La sélection de Tunisie de football quitte le Mondial du Qatar, sans vraiment démériter, nous laissant dans la bouche, comme souvent, un goût d’inachevé. Mais les lamentations ne nous avanceront en rien. Nous avons besoin en urgence d’un audit objectif et sérieux du secteur du sport en général et du football en particulier, pour identifier les défaillances et les moyens d’y remédier. Et plus vite on agira, mieux ça sera…
Par Raouf Chatty *
Notre participation au Mondial du football au Qatar est pratiquement terminée. La sélection nationale n’a pas démérité. Elle a fait de son mieux pour représenter dignement la Tunisie à ce grand rendez-vous. A certains moments, elle a donné de la joie à un peuple qui en a vraiment besoin, mais de la frustration aussi, la chance ne lui ayant pas souri. Avec un peu plus de confiance en ses capacités et une meilleure organisation, elle aurait certainement pu mieux faire.
En dépit de sa défaite face à l’Australie, les Aigle de Carthage ont prouvé qu’avec un peu plus de volonté, de détermination, de rigueur et surtout de cœur, ils sont en mesure de relever de grands défis, comme celui du passage au second tour du Mondial derrière lequel ils courent depuis leur première participation en 1978.
Même si nous sommes restés sur notre faim, on doit savoir positiver, aller de l’avant, triompher du négativisme et de l’auto-flagellation qui ne nous serviront à rien et rajouteront à nos doutes et nos souffrances.
Un coup de pub, et après ?
Positivons donc : la Tunisie était, durant quelques jours, au cœur d’un événement mondial et sous le radar des médias internationaux.
C’est un acquis non négligeable en termes d’image, de réputation et de crédibilité, qu’il va falloir exploiter par notre industrie touristique pour le traduire en dividendes pour notre économie.
Les Danois, les Australiens, les Français, les Européens, les Arabes et des centaines de millions de personnes à travers la planète ont regardé les matchs disputés par la Tunisie contre le Danemark, l’Australie et la France. Ils ont maintenant une idée moins terne de la Tunisie, de son sport et de l’esprit festif des supporters tunisiens, hommes et femmes, encourageant leur équipe dans les gradins et en ville. Des chaînes de télévision ont braqué leurs caméras durant cette compétition sur ces supporters véhiculant des images de joie, ce qui représente une opération de marketing pour notre pays, lui faisant gagner des millions de dollars de publicité pour le tourisme.
Néanmoins, ce bénéfice en termes d’image ne doit pas nous empêcher de procéder à un examen objectif des véritables causes qui ont empêché la Tunisie, pour la sixième fois, de dépasser le premier tour de la Coupe du monde de football.
Dans ce cadre, force est de reconnaître que le sport en Tunisie, comme du reste d’autres secteurs, est victime de nombreuses défaillances et que les mesures appropriées n’ont pas été adoptées pour y remédier, ou qu’elles ont été mal mises en œuvres et non suivies d’effet.
Les autorités publiques, les spécialistes des sports, individuels comme collectifs, les équipes et les fédérations, impliqués au premier chef dans ce domaine, connaissent bien la source des maux dont souffrent les sports et notamment le football dans notre pays. Outre le manque de moyens, ils les imputent aux calculs politiques, au clientélisme et au mauvais usage que l’on fait de l’argent.
Le régime de la douche froide
Chaque fois que la Tunisie participe à une grande compétition régionale ou internationale, des voix s’élèvent pour dénoncer la faiblesse des performances et demander que des comptes soient rendus. Malheureusement, ces protestations sont souvent restées sans lendemain, ce qui porte à croire que certaines personnes agissantes dans les milieux des sports bénéficient d’une certaine immunité qui les rend intouchables.
Cette situation, qui porte préjudice aux intérêts supérieurs du pays, ne doit pas se poursuivre. Ministère du sport, fédérations et équipes techniques nationales sont tous responsables de cette stagnation et doivent rendre des comptes des résultats mitigés des sélections nationales.
Beaucoup d’argent a été investi par les pouvoirs publics pour ce Mondial. Des milliers de Tunisiens se sont déplacés au Qatar dépensant des centaines de millions de dinars en monnaie forte pour couvrir les frais de voyage et de séjour dans ce pays. Et on ne peut continuer indéfiniment à subir ce régime de la douche froide auquel nous sommes astreints.
Les lamentations ne nous avanceront en rien. Nous avons besoin en urgence d’un audit objectif et sérieux du secteur du sport en général et du football en particulier, pour identifier les défaillances et les moyens d’y remédier. Et plus vite on agira, mieux ça sera… Et, surtout, n’attendons pas la prochaine déconvenue, qui arrivera très vite.
* Ancien ambassadeur.
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