Dans son nouveau roman ‘‘Pour qu’il fasse plus beau…’’ (éd. Arabesques, Tunis 2024, 187 pages), Atef Gadhoumi nous emmène dans le sillage meurtrier d’un tandem famélique, Ridha et sa sœur cadette Amel, animés par un irrépressible besoin de vengeance, sur fond de division sociale et de haine de classe.
Par Imed Bahri
Entre thriller policier et roman social, ‘‘Pour qu’il fasse plus beau…’’ nous tient en haleine en narrant l’itinéraire sanglant de deux criminels dont les mains sont entachés, dès l’enfance, du sang de leur parâtre ou beau-père, homme fruste, frustré, violent et haineux envers leur mère, Zohra, laquelle a eu, elle-même, ses deux enfants à la suite de deux viols.
«Un duo diabolique réclamant une vengeance impitoyable et des représailles atroces, déversées sur tous, sans exception et qui n’épargneraient personne», écrit l’auteur qui ne trouve pas de mots assez forts pour qualifier les actes ignobles des deux principaux personnages de son roman.
La solution finale
«Perchée en haut d’une majestueuse montagne, telle une sentinelle scrutant les environs, la discrète grotte taillée dans la roche s’ouvrait sur un versant escarpé et difficile d’accès. La lueur vacillante d’une bougie à moitié consumée éclairait modestement l’intérieur, projetant des ombres dansantes et mystérieuses», lit-on vers la fin du roman. C’est dans cette grotte, où il avait tué et enterré son parâtre quatre décennies auparavant, que Ridha s’est réfugié, fuyant des policiers lancés à ses trousses, après qu’il ait tué, tour à tour, son père naturel, sa mère et sa demi-sœur, et failli tuer son demi-frère et beau-frère Iskander, à la suite d’un accident qu’il avait sciemment provoqué. Pour éviter l’arrestation, la condamnation et la prison, il choisira de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu.
On ne racontera pas ce roman plein de rebondissements et qui est mené à un rythme effréné, déroulant, à travers le parcours des personnages, quatre décennies de l’histoire contemporaine de la Tunisie, et le portrait d’une société en pleine mutation et qui sait être injuste et cruelle. On laissera le lecteur plonger dans l’univers glauque de ce roman déroutant.
«L’histoire au fond sombre et tragique n’est pas un agglomérat de faits divers, ni un concours malheureux de circonstances. Elle n’est pas subie mais voulue, alimentée par l’unique cruauté des profondeurs de l’âme humaine, et animée par un seul leitmotiv : la vengeance», déclare Atef Gadhoumi. «C’est cette face cachée de l’intérieur de chacun de mes personnages qui a guidé mon tissu narratif. La brutalité des faits racontés et la noirceur dominante en sont la manifestation», explique-t-il, en affirmant que «l’outrance des va-et-vient temporels des événements n’est pas uniquement un fait de style recherché, mais en concordance avec le tourbillon de souvenirs indélébiles vécus par mes personnages, imposée par les tourments et transes qui surgissent inlassablement».
Tous coupables, tous victimes !
Les destins de Zohra, Amel, Ridha, Iskander, Habiba, Souad et les autres se croisent, s’entrelacent et se brisent infailliblement, jusqu’à l’annihilation. Tous coupables, tous victimes, tous bourreaux et suppliciés, à la fois, leur vie est un roman tragique. Il suffit qu’ils disparaissent pour qu’il fasse beau, comme le suggère le titre. Mais il faut les croiser, ces personnages, connaître leurs destins, heurs et malheurs, non pas pour les comprendre, car les motivations de leurs actes extrêmes resteront toujours mystérieuses, mais pour tenter de se comprendre soi-même, le roman étant une sorte de miroir où l’on se mire, même s’il nous est parfois difficile de nous identifier à ses personnages, surtout lorsqu’ils sont extrêmes.
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