Des membres du Congrès américain ont déjà menacé la Cour pénale internationale (CPI) en tant qu’institution dans des déclarations publiques et des tweets mais là, douze sénateurs américains ont envoyé une lettre au procureur général de la CPI Karim Khan le menaçant personnellement ainsi que sa famille en cas de lancement de mandats d’arrêt contre les responsables israéliens. La lettre se termine par un glaçant «You have been warned» (Vous avez été prévenu). Des méthodes de barbouzerie des bas fonds qui font bondir au sein même du Sénat.
Par Imed Bahri
Le média en ligne Zeteo récemment lancé aux États-Unis par le journaliste anglo-américain Mehdi Hassan a révélé, lundi 6 mai 2024, qu’une lettre a été envoyée par douze sénateurs républicains américains au procureur général de la CPI Karim Khan et que celle-ci allait au-delà de l’avertissement pour devenir une lettre de menace. Ils l’ont menacé de lourdes sanctions s’il émettait des mandats d’arrêt contre les dirigeants et les chefs militaires israéliens.
Le texte de la lettre obtenu par le site indiquant qu’elle a été envoyée le 24 avril mentionne: «Si la Cour pénale internationale émet un mandat d’arrêt contre Netanyahu et d’autres responsables israéliens, cette mesure sera considérée comme une menace non seulement à la souveraineté d’Israël mais aussi à la souveraineté des États-Unis d’Amérique ce qui entraînera de lourdes sanctions.»
Dans leur lettre, les sénateurs ont menacé le procureur général Khan en disant: «Si vous ciblez Israël, nous vous ciblerons». Ils ont également menacé d’imposer des sanctions aux employés qui travaillent avec M. Khan et aussi d’interdire au procureur et à sa famille d’entrer aux États-Unis. Les douze sénateurs ont conclu leur lettre par ceci : «Vous avez été prévenu!», phrase qui a beaucoup fait réagir dans la presse et sur les réseaux sociaux.
Une brutalité qui convient à la mafia
Dans une déclaration à Zeteo, le sénateur démocrate Chris Van Hollen du Maryland a déclaré: «C’est bien d’exprimer son opposition à une éventuelle procédure judiciaire mais c’est absolument une faute d’intervenir dans une affaire judiciaire en menaçant des magistrats, les membres de leur famille, leurs proches et les employés avec des représailles. Cette brutalité est quelque chose qui convient à la mafia pas aux sénateurs américains.»
Parmi les sénateurs qui ont signé la lettre figure le leader des républicains au Sénat, et non des moindres, Mitch McConnell. Ce dernier est apparu devant les caméras lors d’une conférence de presse en juillet dernier incapable de parler pendant quelques instants avant que son entourage ne le fasse sortir de la salle. L’incident a suscité des spéculations sur l’état de santé du sénateur républicain du Kentucky. En mars dernier, McConnell a été transporté à l’hôpital après s’être effondré dans un hôtel de la région de Washington.
Parmi les signataires figurent également des visages connus pour leur soutien à Israël tels que Tom Cotton, Marco Rubio, Ted Cruz et Tim Scott, de la Caroline du Sud, qui figurerait sur la liste restreinte de Donald Trump pour la vice-présidence.
Vendredi dernier, le bureau du procureur de la CPI a appelé à mettre fin à ce qu’il a qualifié d’intimidation des agents judiciaires affirmant que de telles menaces pourraient constituer un crime contre la CPI. Le bureau a déclaré, dans un communiqué publié sur X, que toutes les tentatives visant à entraver le travail des employés, à les intimider ou à les influencer de manière inappropriée doivent cesser immédiatement. Il a ajouté que le Statut de Rome qui définit la structure de la Cour et ses domaines de compétence interdit de telles actions.
Des méthodes de barbouzerie
Ce qui est saisissant, au-delà des méthodes de barbouzerie, que constitue cette lettre scandaleuse, c’est la phrase «cette mesure sera considérée comme une menace non seulement à la souveraineté d’Israël mais aussi à la souveraineté des États-Unis d’Amérique». Les sénateurs américains considèrent donc que des mandats d’arrêt contre les responsables israéliens relève de la menace pour la souveraineté américaine. Pourquoi donc? Les Américains ont-ils des choses douteuses à se reprocher? Pourquoi le travail de la CPI les gène-t-il autant? Ceci ne saurait être uniquement expliqué par l’excès de zèle dans la défense d’Israël car il est question de «menace de la souveraineté des États-Unis d’Amérique» et non des moindres!
Là, les informations du défunt Aaron Bushnell nous reviennent à l’esprit. Le jeune militaire, qui travaillait au sein des renseignements de l’armée de l’air américaine et qui avait accès à des documents confidentiels, avait indiqué à son ami quelques heures seulement avant de s’immoler que des militaires américains combattaient à Gaza aux côtés des militaires israéliens. Les sénateurs américains craignent-ils que les enquêteurs de la CPI parviennent à dévoiler des vérités compromettantes et à pointer du doigt la responsabilité américaine?
De plus, les États-Unis ont livré les avions et les bombes avec lesquels Israël perpètre son génocide et ses crimes de guerre à Gaza depuis plus de sept mois. La responsabilité et la complicité des États-Unis ne sont donc pas si difficiles à être établies.
Autre élément, les hauts responsables américains de l’administration Biden n’ont pas condamné les méthodes de barbouzerie des sénateurs. Par conséquent, les menaces personnelles contre M. Khan et sa famille visent à protéger Benjamin Netanyahu et sa clique de génocidaires d’éventuels mandats d’arrêt internationaux mais aussi à protéger les États-Unis dont la complicité dans le génocide et les crimes de guerre à Gaza n’est plus à prouver.
Lettre de menace à Karim Khan et sa famille signée par les 12 sénateurs américains:
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