L’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, Beit Al-Hikma, a organisé, le lundi 4 mars 2024, à son siège, à Carthage-Hannibal, une conférence sur le thème : «Le profane et le sacré. Régulation juridique des mœurs et de la morale publique». (Illustration: Azelarabe Lahkim Bennani, au centre).
La conférence a été donnée par Azelarabe Lahkim Bennani, professeur de philosophie du langage et de philosophie contemporaine à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Fès, Maroc.
Le conférencier a expliqué comment le droit a été mis à contribution comme instrument de promotion des bonnes mœurs – les bonnes mœurs étant conceptuellement insaisissables. La puissance de la norme juridique pour cautionner l’existence des bonnes mœurs et mettre en place des dispositifs de répression et de censure des mauvaises mœurs.
Et, par ailleurs, l’impuissance de la norme juridique à définir le contenu des bonnes mœurs autrement qu’en empruntant à la religion, à la morale ou au sens commun. Impuissance à laquelle s’ajoute une autre : contenir l’inexorable libéralisation des mœurs dans les sociétés contemporaines dont elle se borne à prendre acte.
En ce qui concerne la religion musulmane, il est possible d’interpréter les enseignements moraux islamiques d’une manière qui exclut du champ de la criminalisation les actes répréhensibles qui ne causent pas de préjudice réel. A ce titre, on peut invoquer, dans un premier temps, l’argument de la «dissimulation» («es-sitr»), issu de hadiths prophétiques et fortement répandu dans les normes sociales. Cet argument encourage à «fermer les yeux» sur les actes de «délits de l’obscurité» condamnés par la chariâ. Il s’en suit un principe de non-ingérence dans la sphère privée et d’une limitation à des réprimandes morales lorsque la situation l’exige.
Le professeur Bennani a, également, rappelé que les concepts d’atteinte aux bonnes mœurs et d’inconduite figurent aussi dans les législations des pays occidentaux, qui ont prévu des lois liées à la morale publique. L’expression «morale publique» étant associée à la pression exercée par l’opinion publique et le législateur tenant compte de l’évolution des mœurs et de la nécessité de les adapter au droit civil contemporain.
Dans les sociétés islamiques, la «dénonciation» morale au sein de la société se poursuit. Et cela à la fois dans les sociétés islamiques qui ont abandonné le système pénal islamique – la chariâ- ou dans celles qui continuent à l’adopter.
Donnez votre avis