Une nouvelle dynamique s’est créée à Kairouan et à Nabeul autour de leurs produits du terroir phares : la figue de barbarie d’El Ala, la rose de Khazazia et Dhraa Tammar, l’huile d’olive de Oueslati, à Kairouan, de la harissa, l’eau de fleurs d’oranger bigaradier et des figues de barbarie de Bouargoub, à Nabeul.
Cette dynamique s’inscrit dans la Stratégie tunisienne de promotion et de valorisation des produits du terroir qui a été conçue en 2022.
En 2016, devant l’intérêt croissant des consommateurs pour des aliments de qualité, provenant d’un savoir-faire agricole traditionnel et de techniques de transformations ancestrales, un inventaire des produits du terroir tunisien a été réalisé. Ce travail engagé par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche et le ministère de l’Industrie et des PME avec l’appui du Projet d’accès aux marchés des produits agroalimentaires et du terroir (Pampat), mis en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi) avec un financement du secrétariat d’État à l’Économie de la Confédération Suisse (Seco), a identifié 220 produits typiques couvrant toute la Tunisie. S’en est suivi en 2017 la première édition du Concours tunisien des produits du terroir mis en œuvre de façon bisannuelle par l’Agence de promotion des investissements agricoles (Apia) avec l´appui du Pampat.
Cet évènement, en particulier, qui est cette année 2023 à sa quatrième édition, présente à chaque fois une palette très diversifiée de produits susceptibles de créer une dynamique économique locale et nationale, d’autonomiser les femmes rurales, d’ancrer les populations dans leurs villes et villages et d’impulser un nouveau type de tourisme, fondé sur la gastronomie, le patrimoine culturel et les savoir-faire régionaux. Un tourisme alternatif pourvoyeur d’une image de marque et d’authenticité pour la Tunisie.
Dans un enchainement logique, et afin de mieux organiser, développer et pérenniser un large répertoire de trésors du goût jalonnant le pays, le ministère de l’Agriculture et l’Apia avec l´appui du projet Pampat a lancé en 2022 la mise en œuvre de la Stratégie tunisienne de promotion et de valorisation des produits du terroir.
Une mobilisation régionale puissante
Le développement de cette stratégie a été suivi par un comité de pilotage où sont représentés différents ministères, celui de l’Agriculture, de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat, de l´Economie, du Commerce, de l’Industrie et de l’Environnement afin de garantir l’implication de toutes les parties prenantes dans cette nouvelle aventure.
Les deux régions pilotes choisies pour la mise en œuvre de la stratégie ont été Kairouan et Nabeul. Dans ces deux gouvernorats, la machine s’est mise en marche pour réunir tous les acteurs concernés et mener ensemble une réflexion de fond sur la démarche à suivre.
«La mobilisation au niveau des régions a été forte. Si à Nabeul nos partenaires les plus engagés pour la concrétisation sur le terrain de la Stratégie viennent de la société civile, de l’Association de sauvegarde de la ville de Nabeul notamment, à Kairouan nous avons travaillé surtout avec les institutions mais également avec les opérateurs privés», constate Dorsaf Ben Ahmed, sous-directeur des fruits à la Direction générale de la production agricole au ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche.
En effet, dans chacun des deux gouvernorats ont été choisis d’une manière collégiale trois produits agroalimentaires phares. Selon une approche de coopération publique-privée réunissant institutions et producteurs privés, Kairouan a opté de travailler, dès le mois de juin 2022, pour la figue de barbarie d’El-Ala, la rose de Khazazia et Dhraa Tammar et l’huile d’olive Oueslati d’El-Ala, Haffouz et Oueslatia.
De son côté, Nabeul a initié en juillet 2022 un processus pour mettre sous les projecteurs ses trois produits du terroir phares : la harissa, l’eau de fleurs d’oranger et les figues de barbarie de Bouargoub.
«Nous voulons offrir aux agriculteurs et aux producteurs des accompagnements pour mieux se structurer, améliorer la qualité de leurs produits, renforcer leur compétitivité et accéder au marché national et international. Cette nouvelle démarche pourrait faire des produits de du terroir le vecteur du développement régional», affirme Lemia Chekir Thabet, coordinatrice nationale du projet Pampat.
Un processus pour créer de la valeur ajoutée
Dans les deux régions pilotes tout le monde s´est activé pour promouvoir les produits du terroir phares. Les priorités énoncées dans la Stratégie nationale sont la valorisation des produits, l´appui à l’entreprenariat, la promotion et commercialisation, le marketing territorial et enfin l’instauration des bases d’une bonne gouvernance pour le nouveau sous-secteur des produits du terroir tunisien.
Un des premiers pas réalisés dans les régions pilotes a été d’identifier et de recenser tous les acteurs concernés et intéressés par ce secteur (agriculteurs, transformateurs artisans, groupements industriels, épiceries fines, maisons d’hôte, tables d’hôte, restaurants, pâtisseries…) et de former les uns et les autres sur l´approche collective de valorisation territoriale.
