Après le report de l’examen du dossier de la Tunisie par le FMI, notre pays doit définir avec rigueur et responsabilité les prochaines étapes dont probablement le rééchelonnement de la dette extérieure et le passage par le club de Paris.
Par Ezzeddine Saidane *
Après 18 mois de discussions techniques la Tunisie avait obtenu le 15 octobre 2022 un accord provisoire pour un crédit de 1,9 milliard de dollars à débloquer en 8 tranches sur 4 années. Il fallait bien sûr passer devant le comité exécutif du FMI pour transformer cet accord provisoire en accord définitif et obtenir le déblocage de la première tranche. La réunion du conseil d’administration était prévue pour le lundi 19 décembre et la demande de la Tunisie était bien inscrite à l’ordre du jour. Mais le 14 décembre, le dossier de la Tunisie est retiré de l’ordre du jour et il a donc été déprogrammé.
Soyons d’accord sur une chose essentielle: déprogrammer un dossier est une forme de rejet sévère du dossier puisque le comité exécutif ne prend même la peine de l’examiner en réunion. Les discussions préliminaires ont suffi pour le rejeter.
Mais quelles sont les vraies raisons de cette déprogrammation. En voici quelques unes…
Difficultés à mobiliser des ressources complémentaires
1- Avant d’approuver un crédit, le FMI s’assure d’abord que le programme de réformes sous-jacent a suffisamment de chances de réussir. Le FMI ne finance jamais tout le programme de réformes. Avec l’accord de principe l’Etat concerné doit approcher des pays (bilatéral) et des MFI (institutions financières multilatérales) pour mobiliser les ressources complémentaires nécessaires, ou au moins obtenir des promesses fermes dans ce sens. Ceci veut dire que le FMI doit s’assurer au préalable que d’autres bailleurs de fonds sont prêts à rejoindre le FMI pour réussir ensemble le programme de réformes proposé par l’Etat en question. Il est clair que les autorités tunisiennes n’ont pas réussi à ce niveau. Il s’agit là de la principale raison de la déprogrammation du dossier de la Tunisie.
Un sérieux problème de crédibilité
2- Avec le FMI, le processus dans sa totalité, c’est-à-dire du début des discussions techniques jusqu’à l’accord définitif et le déblocage de la première tranche prend en moyenne 3 mois. Dans notre cas les discussions techniques ont duré, à elles seules, 18 mois. Pourquoi? Le FMI, les autres bailleurs de fonds et les agences de notation posaient tous la même question: les autorités tunisiennes sont-elles réellement capables d’exécuter les réformes sur lesquelles elles se sont engagées. Et la réponse était souvent «non». Et là il ne faut pas oublier l’échec des programmes FMI de 2013 et 2016. Les autorités tunisiennes n’avaient pas honoré leurs engagements d’exécuter les réformes.
Un sérieux problème de crédibilité des autorités tunisiennes était présent dans toutes les discussions. Ajoutés à cela les discours profondément contradictoires du président de la république d’un côté et de SON gouvernement de l’autre. Ajoutée à cela aussi la position tranchée de l’UGTT contre le programme de réformes sur lequel le gouvernement s’est engagé.
Une loi de finance 2023 non encore adoptée
3- En rapport avec cette question de crédibilité le FMI avait exigé des autorités tunisiennes qu’elles préparent la loi des finances complémentaire (LFC) 2022 et le projet de loi des finances (LF) 2023 et qu’elles les soumettent au préalable au FMI afin que son comité exécutif puisse s’assurer que la LF 2023 n’est pas en contradiction avec le programme de réformes ayant servi à obtenir l’accord provisoire du FMI. Le projet de LF 2023 devait être signé par le président de la république. Mais le document adressé au FMI n’était pas signé !!!
Il est essentiel maintenant d’étudier les conséquences de cette déprogrammation et de définir avec rigueur et responsabilité les prochaines étapes dont probablement le rééchelonnement de la dette extérieure et le passage par le club de Paris. Le pays a besoin d’une gestion sage, patriotique, saine et responsable.
* Expert financier.
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