Tunisie : Kaïs Saïed lorgne les Bourguibistes (vidéo)   

Kaïs Saïed s’est rendu ce matin, samedi 6 avril 2024, à Monastir, pour se recueillir sur la tombe du premier président de la république et fondateur de la Tunisie moderne, Habib Bourguiba, à l’occasion du 24e anniversaire de son décès. Une visite éminemment politique en perspective des prochaines présidentielles. (Illustration: Saïed se recueille sur la tombe de Bourguiba).

Par Imed Bahri   

Le président de la république a par la même occasion discuté avec certains anciens compagnons de route du défunt président, ainsi que sa fille Hajer, qui lui a fait part de sa consternation face aux insultes à la mémoire de son défunt père qu’elle retrouve aujourd’hui sur les réseaux sociaux. «La critique académique est acceptable, mais pas l’insulte à la mémoire de l’homme qui incarne l’Etat», a-t-elle insisté, en demandant au chef de l’Etat de promulguer un décret-loi interdisant l’atteinte aux symboles de la nation. (voir vidéo).

Saïed n’a certes rien promis à Hajer Bourguiba à ce sujet, mais il a loué les réalisations de son prestigieux prédécesseur, sans le nommer, affirmant qu’«on ne peut en aucun cas tourner le dos à ce qu’il a accompli pour le pays». Selon lui, Bourguiba «a beaucoup donné à la Tunisie. Il révolutionné l’éducation, la santé, le statut de la femme. Il a changé le visage de l’Etat. Et créé de nombreuses institutions qui ont eu de grandes réalisations».

Poignée de main avec Hajer Bourguiba.

Assainir le pays, martèle-t-il

Evoquant ensuite, indirectement et de manière allusive, les élections présidentielles prévues à l’automne prochain et auxquelles il ne fait aucun de doute qu’il sera candidat, Kaïs Saïed a lancé que «le pouvoir n’est pas une ambition, un fauteuil ou un siège. C’est une responsabilité», ajoutant : «Nous restons ferme dans notre détermination à assainir le pays de tous ceux qui l’ont corrompu.» (voir vidéo).

«Les critiques sont les bienvenues. Car le pouvoir suscite lui-même une opposition. Et il doit y avoir une coexistence pacifique entre le pouvoir et l’opposition. Mais il n’est pas question de revenir en arrière», a encore déclaré Saïed, comme pour répondre aux critiques émanant de parties intérieures et extérieures sur ce qui est considéré, de sa part, comme une «dérive autoritaire», une «répression de l’opposition» et une «atteinte à la liberté d’expression et de la presse».

Kaïs Saïed a aussi profité de l’occasion pour s’en prendre à nouveau à «ceux qui se jettent dans les bras de l’étranger», ajoutant : «Tout candidat [à la présidentielle] doit être soutenu par les Tunisiens et non par une quelconque partie étrangère», dans une limpide allusion à l’ancien ministre Mondher Zenaidi, qui a fait part, à partir de la France où il réside, de sa volonté de présenter sa candidature à la prochaine présidentielle.

Une pierre dans le jardin de Moussi et Zenaïdi

En allant à Monastir pour célébrer le 24e anniversaire de la mort de Bourguiba, Saïed a sans doute voulu aussi gagner l’appui des Destouriens, famille politique dont se réclament, justement, en plus de Mondher Zenaidi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, qui avait également fait part de sa volonté de se porter candidate à la présidentielle, mais qui est incarcérée depuis octobre dernier dans le cadre d’affaires intentées contre elle entretemps.  

Il faut dire que le président Saïed, dont l’identité politique est difficile à déterminer, tant il échappe à toutes les classifications habituelles, parvient, grâce à son populisme, à brasser large et à entraîner dans son sillage des familles politiques aussi hétérogènes et même parfois  irréconciliables comme les islamistes, les nationalistes arabes, les Destouriens et même certaines franges de la gauche. Chaque partie voit en lui ce qu’elle y projette elle-même : le religieux conservateur pour les uns, le nationaliste arabe ombrageux pour les autres, le défenseur des pauvres, le pourfendeur des riches et le président intransigeant et fort pour tous. Les Destouriens, y compris de nombreux Bourguibistes, font partie de ce lot, même si on doit à la vérité de préciser que Kaïs Saïed ne porte pas vraiment Bourguiba dans son cœur.

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