Né en 1931 à Nafta ville oasienne au sud-ouest de la Tunisie, dans une famille de lettrés, Mnaouar Smadeh a passé une enfance d’orphelin pauvre qui, pour subvenir à ses besoins, doit exercer de menus métiers, auprès de proches dans d’autres villes du pays. Cela marquera sa vie comme sa poésie.
Autodidacte, jeune, il rencontre Bourguiba, alors, en lutte pour la libération du pays. Sa poésie devient patriotique, célébrant le peuple et son combat.
Cependant, très tôt, après l’indépendance, son regard est très critique et lui vaut l’adversité du Pouvoir. Marginalisé, poursuivi, malmené, il fait de graves dépressions et fera des séjours à l’asile psychiatrique. Destin tragique qui n’a pas empêché le poète de publier douze recueils de poésie et de prose, parmi les plus audacieux et de s’adonner à la musique et à l’animation radiophonique. Il décède en 1998.
Quelques recueils (en arabe) : Souris ô peuple, Le paradis violé, 1954; Les martyrs, 1956; L’ange de retour, 1960; Œuvres poétiques complètes, 1995.
Tahar Bekri
Quand j’étais petit je rampais les mots
Enfant je jouais avec les lettres et m’amusais des mots
J’étais des voix sans sens derrière les mots
Des années mes pas ont trébuché sur les mots
Au galop les rêves et les illusions après les mots
Le temps fuyait et je courais après les mots
Je sais j’ai été injuste envers les mots
J’ai entendu les gens écouter la voix des mots
J’ai parlé mais sans être utile aux mots
Non pas plaisanter ou être inculte se mêler des mots
J’ai tant souffert dans les blessures des mots
La vie sacrifiée les larmes dans les yeux des mots
Mort souvent au service des mots
Ils les ont crucifiés puis vinrent hériter les mots
Les coeurs des gens sont des tombes pour les mots
Ils s’y réfugient mais où sont les mots
En perdant leur âme ils moururent dans les mots
Comme des poupées muettes ne comprenant le sens des mots
C’est un chant humain fredonné les mots
Une chanson au rythme inspiré qui espère les mots
Des visions ivres qui dandinent dans le jardin des mots
Ils sont l’âme généreuse de l’univers qui déborde les mots
Qui apparaît rêve éveillé à travers les mots
Dis à celui qui murmure parmi les gens et qui a peur des mots
Tu n’es que lèvres assoiffées de mots
Un appel inquiet à la voix qui s’enroue avec les mots
Laisse le silence ne peux-tu dire quelques mots
Ou crains-tu les gens et le droit est prisonnier des mots
Crains-tu les gens et le droit est otage des mots
Animal si tu ne comprends les mots
Plante ou objet sans les mots
Qu’espères-tu du monde sans mots
Tu es un humain parmi les gens messager de mots
Parle souffre et meurs dans les mots
Et si tu vis parmi eux que soient les mots
Témoigne sur eux et à toi les mots
Le poète est sacrifié parmi les gens vivent les mots
Ils meurent sans le souvenir mais restent les mots
Traduit de l’arabe par Tahar Bekri
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