Que reste-t-il aux médias prosionistes français pour défendre l’indéfendable, en l’occurrence une armée d’occupation sioniste qui colonise un pays et soumet son peuple aux pires souffrances ?
Par Mahmoud Gabsi *
La guerre actuelle en Palestine est aussi médiatique. Que le gouvernement français actuel soit pro-sioniste, ce n’est un secret pour personne. Qu’il ne représente habilement ni la France comme moyenne puissance avec des intérêts sur les 5 continents, ni tous les français, vu qu’on sait comment la coalition qui gouverne actuellement a été élue, là aussi c’est un problème qui ne concerne que les Français. D’ailleurs, ne dit-on pas : «Charbonnier est maître chez soi».
Par contre, si les positions politiques et militaires de la France nuisent à un pays arabe ou islamique, les choses changent radicalement, du point de vue arabe ou islamique bien entendu. Et même si le mépris du monde médiatique envers les Arabes se base sur la corruption et l’intimidation de leurs gouvernements, le calcul est erroné car la mémoire populaire est vivace, elle n’oublie rien.
Côté intérêts, rien qu’en armement, 75% des ventes françaises se font vers des pays arabes : Egypte, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis.
Un simulacre de débat contradictoire
Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, les Palestiniens subissent un génocide dans le silence absolu des Occidentaux, et ce à des exceptions près. Pour légitimer ces massacres de masse, la propagande médiatique «française» continue à saturer les plateaux de télévision et de radio par divers experts et autres influenceurs d’opinion. Ils sont tous, peu ou prou, soit sionistes soit pro-israéliens.
Nous sommes très proches de la politique de communication en temps de guerre. A notre sens, des erreurs et échecs se sont produits. Pour ses acteurs, ce n’est qu’une manière de faire routinière. Dans la surprise générale, les stratèges en communication, ayant pris conscience de l’impact émotionnel de l’attaque du Hamas en Palestine, ont vite fait d’éclipser leurs journalistes «arabes».
Comme charbonnier, le majoritaire et ses supplétifs sont maîtres chez eux. C’est une erreur. Mais au fur et à mesure que la réaction sioniste a viré au génocide, il a été jugé utile de réintroduire le journaliste «arabe» de service qui a été formaté par le discours maison, pour donner dans la diversité et mettre en scène un simulacre de débat contradictoire. Malgré toutes ces concessions, les candidats qui ont fait le saut ont été humiliés en public par une assistance hystérique et inquisitrice. Or la majorité de ces intellectuels, qui sont souvent maghrébins, sont de nationalité française…
Cela confirme une règle : être arabe est toujours objet de suspicion. Les candidats à ce simulacre ont vu le sort qui a été fait à leurs coreligionnaires et se sont fait de plus en plus rares. Pire, des journalistes arabes ont démissionné de certaines chaînes. Voilà une autre erreur. Et alors que l’occupant sioniste a préparé ses arrières et formé par divers moyens des dizaines de communicants acquis corps et âme à sa cause, le pouvoir intellectuel français n’a investi ni dans le journaliste, ni dans l’intellectuel arabe. Les raisons de ce fiasco sont connues… d’où l’échec de la politique culturelle française quant à ses liens avec l’intelligentsia arabe dans l’Hexagone, particulièrement lorsque celle-ci est masculine. Encore une erreur.
L’aveuglement idéologique a fait que personne n’a vu l’émergence d’une conscience politique arabe depuis les années 90. Celle-ci est radicalement différente de celle des années 60 qui était issue des mouvements des indépendances.
Cette élite ne s’identifie pas du tout au discours religieux véhiculé par les courants islamistes hexagonaux, qui a été très vite récupéré par le pouvoir sous le label de «l’islam de France» et qui se fait aujourd’hui discret.
Cette conscience nouvelle se manifeste aujourd’hui, dans le champ culturel, y compris dans les médias, tout en prenant ses distances vis-à-vis du politique manipulateur. Encore une autre erreur.
