Les étroites rues pavées de Sidi Bou Saïd, charmant village surplombant la Méditerranée classé site du patrimoine mondial par l’Unesco, ont résonné dimanche dernier, 6 août 2023, des voix, des chants et des sons des tambours des dévots de deux confréries soufies qui se sont réunis ici pour participer à la procession rituelle appelée Kharja Aïssaouia Ariana.
Cet événement religieux et social fascinant, qui attire chaque année des milliers de personnes, issu de l’ancienne tradition populaire des saints, ou «sidi», en Tunisie.
La Kharja est un événement empreint de spiritualité et de dévotion, où Sidi Ahmed Tijani, saint influent et fondateur de l’ordre Tijaniyya, l’une des confréries soufies les plus reconnues au monde, est particulièrement honorée, y compris au fin fond de l’Afrique de l’ouest.
La pratique soufie est profondément enracinée dans la culture de certaines régions tunisiennes et représente un moyen pour les dévots de rechercher la proximité avec Dieu à travers la méditation, la prière et la musique.
Se connecter avec le divin
La procession part de la mosquée et serpente dans les rues étroites de Sidi Bou Saïd. Les participants portent des vêtements traditionnels et apportent des instruments de musique, tels que des tambours et des flûtes, qui sont joués à un rythme rapide.
Prières, chants et battements de tambours se fondent dans une atmosphère mystique qui enveloppe presque tout le village.
Pendant la procession, les fidèles marchent lentement et cérémonieusement, pour se connecter avec le divin à travers l’expérience sensorielle et dans certains rituels, comme les Aïssaouias, les disciples chantent et dansent jusqu’à ce qu’ils entrent en transe. Certains participants exécutent également des danses tourbillonnantes, une pratique soufie connue sous le nom de «dhikr», qui vise à atteindre un état d’unité spirituelle avec Dieu.
La Kharja n’est pas seulement une occasion religieuse mais aussi un moment de partage et de communauté. La procession est également l’occasion pour les visiteurs étrangers de s’immerger dans la culture populaire tunisienne et la spiritualité soufie.
La tradition survit au salafisme
Alors que le monde moderne continue d’évoluer, la tradition d’honorer les côtés saints en Tunisie reste un lien vital entre le passé et le présent. «A ses débuts dans les années 1840, la Kharja était avant tout un événement social. Elle symbolisait la rencontre de deux villages de paysans et de pêcheurs. Les habitants de l’Ariana, ville du Grand Tunis, venaient passer leurs vacances à Sidi Bou Saïd et entre deux communautés ont établi la tradition de rendre hommage aux saints des villages, de donner la bénédiction aux récoltes pour l’année à venir», a expliqué Aly Chérif, galeriste né à Sidi Bou Saïd, ajoutant que cette rencontre est alors devenue une fête mystique et populaire, partie intégrante du patrimoine tunisien.
La Kharja, après des années de déclin marquées par la montée du salafisme dans les années 2011-2019 (dans l’islam strict, le soufisme est considéré comme une hérésie) puis par la crise sanitaire, est revenue faire vibrer le cœur des fidèles et être un merveilleux exemple de la façon dont la spiritualité et les traditions anciennes peuvent encore fasciner et inspirer des milliers de personnes aujourd’hui.
Traduit de l’italien.
Source : Ansamed
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