La Tunisie relocalise sa population migrante au milieu du désert à la frontière avec la Libye, pour ensuite être expulsée vers son pays d’origine. Le gouvernement invoque des raisons de sécurité intérieure. Les analystes soupçonnent que derrière ces actions se cache la main de l’Union européenne.
La Tunisie est devenue depuis longtemps un pays d’immigration et de transit, avec des migrants venant principalement du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne dont le but est d’atteindre l’Europe par la migration irrégulière depuis les côtes tunisiennes.
Le 4 juillet, les médias ont fait état d’affrontements entre Tunisiens et migrants, avec un premier bilan d’un Tunisien mort. Cet événement a déclenché une vague de violence et de rejet par les secteurs xénophobes de la Tunisie, qui a entraîné le déplacement forcé de centaines de personnes vulnérables et la violation systématique de leurs droits.
Cependant, on pense que ces événements n’expliquent pas les dernières mesures répressives prises par le gouvernement contre les migrants, en particulier dans le cas des Africains subsahariens.
Plusieurs gouvernements européens se sont prononcés contre l’augmentation écrasante des départs du pays africain vers les rives européennes de la Méditerranée. Tout cela se passe autour de la ville de Sfax, une ville tunisienne qui n’est qu’à 200 kilomètres de la ville italienne de Lampedusa.
Sfax est déjà une ville violente en proie à la pauvreté, à la marginalisation et à la criminalité. Comme Anadolu Ajansi citait le directeur de l’association Afrique Intelligence *, «A Sfax deux misères se rejoignent : celle d’une population locale qui souffre déjà de la pauvreté et celle d’une population d’immigrés désespérés qui attendent de partir».
Pour l’Union européenne, la ville de Sfax est une question sensible. Tout ce qui s’y passe en matière de migration a un impact rapide sur l’Europe. C’est l’épicentre de la migration irrégulière en Méditerranée centrale.
Compte tenu de la nature même de la migration irrégulière, personne ne peut connaître le nombre de migrants africains sans papiers, que ce soit en Tunisie ou à Sfax. Cependant, le fait que leur nombre semble augmenter semble indiscutable.
Jusqu’à présent cette année, l’Europe a envoyé plusieurs colis d’aide au gouvernement tunisien sur des questions de développement, d’investissement et d’aide humanitaire. Dans la pratique, ces actions de solidarité et de collaboration finissent par fonctionner comme une politique dure ou, dans le meilleur des cas, comme des prérogatives pour la Tunisie de s’engager à minimiser le flux migratoire vers la Méditerranée. Le 11 juin de cette année, la Tunisie a reçu une proposition de paquet macro-financier en échange du renouvellement des accords migratoires.
Parallèlement, la répression contre les migrants s’est récemment intensifiée. Des centaines d’entre eux embarquent dans des trains et tous types de transports pour fuir la ville de Sfax face au rejet violent des habitants et à la répression policière. Ils craignent d’être expulsés et laissés dans la chaleur intense du désert à la frontière avec la Libye.
Selon des sources de presse, entre 500 et 700 personnes ont été expulsées de force vers la frontière libyenne en moins d’une semaine. Beaucoup de femmes et d’enfants y sont bloqués.
«Il y a des enfants qui n’ont pas mangé depuis plusieurs jours, obligés de boire de l’eau de mer», a fait savoir la presse à propos des témoignages de personnes sur place. La majorité est constituée de migrants subsahariens venus du Cameroun, de Guinée, du Tchad, du Soudan et du Sénégal.
L’inaction du gouvernement tunisien face aux problèmes de pauvreté et de violence dans le pays est bien connue. Pourtant, c’est le premier argument utilisé pour justifier les dernières actions xénophobes. Ils justifient leur action par «les exigences de la sécurité nationale».
Actuellement, les actes de violence et la recrudescence de la xénophobie dans le pays, qui ne peuvent être niés, sont liés aux pressions politiques et économiques de l’Occident. La crise économique actuelle exige des solutions à court terme sans mesurer le coût pour les milliers de victimes de l’insécurité et la pauvreté.
Traduit de l’anglais.
Source : TeleSur.
* Afrique Intelligence est une association militante qui œuvre depuis 2012 pour le respect des droits et la dignité des migrants, quelles que soient leurs origines, leurs opinions politiques ou leurs convictions.
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