La francophobie au Maghreb atteint des sommets
A l’étranger, ce n’est guère mieux. Les centres de recherches et culturels censés réunir des infos pour les décideurs en faisant de la politique sous couvert de science et de culture ont une tradition. S’appuyer, dans le sillage de la politique néocoloniale, sur les plus dociles, tout en évitant les compétences… Autre erreur. Leurs appréciations et leurs rapports sont erronés. Le résultat : la francophobie au Maghreb a atteint des sommets. Le meilleur exemple : lors de la finale de la Coupe du monde en 2022 et qui a été retransmise dans les cafés tunisiens, les foules ont supporté avec ardeur l’Argentine, un pays situé à 12000 km de la Tunisie. Or la Corse est à 450 km de Bizerte, donc plus proche que Djerba…
La récente déroute-expulsion de la France des pays du Sahel, où elle avait joué d’autres cartes, toutes aussi perdantes les unes que les autres, est une autre facette de cette fin de règne chaotique qui ne dit pas son nom.
Revenons aux réticences intellectuelles arabes en France. Que reste-t-il pour défendre l’indéfendable, en l’occurrence une armée d’occupation sioniste qui colonise un pays et soumet son peuple aux pires souffrances ? Les mercenaires étrangers pardi! Aux traîtres et autres agents «culturels» de service postés dans le monde arabe d’entrer en action. Là aussi, échec ! Car les masses arabes et musulmanes sont chauffées à blanc, elles sont déjà en colère contre leurs dirigeants qui les ont trahis en signant des accords avec l’occupant sioniste en sacrifiant leurs frères palestiniens. Elles le démontrent en descendant dans la rue. Le moment est d’autant mal venu qu’une surenchère dans la solidarité avec la Palestine est en cours : sportifs, artistes et autres stars du web ont grillé les mous et les hésitants par leur engagement fougueux. Et ce n’est pas fini ! Pour les réseaux dormants qui œuvrent pour les intérêts étrangers et ceux qui font double jeu c’est la totale. Pourquoi? Parce qu’aujourd’hui chez les Arabes, à tort ou à raison, tout le monde accuse tout le monde de trahison.
Pour faire court, la récente loi tunisienne interdisant aux binationaux d’être éligibles résume tout. Les faiseurs d’opinion pro-sionistes à l’intérieur des pays arabes sont ainsi avertis : les peuples et certains gouvernements les attendent au tournant.
Les dernières violences sont occidentales et sionistes
Manœuvrer contre l’intérêt de sa nation est désormais suicidaire. Anticipons les critiques : Qui sont ces individus? Dis moi quelle est ta position politique et je te dirai qui tu es.
Au-delà du citoyen lambda qui répète tel un perroquet ce qu’il entend et qui n’a aucune influence, il s’agit de penseurs, d’intellectuels, d’écrivains et de journalistes qui ont accès aux médias de masse. Ils parlent masqués et n’avouent jamais leur allégeance secrète, à l’image du raciste, qui pour se soustraire avance qu’il a des amis noirs. Pour l’instant, le gros contingent de ces taupes est muet. D’autres distillent leur venin en critiquant les Palestiniens. Une autre frange banalise le génocide actuel, comme si c’était un film hollywoodien, ce qui sous-entend qu’au fond, ils n’ont rien contre. D’autres soutiennent la thèse que cette région est réputée par sa violence, sans toutefois préciser que la dernière violence est occidentale et sioniste (Palestine, Irak, Afghanistan…).
Ceux qui se croient les plus malins procèdent en légitimant la violence des Etats-Unis et de l’Otan dans la région, comme étant un combat contre l’islamisme et le terrorisme. Ainsi l’armée sioniste ne fait que se défendre en se battant contre des intégristes terroristes. On ne peut rien contre elle, vu sa puissance ainsi que celles de ses alliés.
D’autres postures mentales existent, elles ont en commun d’être toutes pro-sionistes, atlantistes et pro-occidentales. Les porteurs de cette idéologie, quelles que soient leurs motivations, mais qui sont le plus souvent matérielles ignorent que si les Palestiniens disparaîtront, leur tour d’être colonisés viendra, car l’Occident est aux abois et ses stratèges ont un plan pour la recolonisation de tout le monde arabe, comme ils l’ont fait au XVIIIe siècle. Et là ils découvriront qu’être un Arabe ou un musulman libre chez lui est meilleur qu’être indigène, harki ou spahi sous la botte des colons.
* Sociologue à Tunis.
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