Cette démarche a ouvert l’horizon des possibles devant les agriculteurs, les femmes rurales et les petits producteurs du secteur agroalimentaire. Par ailleurs, elle facilite la commercialisation de leurs produits du terroir. Une commercialisation, qui ambitionne de s’étendre de l’espace régional, à celui national pour atteindre l’international.
La création d’évènements autour des produits, tel des ateliers, des festivals, des cooking-shows ou l’initiation de routes touristiques thématiques constituent quelques exemples des mécanismes mis en place pour élargir le rayonnement de l’enivrante fleur d’oranger de Nabeul, de sa savoureuse harissa à la notoriété désormais internationale, de la figue de barbarie de Bouargoub, sans épines et cultivée en arrière-saison, des mille et un dérivés des roses de Kairouan au parfum unique apparentée à la très recherchée espèce «rose de Damas», de l’huile d’olive Oueslati au caractère fruité ou encore du figuier de barbarie d’El-Ala, connu pour ses fruits au gros calibre et au goût très sucré. Tous ces atouts rendent possible l’accès à des salons internationaux et permettent d’inscrire les produits phares de Nabeul et de Kairouan sur différentes plateformes de vente à l’international.
Zouhair Bellamine, président de l’Association de sauvegarde de la ville de Nabeul qui organise une fois par an le festival de l’harissa et le festival de la fleur d’oranger déclare : «Avoir pris part à toute cette démarche, engagée l’été 2022, me réjouit beaucoup puisqu’une synergie entre plusieurs acteurs est née autour de ce projet». Il ajoute : «Nous avons étendu la promotion de la harissa et du zhar (eau de fleur d´oranger), grâce au Pampat, pendant toute l’année en prenant part à divers évènements dans plusieurs villes de la Tunisie. Nous avons gagné une plus grande visibilité en tapant à d’autres portes comme les restaurants et les maisons d’hôtes et en instaurant une collaboration pérenne avec des chefs de renommée».
Inoubliables sont les expériences immersives
Stratégique est l’axe d´intervention relatif au marketing territorial. C’est la meilleure manière de rehausser l’image de marque d’une région grâce, en particulier, à des techniques de communication qui mettent la lumière sur les produits de du terroir. Ici aussi les idées ne manquent pas. A titre d’exemples, nous citerons le développement d’un logo régional relatif au terroir, la formation au storytelling et la communication sur des recettes typiques.
Pour faire de ces deux régions pilotes des destinations gastronomiques, chaque acteur a son rôle à jouer pour l’intégration des produits dans les circuits touristiques, la mise en place de nouveaux évènements et concours culinaires, l´organisation d´ateliers thématiques vivants pour les touristes dans les maisons d’hôtes et gites ruraux et la conception d’une nouvelle offre attractive.
En coordination avec l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), le projet Pampat a organisé récemment un circuit autour de la thématique de l’eau de fleur d’oranger, l’harissa et la figue de barbarie. Des journalistes et des représentants d’agences de voyage allemandes ont visité une distillerie et rempli eux-mêmes leurs bouteilles de zhar, ont préparé leur pot de harissa et ont testé l’huile de pépins de figue de barbarie fraîchement pressé. Une expérience immersive qui semble les avoir marqués.
Imed Atig, qui vit et travaille à Nabeul, est producteur de harissa de la marque «Terroirs de Tunisie» et fait partie des acteurs fortement impliqués dans la valorisation des produits de la région. Il témoigne : «Le projet Pampat a renforcé nos capacités de production et nous a ouvert sur le monde en nous invitant à participer aux salons internationaux. Introduire le logo «Produits du terroirs de Nabeul» représente à mon avis le plus beau cadeau. Aujourd’hui, nous souhaitons renforcer encore davantage la dimension du tourisme culturel».
Par ailleurs, la journée promotionnelle organisée à Kairouan autour de la rose, incluant des visites du marché des roses, de distilleries et de champs de rosiers, ainsi qu’une expo-vente des produits alimentaires et cosmétiques à base de rose a permis à un groupe de journalistes de découvrir cette fleur emblématique de la région. Ce sont les premiers pas vers la mise en place d’une route touristique de la rose qui se mettent en place à Kairouan.
L’huile d’olive Oueslati, grâce à son arôme unique, est elle aussi en phase de devenir un produit d’appel de la région de Kairouan pour attirer une nouvelle catégorie de visiteurs qui cherche à vivre de nouvelles expériences riches en saveurs et en découvertes.
Moez Naïri, expert national en monitoring et appui au développement territorial, qui travaille sur le projet Pampat exprime ses espoirs pour la reproduction du modèle appliqué à Nabeul et à Kairouan dans d’autres lieux de la Tunisie : «Il s’agit pour nous de concevoir les grandes lignes d’une approche de valorisation des produits de terroir, qui pourra être dupliquée dans toutes les régions de la Tunisie en l’adaptant à chaque fois aux spécificités économiques, sociales et culturelles de chaque gouvernorat et aux particularités des produits locaux».
Plusieurs défis restent à relever par tous les partenaires pour garantir la réussite de cette Stratégie nationale et en faire un nouveau modèle économique qui s’articulent autour des produits du terroir dans chacune des régions de la Tunisie. La route est longue mais les premiers jalons sont en train d’être mis pour baliser la voie.
Communiqué.
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