdit d’exercer son métier de journaliste-chroniqueur et l’interdiction lui a été signifiée d’une façon pernicieuse.

Une «mise à mort» professionnelle

De mystérieux coups de téléphone, émanant de hauts responsables de l’Etat, conseillent au directeur du média concerné de se séparer du journaliste dont on cherche à faire taire la voix, et depuis cette date, la «victime» devient carrément une persona non grata, une sorte de pestiféré, dont aucun autre média de la place ne veut. Et pour cause, l’information de cette «mise à mort» professionnelle ayant été fuitée entre-temps sciemment, la décision, dont on ne sait à quel niveau (et par qui) elle a été prise, devient un mot d’ordre général que tous les directeurs des médias de la place, qui n’ont pas tous le courage chevillé au corps, se garderont bien de transgresser en faisant appel au mal-aimé. Oh que non ! Mais si certains d’entre eux ont peut-être des choses à se reprocher, la plupart craignent à juste titre de subir, à leur tour, la foudre de Dieu.

Dans une vidéo qu’il a postée ces derniers jours sur les réseaux sociaux, Mohamed Boughalleb, dont beaucoup d’auditeurs ont remarqué la «disparition» ces derniers temps de la programmation matinale de Shems FM, dont il a été pendant de longues années l’un des piliers, a expliqué les circonstances de sa mise à l’écart en attribuant la responsabilité aux «hautes sphères de la décision dans le pays». Et pour ne pas faire plaisir à ceux qui cherchent à faire taire sa voix, le journaliste à la langue déliée a annoncé la création d’une chaîne Youtube qui lui permettra de garder le contact avec ses admirateurs, et ils sont nombreux à apprécier sa liberté de ton, son courage intellectuel et son audace politique qui ne le font reculer devant aucune notabilité de la place. Il a également donné rendez-vous aux Tunisiens et aux Tunisiennes deux jours par semaine, tous les mardis et tous les vendredis, pour une nouvelle chronique sur l’actualité nationale.

Ces pratiques qui tirent la Tunisie vers le bas

Tout en souhaitant beaucoup de succès à notre collègue qui, à l’approche de la cinquantaine, se trouve contraint à démarrer une nouvelle aventure professionnelle, je dénonce fermement ces pratiques d’un autre âge qui sont en train de tirer la Tunisie vers le bas.

Nous rappelons aussi, par la même occasion, à ceux qui sont aujourd’hui derrière la censure et les atteintes à la liberté d’expression, le sort qui fut celui de tous ceux qui les ont précédés dans cette voie non passante : non seulement la poubelle de l’histoire, mais aussi les poursuites judiciaires et même la prison pour certains d’entre eux.

Je pense, à ce propos, au plus célèbre des censeurs que la Tunisie ait connus : Abdelwahab Abdallah, l’architecte du contrôle total de l’information et de la communication sous Ben Ali, qui fut longtemps un obstacle sur mon chemin, pour ne pas dire autre chose, avant de devenir mon ami après son arrestation. Et c’est tout naturellement qu’il a trouvé en moi, pendant son incarcération, en 2011 et 2012, l’un des premiers défenseurs de… sa liberté, surtout lorsque tous ceux qu’il avait propulsés ministres, Pdg et directeurs généraux lui ont tourné le dos.

Tout cela pour dire qu’il ne faut jamais insulter l’avenir.    

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