L’un des souhaits non encore avoué de Kaïs Saïed est de se rendre à Moscou, d’établir des relations étroites avec le maître du Kremlin, et de continuer jusqu’à Pékin afin qu’il puisse être libéré des pressions occidentales, qui, selon lui, interfèrent dans les affaires de la Tunisie et l’empêchent d’accaparer la totalité du pouvoir.
Par Slaheddine Jourchi *
Le président tunisien Kaïs Saïed a suivi la visite à Moscou de son ami le président algérien Abdelmadjid Tebboune et la manière dont le président russe Vladimir Poutine l’a reçu, ce qui témoigne de beaucoup de respect et d’estime.
Saïed entretient une relation forte avec Tebboune depuis le début, et le nombre de visites qu’il a effectuées en Algérie en est la plus grande preuve. L’un de ses souhaits est de se rendre à Moscou, d’établir des relations étroites avec le maître du Kremlin, et de continuer jusqu’à Pékin afin qu’il puisse être libéré des pressions occidentales, qui, selon lui, interfèrent dans les affaires de la Tunisie et l’empêchent d’accaparer la totalité du pouvoir.
La visite de Tebboune à Moscou pourrait ouvrir la voie au président tunisien pour atteindre ses objectifs. Alors que l’Algérie n’a pas condamné la guerre russe contre l’Ukraine et maintient un niveau de neutralité interprété comme se rangeant du côté de Moscou, la présidence tunisienne est contrainte de dénoncer l’agression russe sous l’égide de l’Onu. Elle l’a fait avec force en raison de l’imbrication des intérêts de la Tunisie avec le camp occidental, dont Moscou a tenu compte, sans poursuivre ses efforts pour gagner la Tunisie et nouer des relations avec elle.
L’importance géopolitique de la Tunisie
Cela a été souligné par le gouvernement italien, dans une tentative de convaincre le reste des parties occidentales, y compris les États-Unis, de l’importance géopolitique de la Tunisie, en mettant en garde contre le fait de la pousser dans les bras de la Russie et de la Chine, ce qui affecterait négativement la sécurité de l’Europe.
Etant donné que la question tunisienne est devenue un sujet important sur le plan international et régional, l’Algérie suit de près la situation tunisienne et veille à souligner, au moins politiquement, sa solidarité avec la Tunisie. Ainsi, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a profité des démarches du Premier ministre italien, Giorgia Meloni, ainsi que de la participation du président Saïed au sommet mondial sur un nouveau Pacte financier à Paris pour confirmer que la Tunisie «traverse une étape très difficile, et la meilleure façon de l’aider n’est pas d’imposer des charges supplémentaires qui pourraient aggraver a situation.»
Il a appelé à «comprendre l’impact profond des événements de 1984 et 1986 sur le peuple tunisien». Ces événements violents sont la conséquence de la hausse des prix de plusieurs matières de base, qui a suscité la colère des Tunisiens, mais le ministre Attaf a souligné, en revanche, que «les Tunisiens ne sont pas contre les réformes économiques, mais il faut les mettre en œuvre dans des conditions pas trop douloureuses.»
L’Algérie, allié stratégique de la Tunisie
Le président Saïed estime que l’Algérie peut être un allié stratégique fiable, bien qu’elle permette l’afflux de nombreux immigrants subsahariens vers la Tunisie. Il a également sacrifié les relations tuniso-marocaines, la Tunisie ayant perdu sa neutralité et n’étant plus en mesure de jouer le rôle du pays qui unit le Maghreb. Saïed compte sur la force militaire et politique de l’Algérie auprès de la Russie, ce qui pourrait lui ouvrir la porte d’une adhésion au bloc des Brics. Il pense que la Tunisie en bénéficiera et que la pression de l’Europe et des États-Unis diminuera.
Le Congrès américain devrait examiner un projet de loi sur la Tunisie qui, s’il est approuvé, réduira de 25% le montant de l’aide financière au ministère tunisien des Affaires étrangères. Cela signifie que le renforcement du rapprochement tuniso-algérien, suivi du rapprochement tuniso-russe, peut laisser le président Saïed relativement à l’abri des menaces occidentales dont il a assez.
Le président tunisien ne cesse de répéter qu’il protège la souveraineté. Pour lui, la souveraineté signifie ne pas s’immiscer dans les affaires nationales. Il veut dire que la Tunisie rejette, dans cette circonstance délicate, les diktats du Fonds monétaire international (FMI), la dénonciation des organisations de défense des droits de l’homme et les déclarations des gouvernements occidentaux en matière de droits de l’homme. C’est-à-dire qu’elle demande le silence complet face au pouvoir absolu dans le pays.
Traduit de l’arabe.
Source : Al-Araby Al-Jadeed.
* Journaliste et analyste politique.
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