Né en 1998, à Mindouli, en République du Congo, Alvie Mouzita a poursuivi ses études à l’École normale supérieure de Brazaville. Il est enseignant. Et poète.
De nationalité congolaise, il est membre de la Société des artistes et poètes du Cameroun. Il rejoint en 2023 le média Culture Congo, comme chroniqueur littéraire, artistique et culturel.
Fondateur et coordonnateur du Prix «Vendeurs d’émotions», il a publié Vendeurs d’émotions, en 2022; et Chants pour une fleur aux Éditions Essaim Plumes, en 2023, Bénin.
J’habite l’estuaire qui m’ouvre à la mémoire des fleuves
Je suis piroguier qui rame sur les eaux comme une feuille qui nage dans le vent
Je suis le bronze
Je suis l’alliage du sang qui parcourt la beauté des femmes peuhles
J’habite la gorge du feu
J’habite le bruit des tombes
Me voici piroguier sur le ventre du fleuve
Ô mes pères ! Bénissez mon chemin dès le premier cri du soleil
Bénissez mon alliance avec le temps
Bénissez mon chemin à l’ouverture des totems
Je marcherai entre mémoire et espérance pour un chant de renaissance
Je marcherai comme une tourterelle
Je marcherai comme l’écho des balafons dans le feuillage du temps
Pour dire demain dès l’aube
Ouvrir les rêves incarcérés
Ouvrir les cailloux des mers
Ô Néfertiti ! Viens convoquer la paix pour habiller l’Égypte
Viens dénicher les caïmans qui croquent la courtoisie du Nil
Les civilisations des grands lacs prennent feu
Ici, les initiés s’adonnent aux langues de bois
Et les hiéroglyphes, pour les jeunes fleurs, se laissent impénétrables
Et la danse des femmes zulu depuis la constellation des zèbres égorgés
Depuis le déracinement des mythes
Depuis les brûlures de l’arbre à palabre
Ne tâte plus les mamelles des lunes ancestrales
Viens dire paix pour taire les fusillades nocturnes au Nord Kivu devenu mangrove
de larmes
Ô Liberté ! Je te nomme parvis pour ressusciter l’aurore
Parce que nos rêves demeurent encore aux pieds des ténèbres
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Parce que, toujours, nos labeurs tournent au tour des tourbillons
Et le progrès africain vadrouille comme une tortue blessée
J’habite la douleur d’une girafe en gésine
J’habite la poitrine du fleuve qui tousse
Et mon sang vacille parce que morsure se fait rhizome dans ma gorge
Mais au-delà des fièvres,
Au-delà des blessures de l’aube
J’irai m’agenouiller sur les nuages pour dire paix, fraternité d’abeilles
Habiter la parole des dieux, voir Makéba chanter l’éclair, chanter la beauté du
monde
Je traverserai les insolences pour dialoguer avec la lune
Par-delà cascade des frontières, par-delà mangroves tropiques
Je dirai aux femmes sérères de tamiser le cri du soleil
Je dirai aux femmes yoruba d’invoquer l’espoir pour en faire boussole
Et je cueillerai l’étincelle d’azur entre les mains d’Imana
Parce que les chuchotements des rosées ne savent plus réveiller les paupières du
jour
Comme par soif des minerais, les hommes ont profané la nudité des forêts
Ô mes pères ! Vous qui fûtes mémoire de lucioles, prêtez-moi le souffle des
générations qui viennent
Prêtez-moi la dynastie africaine
Prêtez-moi le bruit des crépuscules
Pour faire taire AQMI notre malaise parce que diseur d’anion,
parce que faiseur des tourments depuis l’effritement des sociétés
Ô mes pères !
Laissez-moi parcourir le testament des Amazones parmi les archives de
Tombouctou
Laissez à moi la beauté de Cléopâtre pour séduire la bravoure des femmes igbo
Je marcherai comme l’avalanche des laves sur la chevelure des nuits
Je porterai le masque téké à la traversée des orages
Je serai le chiffre sacré de la résurrection des empires
Et je danserai à la solidarité des femmes, à la féminité des étoiles
Parce que les méandres du fleuve forment un chant
Chant nègre et sonore pour toutes les femmes porteuses de lumière
Nous chanterons comme des tonnerres
Quand nos rêves marcheront telle l’étoile filante
Parce que demain reste notre chantier à bâtirExtrait de ‘‘Chants pour une fleur’’.
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