Drame sombre et troublant, ‘‘Ashkal, l’enquête de Tunis’’ de Youssef Chebbi commence comme une étude abstraite de structures grises en ruine, soudain interrompues par des flammes. L’incendie amène deux détectives – Fatma (Oussaifi) et le père de famille grisonnant et secret Batal (Grayaa) – aux jardins de Carthage au nom trompeur.
Ce gratte-ciel en ruine est un complexe inachevé et abandonné situé juste à l’extérieur de Tunis, une relique moderne de la révolution du jasmin de 2010 et de la destitution du dictateur élu Zine El Abidine Ben Ali.
La source de l’incendie était le corps d’un agent de sécurité, dont la mort ressemble à un suicide qui déroute mais ne choque pas les flics. Après tout, la mort par auto-immolation fait partie de l’histoire politique tunisienne, la Révolution du Jasmin ayant été déclenchée par le suicide public de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant maltraité par un agent du gouvernement jusqu’au désespoir irréparable. Et la seule grande vérité du feu est qu’il se propage, de même que l’acte de Bouazizi est devenu une conflagration qui a englouti une nation, de même la mort inexplicable au début du film ‘‘Ashkal’’ fait de plus en plus de victimes apparemment volontaires.
Un éclat métaphorique
Dans le scénario de François-Michel Allegrini et du réalisateur Youssef Chebbi, l’histoire à peine enfouie du régime de Ben Ali n’est jamais loin de faire surface : Batal est un flic de la vieille école qui semble fermer les yeux sur ce que faisaient ses collègues à l’époque (au cours d’un dîner, il lance littéralement la phrase «nous ne faisions que suivre les ordres»), tandis que le père de Fatma dirige la commission publique chargée de nettoyer la police. Tous deux sont des étrangers avec leurs propres petits secrets, et cette combinaison de corruption et de forces sinistres derrière les transactions immobilières fait d’‘‘Ashkal’’ le genre de récit policier que James Ellroy reconnaîtrait. C’est cette flamme sacrée, et la question de savoir si elle est punitive ou purgative, qui donne à ce film noir moderne un éclat plus métaphorique.
‘‘Ashkal’’ est un film profondément politique, qui transpire de la politique récente de la Tunisie, mais sert également d’allégorie plus large de la répression, de la rébellion et de la facilité avec laquelle les péchés du passé peuvent se répéter.
Cette coproduction internationale reflète l’histoire et la diversité culturelle de la Tunisie, filtrée à travers la partition du compositeur Thomas Kuratli qui fusionne les œuvres orchestrales européennes avec les œuvres traditionnelles nord-africaines et l’appel à la prière.
Une lente combustion
Il s’agit d’une lente combustion indéniable, le directeur de la photographie Hazem Berrabah plaçant constamment les personnages – eux-mêmes souvent statiques – au sein de ces structures monolithiques de béton armé, indication de la nature déprimante et immuable du pouvoir.
La résolution est volontairement mais puissamment énigmatique, d’une manière qui transcende à la fois la procédure policière et les détails de l’histoire politique tunisienne.
Cela dit, ‘‘Ashkal’’ pourrait bien vous inspirer au-delà des frissons contenus dans ce superbe thriller noir. Peut-être en apprendrons-nous davantage sur une nation souvent ignorée. Mais on sera certainement dérangé et fasciné par une représentation effrayante de crimes oubliés.
‘‘Ashkal, l’enquête de Tunis’’ est disponible en VOD depuis le 22 août.
Traduit de l’anglais.
Source : ‘‘Austin Chronicle’’.
‘‘Ashkal, l’enquête de Tunis’’, réalisé par Youssef Chebbi, avec Fatma Oussaïfi, Mohamed Houcine Grayaâ, Hichem Riahi, Nabil Trabelsi, Tunisie 2023, 94 min.
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