Le poème du dimanche : ‘‘Haute flamme’’ de Noureddine Bousfiha

Poète et universitaire né à Taza (Maroc), en 1948, Noureddine Bousfiha vit et travaille à Marrakech. A publié plusieurs recueils de poésie aux Éditions Caractères (Paris). D’autres, dans des maisons d’édition au Maroc.

Parmi ses publications: Les Fables du doute et de la certitude, Postface de Mohammed Khaïr-Eddine; des essais : Khaïr-Eddine (2022); une anthologie : Poésie arabe et lumière (1994); Introduction à la poésie de Mohammed Khaïr-Eddine (2022); et un roman : L’Autre côté de soi (2020).

Tahar Bekri

Bien qu’il ait le don total

le poète habite 

un chant d’avant les mots

Exilé dans un univers

qu’il porte près de son coeur

il n’a pour viatique

que la grâce et l’élévation de l’esprit

Sa voix monte des sources vives

promène son feu auprès des astres

qu’il fait boire dans le creux de sa main  

Il forme avec ses mots des talismans

aux couleurs des jours sombres

afin d’approcher l’énigme

que cèle le pacte où se croisent

les vertus contraires qu’il accorde

dans la familiarité de sa crypte intérieure

Frère de l’immémorial silence

célébrant tout ce qu’il aime 

Il donne sans rémission

toujours se reformant

S’il lève les yeux vers le ciel

c’est avec la conscience lucide de son âme

Chacun de ses mots est une aurore

qui tremble et sanime

Qu’il délire ou qu’il blasphème

la flamme haute couve entre ses doigts

et par une succession de paliers

elle dit un monde qui ploie sous la charge

mais qui croit encore à la vertu

Lumineux il progresse vers lui-même

puis d’un pas sans malice

il pousse sa rhapsodie et soublie

      II

Toute une nuit avinée

à faire bleuir le sommeil

à draguer l’ombre ensablée

en attente de l’aube

qui fait jaillir à flots

sa lumière aux lacets de ses cils

et fixer ainsi son empire

Confus au réveil

et c’est miracle de retrouver

à la rampe de ses rêves arrimés

une pensée pure et blanche

Le poète la jette fébrilement

sur un vieux grimoire

le visage clos sur une émotion

qu’il veut bien partager

sitôt le jour levé

             Poète mon ami!

Arrime-toi au lendemain

qui souvre comme un fruit

ajuste ton franc parler

foule aux pieds tes propres lois

lance au ciel ton florilège

et que le vent le promène 

sur ses ailes mouillées

là où bouillonnent les étoiles

à même le temps qui buissonne

nous mêlant à sa hâte 

Vole tranquille à travers l’infini

proclame à tout venant

ton élan vif où ta joie se confond 

Convertis les simulacres

à même les voies vastes du sommeil

Sache que du même pas 

et de la même voix

le poète donne ce qu’il a 

et prend si besoin il y a

(Remerciements à l’auteur)

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