Ahmed Nejib Chebbi a mauvaise presse auprès d’une grande partie de l’opinion tunisienne et ses alliances, notamment avec les islamistes du mouvement Ennahdha, ne sont pas toujours comprises, mais peut-on admettre qu’il soit insulté et humilié en pleine rue par une «milice» qui se réclame du président de la république Kaïs Saïed ?
Par Ridha Kefi
Non, bien sûr, les agressions physiques et verbales dont le président du Front du salut national (FSN) a fait l’objet, dimanche 8 janvier 2023, avec certains de ses camarades, lors de leur sit-in de protestation devant le siège de la commune d’El-Mnihla (Ariana), fief du président Saïed, où se trouve son domicile et se recrutent nombre de ses partisans, ne sauraient être passés sous silence et encore moins acceptées ou banalisées, comme nous l’avons remarqué, depuis hier, sur les réseaux sociaux, où certaines personnes issues de l’élite du pays se sont félicitées de ces agressions, et les ont justifiées par des considérations politiciennes de bas niveau, qui font honte et donnent une image très dégradée de la soi-disant «démocratie tunisienne» et, plus grave encore, du régime en place depuis la proclamation de l’état d’urgence, le 25 juillet 2021, dont cette racaille se réclame à cor et à cri.
Chebbi a ses raisons
Certes, le président du FSN n’a toujours pas pris des positions populaires. Il a même souvent exprimé des opinions discutables, incomprises voire parfois même à côté de la plaque. On les lui a, à juste titre, reprochées.
Nous avons aussi durement critiqué Ahmed Nejib Chebbi sur ces mêmes colonnes, notamment pour avoir fermé les yeux sur les graves dépassements des islamistes, non pas lorsque ces derniers étaient au pouvoir, entre 2011 et 2021, car il les avait beaucoup dénoncé à l’époque, et en des termes souvent très durs, mais après la proclamation de l’état d’exception par le président Saïed et la création du FSN pour dénoncer ce que le vieux militant de centre-gauche avait, dès le début, qualifié de coup d’Etat et d’atteinte aux règles à l’Etat de droit, position que, du reste, nous sommes de plus en plus nombreux, aujourd’hui, à partager et à exprimer.
M. Chebbi a ses raisons que notre raison récuse ou, peut-être a-t-il aussi des calculs politiques que nous rejetons en bloc.
Il est aussi de notre droit voire de notre devoir de critiquer vertement et de dénoncer ce que nous sommes nombreux à considérer comme une dérive de la part de cet homme qui a milité, soixante ans durant, pour la liberté et la démocratie en Tunisie et dans le monde arabe, et qui a couru des risques, subi la répression des régimes autoritaires de Bourguiba et Ben Ali et fait même de la prison en diverses étapes de sa vie militante. Mais aucune raison ne peut être invoquée pour justifier qu’on l’humilie et qu’on l’agresse comme l’ont fait un groupe de «miliciens» se réclamant du président Saïed.
Moussi-Saïed, même combat
Cela dit, ce que je trouve encore plus honteux, et je tiens à le dire clairement, c’est l’attaque en règle dont M. Chebbi a fait l’objet de la part de Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL) qui, normalement, aurait dû défendre le droit du président du FSN de s’opposer comme il l’entend à la «dictature de Saïed» qu’elle-même abhorre, et non qu’elle se fende elle aussi d’une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux où elle le tourne en dérision dans un one woman show de très mauvais goût, qui déshonore davantage Mme Moussi que M. Chebbi.
A bon entendeur salut!
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