Au crépuscule de l’Union Soviétique, les fonctionnaires récalcitrants et ne voulant pas compromettre leurs position et avantages, ont inventé le concept de résistance passive en évitant de s’engager dans une opposition franche mais en s’abstenant de faire le moindre effort et de prendre la moindre initiative en laissant le bateau couler lentement mais sûrement. Est-on aujourd’hui dans cette situation en Tunisie ? (Illustration : palais du gouvernement).
Par Elyes Kasri *
Gérer le statu quo en jouant la montre est devenu un principe cardinal de l’administration et du secteur publics en Tunisie dans leur écrasante majorité à tous les niveaux central, régional et local.
Bien sûr, les exceptions et les nageurs à contre courant existent mais sont vite rattrapés par la triste réalité et happés par la pieuvre de l’inertie, de l’immobilisme et du laisser faire les choses comme on en a pris l’habitude et su en tirer les dividendes par commission ou omission.
Au crépuscule de l’Union Soviétique, les fonctionnaires récalcitrants et ne voulant pas compromettre leurs position et avantages, ont inventé le concept de résistance passive en évitant de s’engager dans une opposition franche mais en s’abstenant de faire le moindre effort et de prendre la moindre initiative en laissant le bateau couler lentement mais sûrement.
Aussi, la réforme de la fonction et du secteur publics en Tunisie gagnerait à mettre en haut de l’échelle d’évaluation des cadres à tous les niveaux un critère de performance, d’innovation et de valeur ajoutée personnelle.
La mentalité de «mosmar fi hite» ** associée au moindre effort et au risque zéro, à part quelques réunions et articles de presse ou sur les réseaux sociaux, vides de contenu, de suivi et de concrétisation, a mené la Tunisie à une situation très délicate, non pas en raison des facteurs de blocage mais surtout de régression et de perte des acquis laborieusement engrangés.
Instaurer l’obligation de résultat
De nombreux responsables se targuent d’un curriculum vitae à première vue respectable, mais qui se révèle en fin de compte vide de toute réalisation et de performances à la hauteur des responsabilités assumées.
La Tunisie peut sortir de l’actuelle crise avec ses contraintes endogènes et exogènes en exigeant de ses cadres et responsables le courage d’entreprendre et d’être à la hauteur de la confiance et des attentes sous peine de laisser la place à plus compétent et plus dévoué à l’intérêt national.
En fin de compte, il faudra remplacer le paradigme de la gestion en jouant la montre par l’obligation d’effort et de résultats tangibles et quantifiables. Cette obligation de résultat gagnerait à être codifiée à l’échelle nationale et soumise à des critères objectifs pour éviter les effets pernicieux du pouvoir discrétionnaire et de la subjectivité qui pourraient se teinter de favoritisme régional ou autre ou bien donner lieu à la démolition programmée de ceux dont on veut se débarrasser pour des considérations plus ou moins avouables.
* Ancien ambassadeur.
** Traduire : «clou au mur», expression utilisée en Tunisie pour caractériser l’emploi sûr et garanti dans la fonction et le secteur publics, et qui est souvent synonyme de moindre effort.
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