Pour sortir la Tunisie de la crise, il ne sert à rien de tendre la main aux aides internationales. Car on ne finance pas la consommation avec des crédits étrangers. C’est un non-sens. Il vaut mieux concevoir des plans d’investissement et de développement pour les années à venir et les proposer aux pourvoyeurs de fonds qui ne manqueront pas de nous accompagner pour les financer. (Illustration: Hedi Nouira l’avait fait dans les années 1970, pourquoi ne le ferions-nous pas aujourd’hui ?)
Par Hakim Tounsi *
Le chiffre du jour c’est 20,5 milliards de dollars ! Il représente le bénéfice net officiel de l’année 2022 déclaré par le groupe pétro-gazier français TotalEnergies. Si on rajoute à ce chiffre les 33 milliards de dollars d’impôts et taxes payés par TotalEnergies au titre de la même année, on arrive à un bénéfice brut avant impôts et taxes de l’ordre de 53 milliards de dollars pour 2022 !
Chacun peut lire ces chiffres comme il l’entend. Personnellement je ne peux pas m’empêcher de laisser défiler mes pensées ! Suivez-moi si vous le souhaitez.
Les bénéfices avant impôts du groupe TotalEnergies de 53 milliards de dollars dépassent le PIB de la Tunisie qui serait de l’ordre de 45 milliards de dollars pour 12 millions d’habitants en 2022.
Vous me diriez et alors ?
Je vous réponds d’abord que c’est tant mieux pour TotalEnergies mais qu’il y a des personnes en Tunisie qui sont fâchées avec les chiffres et qui ne savent ni les interpréter, ni les relativiser.
Redevenir fiable et solvable
Moi je n’aurais jamais demandé au FMI 1,9 milliards de dollars, comme les Tunisiens l’ont fait, pour de plus voir mon dossier non examiné et rayé de l’ordre du jour.
J’aurais présenté un dossier pour 30 à 50 milliards de dollars à débloquer en faveur de la Tunisie sur 3 à 5 ans pour redresser son économie et ce serait un minimum. L’essentiel du dossier n’aurait pas été le montant car on peut refuser d’examiner une demande de prêt de 1,9 milliards de dollars et accepter de financer un autre de 50 milliards de dollars. Le plus important pour un prêteur comme le FMI, la Banque Mondiale, la BAD ou la BEI c’est de savoir où va aller l’argent et si l’emprunteur ne va pas s’enfoncer davantage avec le crédit dans le surendettement ou s’il va créer de la richesse, améliorer sa capacité de remboursement pour redevenir fiable et solvable.
Malheureusement la Tunisie ne pouvait rien faire avec 1,9 milliards de dollars et ce petit montant serait venu s’ajouter à sa dette sans rien lui apporter de positif. Raison suffisante pour rejeter le dossier par n’importe quel pourvoyeur de fonds.
Le bénéfice de 20,5 milliards de dollars nets de TotalEnergies m’inspire aussi le fait que les bateaux ne s’arrêtent jamais de couler par les cris et les pleurs de leurs passagers même quand la scène est dramatique. Sans actions concrètes pour colmater les brèches et stopper l’eau qui envahit les cales, rien ne peut arrêter le naufrage. Il faut le savoir et se le dire.
La situation économique et sociale en Tunisie se détériore depuis plus de 10 ans suivant en cela une situation politique peu enviable.
Arrêter d’incriminer les autres
Il faut arrêter d’incriminer les étrangers et de parler de complots. Il faut rester pragmatique. Les services secrets et les barbouzes agissent partout dans le monde. La nature a horreur du vide. Le banditisme prolifère là où il peut et dès qu’il peut. Un peuple qui ne se défend pas, qui n’est pas prêt à défendre son pays est un peuple qui s’expose par lui-même à tous les dangers y compris au retour du colonialisme dans son périmètre. Un peuple qui ne se défend pas s’expose de fait à ce qu’on le pille, à ce qu’on le vole, à ce qu’on le ruine. Après, la logique est sans pitié, un peuple ruiné est un peuple qui manque de tout y compris des matières essentielles à la vie et qui finit par vouloir fuir son pays.
Le refus du FMI d’examiner la demande du crédit de 1,9 milliards de dollars devrait nous faire réagir positivement avec force en réponse à la violence du sens du refus d’assistance à un peuple en danger. Il aurait fallu réagir mais malheureusement je n’ai pas vu de réactions.
Personnellement, j’aurais boycotté l’idée même d’aller fréquenter les cafés sans rien faire à longueur de journées. Rien faire pour ne rien faire j’aurais préféré me rendre utile en allant travailler même bénévolement pour nettoyer ma ville ou me porter bénévole pour tout travail pouvant sauver mon pays et mes concitoyens car sans une prise de conscience collective et une révolution culturelle la situation ne pourra pas s’améliorer.
Notre PIB doit progresser et aller de 45 à 60 ou 80 milliards de dollars pour que les choses aillent mieux. Ce chemin est incontournable et nous ne pourrons le faire que par le travail. Il faut mettre l’équation sur la table et chercher les solutions concrètes loin de toute démagogie inutile. Il faut vite concevoir des plans d’investissement et de développement pour les années à venir et les proposer aux pourvoyeurs de fonds qui ne manqueront pas de nous accompagner pour les financer. On ne finance pas la consommation avec des crédits étrangers. C’est un non-sens.
Créer des richesses
Cependant, pour financer les investissements créateurs de richesse rien n’empêche de recourir aux lignes de crédits étrangères.
Feu Hédi Nouira, le Premier ministre tunisien dans les années 70, avait créé le miracle après le fiasco du collectivisme tenté par son prédécesseur Ahmed Ben Salah. Il a inventé la défiscalisation et la franchise douanière temporaire imaginée par la loi 72. Une action qui avait suffi à drainer rapidement les investissements étrangers avec la création en 3 ans de 500.000 emplois. Le taux de croissance grimpant à 11% avait permis d’augmenter les salaires des Tunisiens de 33% d’un seul coup. Par l’intelligence, l’imagination et le travail tout devient possible.
Le partenariat avec l’Union Européenne revu et corrigé pourrait être une belle piste de relance. Une piste fiable et bancable. La Tunisie a besoin d’un nouveau souffle à tous les niveaux.
* Dirigeant fondateur du TO Authentique Voyages à Paris.
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